Dans les rues de Sandaga, de Grand-Yoff ou de Colobane, ce n’est plus un secret pour personne : vivre au Sénégal coûte cher. Très cher même. Ce que les familles ressentent dans leurs poches chaque matin quand elles sortent acheter du pain, Numbeo vient de le mettre en chiffres, et les résultats ont l’effet d’un électrochoc.
Selon les données publiées pour la mi-année 2025, le Sénégal obtient un indice de 45,0 au classement du coût de la vie. Un chiffre brut qui peut sembler abstrait, mais qui signifie une chose très simple : parmi les pays évalués en Afrique de l’Ouest, c’est ici que la vie revient le plus cher. Cette position en tête de la sous-région reflète une réalité que beaucoup de ménages vivent déjà depuis longtemps, parfois dans le silence, souvent dans la résignation.
À Dakar, les estimations de Numbeo donnent encore plus de poids à ce constat. Pour une personne seule, il faut désormais prévoir 818,7 dollars — soit près de 540.000 francs Cfa — chaque mois, sans compter le loyer. Rien que pour manger, se déplacer, s’habiller un minimum et faire face aux charges quotidiennes. Lorsqu’il s’agit d’une famille de quatre personnes, la somme explose pour atteindre 2935,3 dollars, l’équivalent d’environ 1,6 million de francs Cfa, toujours hors logement. Autrement dit, avant même de parler de loyers ou d’acquisition de terrain, une famille doit déjà franchir cette montagne.
Ces chiffres, froids et mathématiques, racontent pourtant une histoire profondément humaine. Ils disent l’effort des parents qui recalculent leurs dépenses à la fin de chaque semaine, les menus qu’on ajuste en retirant un kilo de riz, les sorties qu’on reporte, les projets qu’on met en pause. Ils disent aussi le poids que les prix imposent aux jeunes travailleurs qui rêvent d’indépendance mais doivent repousser l’idée de prendre un logement à eux, tant les dépenses de base prennent le dessus.
Comparaison avec la Côte d’Ivoire et le Ghana
Il est éclairant de porter le regard sur ce que vivent les ménages dans des pays voisins, pour situer le Sénégal dans un contexte ouest-africain plus large. En Côte d’Ivoire, par exemple, l’indice de coût de la vie s’élève à 42,7, selon les données Numbeo pour mi-2025. Cela signifie qu’à Abidjan et dans les zones concernées, la vie reste légèrement moins chère qu’au Sénégal — même si elle reste évidemment élevée dans l’absolu. Autre comparaison intéressante : au Ghana, l’indice tombe à environ 30,6, ce qui suggère que les dépenses courantes (hors logement ou avec logement intégré) sont sensiblement plus supportables pour un nombre significatif de ménages. Ainsi, le Sénégal est dans une situation où il est plus coûteux que plusieurs de ses voisins immédiats, ce qui renforce l’idée que la pression budgétaire y est plus forte et mérite une attention particulière.
Bien sûr, ces chiffres ne disent pas tout. Ils ne racontent pas la solidarité qui s’organise dans les quartiers, les stratégies d’adaptation, les efforts des autorités pour amortir certaines hausses. Mais ils imposent une question : comment alléger le quotidien de millions de Sénégalais alors que les prix, eux, ne semblent pas vouloir baisser ?
Aujourd’hui, ce classement de Numbeo ne devrait pas être lu comme une simple statistique internationale, mais comme un miroir tendu devant le pays. Un miroir qui renvoie l’image d’un peuple qui se bat chaque jour pour maintenir son niveau de vie, préserver sa dignité et continuer d’espérer. Car au Sénégal, ce n’est pas seulement le coût de la vie qui augmente : c’est surtout la force de tenir qui s’épuise peu à peu.
Samba THIAM












