Six tours d’horloge auront suffi à L’Assemblée nationale pour acter la modification de l’article 29 de la Constitution. C’est avec une majorité écrasante que les parlementaires ont ainsi validé les nouveaux taux de parrainage requis pour tout candidat à la présidentielle, soit 0,6% au minimum et 0,8% maximum. Mais aussi l’intégration du parrainage optionnel avec 8% pour les députés et 20% pour les chefs d’exécutif territorial. Quatre amendements ont été introduits, mais sur demande du ministre de la Justice, l’Assemblée a adopté le texte initial du gouvernement.
Après le retrait de l’article 87, la révision de la Constitution soumise aux députés hier n’a concerné que l’article 29. Et la configuration du vote a conforté les fissures notées ces derniers temps dans les rangs de l’opposition. 123 députés composés de ceux de Benno, de Wallu et de Taxawu ont voté pour. Deux députés ont voté contre et 33 députés dont ceux de Pastef, Pur et Thierno Alassane Sall, non-aligné, se sont abstenus. Certains députés n’ont pas pu s’empêcher de s’attarder sur la période de transistion en cas de décès d’un candidat.
La modification de l’alinéa 3 de l’article 29 demandée
Les députés souhaitaient qu’un délai soit fixé pour l’organisation des élections dans ce cas. C’est le cas de Abdou Mbacké Dolly qui s’est d’emblée félicité du réaménagement de la loi relative au parrainage. Néanmoins, il fait noter qu'il existe dans l’article 29 une disposition qu’il urge de régler l’alinéa 2 de l’article 29 parle de report en cas de décès d’un des candidats de la présidentielle. «Il est noté qu’aucun délai n’est établi pour l’organisation d’élection après ce report. Il faut impérativement fixer un délai raisonnable, sinon Macky pourrait décider de rester au pouvoir jusqu’en 2029», fait remarquer le député de Wallu. Mamadou Niang abonde dans le même sens pour suggérer un délai de trois mois pour organiser l’élection présidentielle, en cas de report dû à un décès d’un des candidats à la présidentielle. Ayib Daffé partage le même point de vue, trois mois suffisent au Conseil constitutionnel pour organiser une élection en cas de décès d’un candidat.
Bacary Diédhiou se joint à ses collègues pour rappeler toute la tension que le Sénégal a subie à cause de textes peu explicites. Pour lui, les différentes interprétations de l’article 27 nous ont valu beaucoup de problèmes et nous voilà encore avec les alinéas 2 et 3 de l’article 29 qui peuvent eux aussi être source de problème. Idem pour Woré Sarr, la députée libérale, qui pense que revoir l’alinéa 2 et 3 de l’article 29 est un impératif. Même si personne ne le souhaite, la mort relève du domaine divin, alors on pourrait bien se retrouver dans une situation où ces deux alinéas devront s’appliquer ; alors mieux vaut déterminer dès maintenant un délai pour l’organisation d’élection, avant d’avoir une situation inédite qui peut générer encore des problèmes.
Me Oumar Youm estime lui que contester l’article 29, c’est contester la Constitution elle-même et la loi électorale aussi. Pour le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar, la sélection dont on a accusé le Président Macky Sall, c’est la Constitution elle-même qui a établi les bases. «Toutes les conditions fixées par la loi pour pouvoir être candidat participent à la sélection de ces derniers».
Sokhna Ba et Bara Gaye relèvent une violation du secret du vote avec le parrainage
Ils se sont abstenus de voter la modification de l’article 29 relatif au parrainage, parce que, soulignent-ils, il y a des manquements à corriger. Sokhna Ba se demande d’abord si la diminution du nombre de parrains pour les candidats est pertinente, quand on sait que les 0,6% minimum et 0,8 maximum dépendent du fichier général et qu’à chaque révision, on note une hausse. D’un autre côté, elle affirme que le parrainage citoyen viole le secret du vote si l’on sait que la quasi-totalité des signataires de la liste d’un candidat va voter pour ce même candidat. En plus, le parrainage des élus ne prend pas en charge l’aspect géographique. Bara Gaye partage la même position que sa jeune collègue.
La bourde de Ismaïla Diallo qui sort les députés de Taxawu et Wallu de leurs gonds
Les rapports tant huilés entre Pastef et Taxawu Dakar ont pris un coup avec leurs positions opposées sur le dialogue national. Depuis cet épisode, les députés de ces deux formations politiques qui partagent le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi se lancent parfois des piques. La barrière des civilités a failli sauter hier. En effet, Ismaïla Diallo du Pastef, qui a certainement dit haut ce que pensent bon nombre de ses camarades de parti, a déclaré que «mis à part les députés de Benno et des non-alignés, tous les autres députés doivent leur mandat à Ousmane Sonko». «Une aberration, un affront» que Taxawu et Wallu ont voulu régler sur le champ. Abba Mbaye, depuis sa place, traite Ismaela de menteur et qualifie l’acte d’un manque de respect notoire. Ses collègues femmes de Taxawu s’en mêlent et traitent Ismaela Diallo de tous les noms.
Pour Abba Mbaye, dans une démocratie, chaque acteur doit être à la hauteur des enjeux du moment, c’est pourquoi Taxawu a choisi de participer au dialogue ; un acte qu’ils assument totalement. «Nous voterons tous les textes issus du dialogue. On peut nous traiter de traitres, mais nous sommes suffisamment expérimentés pour savoir que le temps est le meilleur des juges. Taxawu Sénégal a son histoire que personne ne peut salir. Il faut qu’on se respecte», fulmine-t-il.
Les députés de Wallu qui étaient en intercoalition avec Yewwi se sentent eux aussi visés et tirent à boulets rouges sur le député de Pastef. «Dire que nous devons notre mandat à Sonko est un mensonge éhonté, nous avons tous travaillé dans nos bases et conjugué nos efforts, d’où le résultat de cette législature», lance Mame Diarra Fam, hors d’elle. Heureusement que les autres députés n’ont pas suivi Ismaela Diallo. Abass Fall et Cie ont tenté de calmer leurs collègues de Taxawu. Ils se sont finalement retrouvés dehors pour apaiser la tension.
Le parrainage, une loi anticonstitutionnelle, selon les députés de Pastef
Cette révision du parrainage est, selon les députés de Pastef, la preuve de l’échec du régime du Président Macky Sall. C’est Cheikh Alioune Bèye qui ouvre le bal. Le député-maire de Diamaguène qualifie Ismaïla Madior Fall de démolisseur des institutions du pays. «Vous êtes un terroriste constitutionnel. Vous êtes devenu un danger pour le Sénégal. La justice est à terre et vous en êtes le principal maître d’œuvre. Nous refuserons que notre constitution soit un brouillon», a-t-il balancé avant de révéler que le parrainage a déjà éliminé 25 candidats.
Abass Fall embouche la même trompette en qualifiant le parrainage de loi anticonstitutionnelle. «Je fais partie de ceux qui se sont battus dans la rue contre le parrainage. C’est une loi anticonstitutionnelle qui viole le droit des individus qui veulent diriger ce pays. Si on continue ainsi, on n’aura pas plus de 6 candidats. Et puis, pourquoi devons-nous réduire le délai de 180 jours à 150 jours ?», assène-t-il.
Ndèye Khady DIOUF
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