La pandémie à coronavirus est dans une «phase ascendante», avec plus de cas, plus de cas graves et plus de décès. Le constat est du Dr Abdoulaye Bousso. Le Directeur du Centre des opérations d’urgences sanitaires au ministère de la Santé, qui était hier l’invité d’Opinion sur la Rts1, laisse présager une augmentation plus importante des cas positifs les jours à venir, vu le taux de contagiosité, qui est de 12 personnes par malade. En outre, il a souligné que même si ses effets ne sont pas immédiats et qu’il ne peut pas à lui tout seul faire tous les effets attendus, le couvre-feu est important, en ce sens que tout ce qui peut aider à limiter le temps de rassemblement et de contact entre les personnes est le bienvenu.
Nous sommes en plein dans la seconde phase, les cas ont commencé à augmenter de manière accrue, avec un nombre important par jour. Une hausse exponentielle des cas globaux et journaliers, que confirme le Dr Bousso. «Vendredi on a eu 462 cas en une journée, ce qui n’est jamais arrivée, pendant la première phase. Le plus grand nombre était de 207 en une journée. Dans cette 2ème phase, nous avons eu aisément 200, 300 et 400 même», soutient-il. Et d’ajouter : «nous sommes vraiment dans une phase très tendue. Nous avons plus de cas ; nous avons plus de cas graves ; et nous avons plus de décès. Nous avons dépassé la barre des 10 décès par jour, entre mercredi jeudi et vendredi (derniers)». Réaffirmant que «nous sommes dans une phase ascendante», le Directeur du Centre des opérations d’urgences sanitaires (Cous) soutient qu’il n’est «pas exclu qu’on ait beaucoup plus de cas les jours qui vont arriver, parce que les nouveaux cas vont générer des cas secondaires». En effet, à l’en croire, le nombre de personnes qu’un cas positif est susceptible de contaminer est très élevé. «Chaque cas positif peut générer théoriquement 12 nouvelles contaminations, c’est énorme. Ça laisse à présager un peu le nombre de cas (qu’on pourrait avoir prochainement)». Dès lors, il martèle que pour s’en sortir, «les mesures barrières doivent être renforcées pour réduire les nouvelles infections».
«Chaque cas positif peut générer théoriquement 12 nouvelles contaminations, c’est énorme…»
A propos de la riposte, Dr Bousso soutient que le Sénégal reste dans la voie jusque-là tracée. «Aujourd’hui, en termes de stratégie, nous n’en avons pas plus d’une. C’est rompre la chaine de transmission de cette maladie», clame-il. Et pour cela, ajoute l’homme de l’art, il faut éviter le maximum de contacts entre les personnes, porter les masques, éviter les rassemblements… «C’est la politique que nous avons face à l’épidémie. A laquelle s’ajoutent les perspectives avec la vaccination», précise-t-il.
«Le couvre-feu, ce n’est pas un médicament, ça ne va pas stopper tout de suite la transmission, c’est un processus à long terme»
Parlant de l’efficacité des mesures prises et surtout du couvre-feu, le médecin note que même s’il ne règle pas tout, et que ses effets ne sont pas immédiats, il est toujours important. «Ce qu’il faut savoir, c’est que les mesures prises n’ont pas d’effets immédiats. Ca va faire 2 mois que le couvre-feu a été décrété à Dakar et Thiès, dans un contexte où on était dans une phase de transmission très active, très importante. Le couvre-feu, ce n’est pas un médicament, ça ne va pas stopper tout de suite la transmission, c’est un processus à long terme. Ce couvre-feu va juste réduite les risques de nouvelles contaminations. C’est pourquoi, quel que soit le nombre d’heures que nous pouvons avoir pour limiter le rassemblement des personnes, nous sommes preneurs», explique-t-il. Non sans rappeler que «dans la première phase, il y a avait un ensemble de mesures cumulées qui avaient donné leurs effets», avec une baisse sensible des cas jusqu’à faire croire que la pandémie allait bientôt disparaître du pays. Mais, «aujourd’hui, souligne-t-il, le contexte étant différent, avec toutes les conséquences des mesures restrictives (qui empêche de remettre certaines mesures), le couvre-feu à lui seul ne peut pas faire tous les effets». Et il est convaincu que «si on n’avait pas pris cette mesure (couvre-feu), certainement on aurait eu plus de cas». Car, assure le patron du Cous, «dans la phase de transmission où on est, si on laisse aux personnes la liberté de circuler à tout moment, de ne pas faire d’efforts sur les mesures barrières, on aurait pu avoir plus de cas». C’est pourquoi, sans cette phase encore «assez aigue», il recommande de «consolider ces mesures», y compris le couvre-feu.
«La grande problématique que nous avons, c’est surtout la gestion des cas graves, des cas sévères et des décès»
En outre, soutient-il, aujourd’hui, pour les autorités sanitaires, «la grande problématique que nous avons, c’est surtout la gestion des cas graves, des cas sévères et des décès». Et c’est d’autant plus inquiétant pour lui que «c’est ça qui peut mettre en branle notre système de santé». Confirmant que Dakar reste «l’épicentre» de la pandémie, avec 62% des cas, suivie de Thiès, Dr Bousso note cependant qu’il y a aussi deux autres régions où la poussée du virus est forte : Diourbel et Kaolack. «Ce sont des régions où on a des infections nouvelles et qui sont très importantes», dit-il. Pour les variantes qui commencent à gagner le monde, le Directeur du Cous reconnaît qu’elles sont «plus contagieuses», et que «si ils se propagent dans le pays, nous aurons plus de contaminations». Toutefois, soutient-il que pour le moment, les séquençages faits sur des groupes cibles n’ont pas montré la présence de ces variantes (sauf celle britannique découverte sur un patient étranger qui est guéri depuis lors). Mais il pense qu’on peut déjà considérer que ces variantes sont là, parce qu’on ne peut pas mener le séquençage sur tous les cas positifs. «C’est lourd et coûteux», explique-t-il.
«Il ne faut pas qu’on ait cette impression que ce sont les jeunes qui portent la virus, qui disséminent la maladie…»
Interpellé sur le cas de l’école et le fait que les jeunes (élèves et étudiants) soient une niche de contamination, même s’ils ne tombent pas souvent malades, mais pouvant contaminer leur entourage, Dr Bousso pense qu’il faut changer ce regard sur la situation. «Il ne faut pas qu’on ait cette impression que ce sont les jeunes qui portent la virus, qui disséminent la maladie… Non il ne faut pas fonctionner comme ça», affirme-t-il. Pour lui, même si l’école est un endroit propice à la propagation du virus, avec certaines mesures, comme la réduction des heures de cours, on peut s’en sortir sans la fermer. «L’école est un environnement particulier qui rassemble un certain nombre de personnes. Ils sont nombreux ; ils sont dans un espace réduit, et ils n’ont pas tous les meilleurs comportements. Donc il est acceptable qu’on puisse réduire le temps de séjour des élèves dans ces environnements-là. Ça permet de réduire les transmissions». Réaffirmant qu’il ne «faut pas voir les élèves comme un facteur de contamination», Dr Bousso pense que «si c’était le cas, on aurait plus de cas, parce que l’université a commencé depuis octobre ou même septembre, et les élèves en novembre».
«Il ne faut pas voir les élèves comme un facteur de contamination…Si c’était le cas, on aurait plus de cas»
«Et c’est après plus de trois mois qu’on a commencé à avoir ce nombre élevé de cas». Dès lors, il demande de «relativiser» sur les risques de transmission à l’école. Pour lui, le plus important est de respecter la stratégie mise en place par le ministère de l’Education nationale, en relation avec le ministère de la Santé. «Sinon, soutient-il, si on va dans cette logique, on va dire : fermons les écoles, fermons les universités. Mais jusqu’à quand ?» Une interrogation d’autant plus importante pour lui, que «ce virus va être encore là» et qu’il «faut vivre avec» en s’adaptant et en mettant en place une stratégie adéquate pour faire face.
Mbaye THIANDOUM












