À l’approche du 23e anniversaire du naufrage du Joola, un Comité régional de développement (Crd) s’est tenu hier au Musée-Mémorial Le Joola de Ziguinchor. Présidée par le gouverneur Mor Talla Tine, la rencontre a réuni autorités administratives, acteurs culturels et sociaux, rescapés, familles de victimes, ainsi que des représentants de l’État et de la société civile, avec un objectif commun : faire de cette commémoration un moment fort de transmission, de recueillement et de prise de conscience citoyenne.
Le naufrage du bateau « Le Joola », survenu dans la nuit du 26 septembre 2002 au large de la Gambie, a fait 1863 morts selon les chiffres officiels, avec seulement 63 survivants. Vingt-trois ans après, le souvenir reste vif, mais les organisateurs pointent un risque d’essoufflement de la mémoire collective. « Vingt-trois ans après, rien n’a changé », a lancé avec gravité Evelyne Marie-Jeanne Ndiaye, coordinatrice de l’événement et secrétaire aux relations extérieures de l’Association des familles de victimes.
Placée sous le thème « 23 ans après le Joola : l’urgence du souvenir, l’impératif du changement de comportement », l’édition 2025 entend marquer un tournant. « Ce qui a mené au drame, c’est le comportement », a rappelé Mme Ndiaye, appelant à un sursaut national et à une introspection collective. Le choix de ce thème reflète une volonté claire de sensibiliser la jeunesse, d’impliquer davantage les communautés, et de renforcer les actions concrètes autour de la sécurité, de la cohésion et du devoir de mémoire.
Le gouverneur Mor Talla Tine s’est félicité des échanges fructueux du Crd, soulignant que les propositions recueillies seront transmises aux plus hautes autorités. Le budget de la commémoration, non encore communiqué, sera partagé entre l’État et l’association. Un appel a été lancé aux collectivités territoriales pour un appui logistique et financier, en plus du soutien attendu des forces armées pour l’entretien des cimetières comme celui de Kabadio, où reposent plusieurs victimes.
L’État, par la voix du Directeur général de la Culture au ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Abdou Simbandy Diatta, a réaffirmé son engagement à accompagner l’événement. « Ce Crd s’inscrit dans la logique de proximité et de mémoire collective, en droite ligne du référentiel Sénégal 2050 », a-t-il déclaré, insistant sur la nécessité d’intégrer le Joola dans les programmes scolaires pour garantir la transmission du souvenir aux générations futures.
Parmi les voix les plus poignantes, celle d’Ousmane Keita, rescapé du naufrage, a rappelé l’importance d’associer les survivants et les familles aux décisions. « Il faut nous associer si l’on veut vraiment éviter l’oubli », a-t-il plaidé. De son côté, Mahawa Doumbia, représentante de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance, a souligné la nécessité d’intégrer les outils numériques dans la sensibilisation, afin d’élargir la portée du message, notamment auprès des jeunes.
La commémoration de 2025 se veut plus structurée, avec un programme enrichi sur trois jours dans les trois départements concernés. Veillées, prières interreligieuses, hommages et moments de dialogue remplaceront les discours classiques. Une cellule de communication a également été mise en place pour renforcer la couverture médiatique de l’événement et mieux diffuser ses messages.
Evelyne Marie-Jeanne Ndiaye a par ailleurs salué la fin progressive des divisions internes au sein des familles de victimes, appelant à une dynamique nouvelle autour du recueillement et de la résilience. Elle a tenu à rendre hommage à Boubacar Ba, président de l’association, « un homme à féliciter pour ses 22 années d’engagement continu ».
En 23 ans, le drame du Joola est devenu plus qu’un simple souvenir douloureux. Il est un symbole national de résilience, de vigilance et d’appel à la responsabilité. Pour les familles et rescapés, commémorer, c’est aussi militer pour un avenir où de telles tragédies ne se reproduiront plus. « Se souvenir, c’est bien. Agir, c’est mieux », a conclu Mme Ndiaye, résumant l’esprit qui animera cette édition 2025.
BMS












