L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) s’enfonce un peu plus dans la crise. Et ça risque d’empirer. Hier, le Conseil académique de l’Université Cheikh Anta Diop a autorisé à ouvrir le campus aux forces de l’ordre. Ce qui révulse encore plus les étudiants.
Réuni en visioconférence mardi 2 décembre, le Conseil académique de l’Université Cheikh Anta Diop, sous la présidence du recteur, le professeur Alioune Badara Kandji, a pris une décision radicale. Dans un communiqué, l’instance dirigeante de l’Ucad dit avoir constaté «des incidents qui ont compromis la sécurité des personnes, porté atteinte aux biens publics comme privés et menacé le bon fonctionnement de l’Administration, des activités d’enseignement et de recherche». Une situation jugée suffisamment grave pour amener le Conseil à donner mandat au recteur «de requérir le concours des forces de l’ordre afin d’assurer, sur le campus pédagogique, la sécurité des personnes, la protection des biens et la continuité des activités pédagogiques et scientifiques». Une décision exceptionnelle mais encadrée. Le communiqué insiste sur le caractère strictement limité de cette mesure et rappelle qu’elle vise prioritairement trois objectifs : «préserver l’intégrité physique des étudiants, enseignants, chercheurs et personnels administratifs et techniques ; protéger le patrimoine universitaire ; garantir un climat académique stable, indispensable à l’accomplissement des missions de formation, de recherche et de service à la communauté».
«S’ils violent les franchises universitaires, on va compter des morts…»
Reste que la colère ne faiblit pas. Plusieurs organisations étudiantes, jointes par nos soins, affirment que la crise actuelle ne peut être résolue que par le paiement immédiat des bourses et dénoncent ce qu’elles considèrent comme une «militarisation» de l’espace universitaire. Du côté des autorités, on assure qu’il s’agit d’une réponse temporaire visant uniquement à rétablir un environnement sécurisé.
Les étudiants, galvanisés par plusieurs jours de confrontation, ont durci leur discours. Interrogés par la presse, certains leaders des amicales ont prévenu que si les autorités universitaires «persistent dans leur décision de faire entrer les policiers dans l’enceinte du campus», ils poursuivront la lutte «quitte à y laisser leur vie».
Selon plusieurs témoignages recueillis sur place, certains groupes d’étudiants évoquent même la possibilité d’affrontements d’une extrême violence si les forces de l’ordre franchissent les grilles du campus. «S’ils violent les franchises universitaires, on va compter des morts, soit du côté des étudiants, soit du côté des policiers», a lancé un étudiant, visiblement déterminé, au milieu de ses camarades rassemblés devant le Pavillon A. Ce type de propos, que les autorités redoutent particulièrement, laisse craindre un basculement d’une crise sociale vers un face-à-face potentiellement tragique.
Le Pats menace…
La tension gagne aussi les rangs du personnel. L’intersyndicale du personnel administratif, technique et de service (Pats) a averti qu’elle pourrait, dans les prochaines 24 heures, appeler les travailleurs à rester chez eux si le climat sécuritaire ne s’améliore pas. Une telle décision paralyserait totalement les services administratifs et techniques de l’université, déjà lourdement perturbés.
Pour les syndicats, «il n’est pas question d’exposer les agents à des risques inutiles», surtout dans un contexte où l’évolution de la crise demeure imprévisible. L’intersyndicale appelle les autorités à agir rapidement «avant qu’une situation incontrôlable ne s’installe durablement».
Les étudiants, déterminés à maintenir la pression tant que leurs bourses ne seront pas payées, annoncent de nouvelles journées de mobilisation. Les prochains jours seront décisifs pour savoir si le recours aux forces de l’ordre permettra de stabiliser la situation ou, au contraire, risque d’attiser davantage les tensions sur un campus déjà à bout de souffle.
Sidy Djimby NDAO













