Alors qu’une conférence de presse s’est tenue pour annoncer une marche réclamant justice pour les victimes des violences politiques ayant coûté la vie à plus de 80 personnes, la division s’installe entre les organisateurs. Des voix s’élèvent pour dénoncer une tentative de récupération politique et une initiative menée sans concertation. En toile de fond, la présence controversée du député Guy Marius Sagna et l’absence d’unité parmi les victimes et ex-détenus.
Des citoyens d’obédiences politiques différentes se sont réunis hier lors d’une conférence de presse pour, disent-ils, réclamer « justice pour nos martyrs ». Après dix-huit mois d’attente, ces victimes et parents de victimes des événements politiques ayant coûté la vie à plus de 80 personnes, avec leur lot de blessés, n’en peuvent plus d’attendre que justice soit rendue. Face à la lenteur de l’ouverture judiciaire du dossier, ces citoyens comptent se faire entendre à l’occasion de la marche prévue ce samedi. « Aucun homme politique n’est derrière nous, aucune structure de la société civile non plus. C’est juste une démarche patriotique et un engagement pour le respect des droits humains », précise d’emblée le coordonnateur de la cellule Pastef de Jaxaay 2 à Keur Massar, qui a pris la parole pour apporter cette clarification.
Cependant, cette précision est malheureusement rejetée par certains membres qui affirment ne pas être au courant de cette initiative, encore moins de la marche. « Guy Marius Sagna a son propre agenda. Il n’a pas assisté à l’enterrement de Pape Mamadou Seck hier (jeudi, Ndlr). Comment peut-il se permettre de parler en notre nom lors de cette rencontre sans nous avertir ? Nous exigeons qu’il cesse cette récupération politique », dénonce Cheikh Ahmed Kouta, qui admet que « le Rassemblement des détenus politiques n’étant pas informé de cette initiative ni de la marche, ne participera pas à celle-ci. Nous n’accepterons pas qu’on parle en notre nom ».
Le président du Rassemblement des victimes dénonce cette démarche solitaire. Il affirme qu’aucun membre de la structure qu’il dirige n’était informé de cette initiative. « Je n’ai reçu aucune invitation ni été informé. Nous n’accepterons pas la récupération politique. Nous restons et demeurons les sentinelles de la République. Nous savons ce que le régime fait et à quoi il est financièrement confronté. Mais cela ne nous empêche pas de dire non quand il déraille, car nous nous sommes battus pour qu’il accède au pouvoir. Nous sommes suffisamment forts et outillés pour mener notre combat. Seul l’État du Sénégal est en mesure de régler notre problème. Et comme il nous entend bien, nous n’avons pas besoin de crier haut et fort », regrette ce codétenu de Pape Mamadou Seck, inhumé avant-hier.
La rencontre a tourné court à cause de la présence de Guy Marius Sagna. Certains organisateurs ont tenté d’expliquer cette présence. « Primo, Guy Marius Sagna n’a pas été tenu au courant. Il n’était informé de rien, et même à son arrivée, il n’a pas pris la parole. Ce qu’a dit notre frère Pape Ousmane Seck est erroné ». Prenant ensuite la parole, Pape Ousmane Seck dénonce une mainmise politique sur cette rencontre. « Nous accusons Guy Marius Sagna d’être derrière cette initiative solitaire. Nous sommes des ex-détenus politiques et nous sommes plus légitimes que ceux qui se trouvent actuellement dans cette salle pour parler au nom des victimes. Cette affaire n’est pas politique. Il faut que le député Guy Marius Sagna fasse preuve de retenue. Nous n’accepterons pas que, victimes, nous ne soyons pas impliqués. Si nous voulons rendre justice aux victimes, évitons de politiser les actions que nous menons », s’est indigné M. Seck.
Poursuivant son démenti contre les propos de Pape Ousmane Seck, cette autre voix d’ajouter : « il (Guy Marius Sagna) était présent au moment où nous étions en train de finaliser les derniers réglages avant l’heure prévue de cette conférence de presse. Rien n’a été programmé pour qu’il prenne la parole. Nous n’avons reçu aucun financement ni accompagnement. Je précise que Guy Marius Sagna n’y est pour rien ».
Baye Modou SARR












