Après la diffusion sur les réseaux sociaux de la photo d’un magistrat de la Cour des comptes accompagnée de propos injurieux, l’Union des magistrats sénégalais (Ums) sort de sa réserve. Dans un communiqué ferme, daté de ce 5 novembre 2025, elle condamne une «atteinte à la dignité de la magistrature» et avertit contre toute tentative d’intimidation du pouvoir judiciaire.
L’Union des magistrats sénégalais (Ums) n’a pas mâché ses mots. Face à ce qu’elle qualifie d’«acte malveillant», l’organisation représentative des juges a dénoncé, dans un ton inhabituellement ferme, une dérive politique grave susceptible de fragiliser la confiance des citoyens en la justice. La réaction fait suite à une publication sur les réseaux sociaux d’un responsable politique, exhibant la photographie d’un magistrat de la Cour des comptes et l’accompagnant de commentaires jugés diffamatoires.
Pour l’Ums, cet acte franchit une ligne rouge : celle du respect dû à la magistrature et au principe fondamental de l’indépendance de la justice. «Il est inacceptable que des magistrats, qui ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi, soient publiquement exposés, identifiés et pris à partie», dénonce le communiqué. Une mise au point claire dans un contexte où les attaques verbales et les tentatives de discrédit contre les institutions se multiplient sur les plateformes numériques.
Une atteinte à la dignité de la justice
L’organisation syndicale, souvent prudente dans ses prises de position publiques, estime cette fois qu’il y a urgence à recadrer le débat. Pour elle, ces attaques personnelles visent à «affaiblir la justice» et à «saper l’autorité morale» de ceux qui la rendent. En ciblant individuellement un magistrat, le responsable politique à l’origine de la publication aurait franchi un cap dangereux, transformant le débat public en campagne de dénigrement personnelle. «De tels comportements, de nature à jeter le discrédit sur l’institution judiciaire et à fragiliser la confiance des citoyens en la justice, ne sauraient être tolérés », insiste l’Ums, qui y voit une atteinte frontale à l’État de droit. L’Union rappelle que la justice repose sur un principe de sérénité et d’impartialité, et que toute tentative d’intimidation ou de stigmatisation des magistrats constitue une menace directe contre la démocratie elle-même.
Le rappel des fondamentaux de l’Etat de droit
Dans son communiqué, l’Ums réaffirme que la justice n’est pas une arène politique, mais une institution au service de la loi. Les magistrats, rappelle-t-elle, «ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi». En d’autres termes, ils ne sauraient être l’objet de pressions, de menaces ou de manipulations partisanes. L’Union souligne que la magistrature doit rester à l’abri des passions politiques et des règlements de comptes personnels. «Le bon fonctionnement de la justice requiert le respect et la protection de celles et ceux qui ont la charge de la rendre», insiste encore le texte.
Ce rappel s’adresse autant aux acteurs politiques qu’à l’opinion publique, dans un contexte de forte polarisation du débat national. Depuis plusieurs mois, des magistrats, notamment ceux de la Cour des comptes, sont régulièrement accusés sur les réseaux sociaux de partialité ou de collusion avec des camps politiques. L’Ums y voit une stratégie visant à délégitimer le travail de contrôle et de reddition des comptes que la loi confie à ces juridictions.
La magistrature sur la défensive
Cette sortie publique de l’Ums témoigne d’un malaise croissant au sein du corps judiciaire, souvent pris en étau entre les attentes populaires, les injonctions politiques et la violence symbolique des réseaux sociaux. Pour de nombreux observateurs, la multiplication des attaques personnelles contre les magistrats traduit une inquiétante banalisation du discours de défiance envers la justice.
L’organisation, fidèle à sa mission de défense de ses membres, a tenu à rappeler sa «détermination à défendre l’honneur et l’indépendance» des magistrats. Ce message s’adresse aussi aux autorités, invitées à garantir la protection de ceux qui incarnent le troisième pouvoir de l’État.
En concluant son communiqué, l’Union des magistrats sénégalais condamne «toute forme d’attaque, d’intimidation ou de pression» visant un magistrat dans l’exercice de ses fonctions, «quelle qu’en soit l’origine». Une manière d’affirmer que l’indépendance de la justice ne saurait être une faveur concédée, mais un droit intangible, garanti par la Constitution et jalousement défendu par ceux qui la servent.
Sidy Djimby NDAO












