L’explosion qui a frappé le pétrolier Mersin dans la nuit du 27 novembre au large de Dakar pourrait bien marquer un tournant dans le conflit russo-ukrainien. Alors que les autorités sénégalaises gèrent encore les conséquences immédiates de l’incident, les drones qui sont à l’origine de cette attaque soulèvent des questions.
Au vu des capacités connues, l’Ukraine ne disposerait ni de la technologie ni des bases nécessaires pour mener une opération militaire à près de 6000 km. Ses drones, dont la portée maximale annoncée atteint 3000 km, ne permettent pas d’atteindre une cible à une telle distance.
À l’inverse, des pays comme la France ou les États-Unis, présents militairement en Afrique et dotés de technologies de longue portée, seraient davantage en mesure de mener une opération de cette nature. Cette hypothèse est évoquée par certains analystes, sans qu’aucune preuve ne vienne l’étayer à ce stade.
Depuis le début de l’automne, l’Ukraine revendique ouvertement plusieurs attaques menées via des drones navals contre la “flotte fantôme” russe en mer Noire. Ces opérations ciblent les pétroliers et navires auxiliaires utilisés par Moscou pour contourner les sanctions internationales et maintenir ses exportations d’hydrocarbures. Le 29 novembre encore, deux tankers liés à la Russie ont été touchés au large de la Turquie, confirmant la volonté de Kiev d’affaiblir les capacités énergétiques de son adversaire.
C’est dans ce contexte que survient l’explosion du Mersin, un pétrolier ayant appareillé en août du port russe de Taman et transportant plus de 39.000 tonnes de carburant. Selon son armateur turc, le navire a été frappé par quatre explosions externes, un détail technique qui alimente immédiatement les spéculations sur une action délibérée. Plusieurs sources russes affirment d’ailleurs que la piste ukrainienne est “hautement probable” selon nos confrères du journal Le Monde.
Si cette opération était confirmée comme une frappe de Kiev, elle constituerait un événement sans précédent : la première attaque menée par l’Ukraine en plein océan Atlantique. Une action de cette nature signifierait que la portée opérationnelle ukrainienne a franchi un seuil inédit, capable d’atteindre des cibles stratégiques bien au-delà de la mer Noire ou des zones frontalières. Ce serait également un signal clair adressé à Moscou : aucun navire lié à ses activités énergétiques ne serait hors de portée.
En attendant les résultats des enquêtes, l’incident bouleverse déjà l’équilibre géopolitique et sécuritaire. Le Sénégal, pris malgré lui dans ce jeu de puissances, a dû déployer un dispositif important pour éviter toute pollution. Mais au-delà de l’enjeu environnemental, c’est une question plus vaste qui plane désormais au-dessus du littoral ouest-africain : celle d’un conflit qui, progressivement, cesse d’être régional pour devenir global dans ses ramifications, ses cibles et ses terrains d’expression.
Samba THIAM














