Au sortir de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris, où son audience a été renvoyée au 4 novembre, Madiambal Diagne a dénoncé une «affaire politique» fabriquée contre lui par le régime de Dakar. Son avocat, Me Vincent Brengarth, parle d’un dossier «monté de toutes pièces» et d’une «persécution judiciaire» qui doit cesser.
Le ton assuré, Madiambal Diagne s’est présenté ce lundi 28 octobre 2025 devant la presse, à la sortie de la Cour d’appel de Paris. Convoqué par la justice française dans le cadre de la procédure d’extradition demandée par l’État du Sénégal, le journaliste a livré un plaidoyer où se mêlent gratitude, douleur et détermination. «Je voudrais rendre grâce à Dieu et remercier tous mes compatriotes qui ont fait le déplacement jusqu’ici pour venir nous témoigner leur soutien et leur solidarité», a-t-il déclaré d’entrée. Et d'ajouter : «je suis très confiant. Votre présence me ragaillardit, me rend fier et me donne beaucoup de courage, comme à la plupart de nos compatriotes qui sont au pays et qui suivent cette affaire.»
Pour Madiambal Diagne, il ne fait aucun doute que la procédure dans laquelle il est impliqué n’a rien de judiciaire : «il s’agit d’une affaire politique, et nous allons la démontrer de manière claire et précise. Je pense que nos adversaires feraient bien de s’armer de patience.»
Un dossier reporté et un contrôle judiciaire allégé
Le journaliste a expliqué les raisons du renvoi décidé par la chambre d’instruction. «Quand nous sommes venus, nos avocats ont, à juste titre, fait savoir à la chambre d’instruction qu’ils n’ont pas reçu le dossier à temps. Ils ont ainsi sollicité un report, ce que la chambre d’instruction a bien voulu leur accorder», a fait savoir le patron du Groupe Avenir Communication.
Mais, au-delà de ce report, une autre décision est venue alléger la pression sur lui : «la chambre d’instruction nous a agréablement surpris en décidant d’un allégement de mon contrôle judiciaire. De ce fait, je ne suis plus tenu de me rendre au commissariat de police du 8ᵉ arrondissement de Paris pour pointage». Pour Madiambal Diagne, ce geste traduit une reconnaissance implicite de sa bonne foi : «cela montre que la justice est confiante, parce que je me suis toujours présenté aux différentes audiences.»
«Ce dossier est éminemment politique»
À plusieurs reprises, l’ancien patron de presse a dénoncé la dimension politique de cette procédure : «ce dossier est éminemment politique et je pense que tout le monde qui suit l’actualité au Sénégal le sait. Ce n’est pas la première fois que ce régime a essayé de m’envoyer en prison. À plusieurs reprises, j’ai été convoqué à la police. Aujourd’hui, ils ont décidé de fabriquer un dossier contre moi et cela suffit pour montrer que c’est un dossier politique.»
Pour le journaliste, la vérité finira par triompher : «la vérité éclatera au grand jour et les Sénégalais seront édifiés.» C’est dans ce même esprit de transparence qu’il dit avoir demandé à la Cour «de tenir une audience publique pour permettre à tout le monde de savoir ce qui est dans ce dossier». Mais la juridiction en a décidé autrement. «La Cour a refusé notre demande, décidant de tenir l’audience à huis clos, en chambre des conseils, pour des raisons, dit-elle, liées à la diplomatie mais également à la sérénité des débats», a-t-il regretté.
L’émotion d’un père face à la détresse de sa famille
Le journaliste a ensuite évoqué la situation de sa famille restée au Sénégal, visiblement bouleversé par les nouvelles qu’il reçoit. «Savoir ma femme au pavillon spécial de l’hôpital Principal me fait beaucoup de peine. Aucun père de famille ne voudrait voir sa famille dans ces conditions, surtout quand celui-ci est contraint à l’exil.»
Mais son inquiétude ne s’arrête pas là. «Il n’y a pas que ma femme et mes enfants. Il y a également mon ami Omar, qui a été arrêté et envoyé en prison tout simplement parce que Madiambal lui aurait confié sa famille en quittant le Sénégal. Il s’agit ni plus ni moins d’une détention arbitraire», a-t-il déploré.
La saisine du Groupe de travail de l’Onu
Dans sa déclaration, le journaliste a fait une révélation importante : la saisine du Groupe de travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire. «Je voudrais révéler ici que mes avocats ont décidé de saisir le Groupe de travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire. Ils ont alors envoyé des pouvoirs aux gens qui sont injustement arrêtés dans cette affaire, mais le juge d’instruction sénégalais et le procureur du Pool judiciaire financier refusent catégoriquement depuis trois semaines de signer ce pouvoir qui permettrait à mes avocats de se rendre à Genève pour porter plainte contre l’État du Sénégal», a fait savoir Madiambal Diagne.
Cette décision, selon lui, s’inscrit dans une logique de défense internationale, face à ce qu’il considère comme une instrumentalisation politique de la justice sénégalaise.
La parole de la défense : « un dossier monté de toutes pièces »
Son avocat, Me Vincent Brengarth, a abondé dans le même sens, confirmant d’abord le déroulé procédural : « la juridiction a fait droit à notre demande de renvoi. Monsieur Diagne, qui avait été placé sous contrôle judiciaire, a vu son contrôle un peu allégé, parce qu’il n’est plus tenu à une obligation de pointage, et ça montre que la justice est confiante, parce qu’il s’est toujours présenté aux différentes audiences. »
Pour l’avocat, il n’y a aucune ambiguïté sur la nature du dossier : «tout le monde sait que ce dossier est totalement monté de toutes pièces, et c’est ce que nous allons démontrer devant la chambre d’instruction, qui a renvoyé ce dossier au 4 novembre.»
Me Brengarth de prévenir : «on a des arguments extrêmement forts à faire valoir, et ça va être le sens de notre démonstration, ça va être le sens de notre plaidoirie la semaine prochaine.»
«Des arguments juridiques solides»
L’avocat reconnaît la difficulté de faire valoir ces arguments devant les juridictions sénégalaises, mais garde espoir en la justice française. «Il est très difficile de le faire valoir, quasi impossible, devant les juridictions sénégalaises. En revanche, on espère que ça pourrait être le cas devant la chambre d’instruction, parce que nous avons des arguments tout à fait construits, tout à fait solides pour pouvoir le démontrer», a-t-il conclu.
Sidy Djimby NDAO
(Correspondant permanent en France)












