Le Sénégal disputera le dernier tour qualificatif, en match aller et retour, de la Coupe du monde Qatar contre l’Égypte. Ancien défenseur des Lions, Ferdinand Coly, dans cet entretien qu’il nous a accordé, est revenu sur le sacre du Sénégal en Can avant d’aborder ces barrages. Selon lui, le statut de favori du Sénégal «est trompeur» et que «L'Égypte sera revancharde» mais «ils savent très bien que le Sénégal est dangereux».
Les Echos : Comment avez-vous analysé ce sacre du Sénégal qui n'arrive qu'en 2022 avec cette génération ?
Ferdinand Coly : Ça a été un long processus. Ces dernières années, notamment depuis l'arrivée de Aliou Cissé, nous n'étions pas loin. Nous étions dans une progression constante jusqu'à une finale perdue. Ce qui est encore plus impressionnant, c'est d'avoir jouéune finale lors de la dernière édition, de l'avoir perdue et de se représenter encore en finale. Donc, ça veut dire qu'il y a une matière qui est là, une base qui est là même si on pourra toujours dire que ça pourrait être mieux. Ca veut dire qu'il y a un noyau qui est là et une constance. C'est vrai qu'on peut analyser aussi le fait d'avoir gardé cette stabilité au niveau du staff, mais aussi dans ce groupe qui, au bout d'un certain moment, fait basculer le Sénégal vers ce titre tant attendu. Parce que souvent, lors des campagnes, on change souvent, on recommence à zéro.C'est dans la stabilité qu’on peut construire des choses et puis réussir à décrocher un trophée majeur comme le Sénégal le mérite. Il faut dire aussi que Aliou Cissé a tendu l'oreille.Il a eu à trouver, au moment juste, une certaine stabilité dans son groupe après tant d'essais. La stabilité est l'une des choses importantes quand on n'a pas toujours ses joueurs à disposition. Et puis les joueurs commencent à se connaître et ont souffert ensemble, ça il faut le souligner. C'est en ces moments qu'on tire le meilleur du travail qui a été fait. Ce sacre, c'est une fierté nationale, africaine, mais surtout sénégalaise. Voir cette étoile tant espérée enfin gravée sur notre maillot, c'est un symbole fort, mais ça ne veut pas dire que c'est fini. C'est le début qui j'espère en amènera d'autres.
Concernant les barrages, comment cette équipe sénégalaise devrait se comporter face à celle égyptienne?
Ces rencontres seront extrêmement importantes, notamment le match aller. Nous avons l'honneur de recevoir au match retour à cause de notre statut de première nation africaine, c'est un avantage. Ce match aller s'annonce électrique face à une équipe revancharde, c'est clair, qui a envie de montrer que la finale était un jour sans, c'était le jour du Sénégal. Il y aura la qualité de l'équipe égyptienne avec beaucoup plus de fraîcheur qu'elle n'a eue pendant cette finale. Il ne faut pas oublier qu'elle avait enchaîné trois prolongations de suite en ayant sorti des équipes de haute facture comme la Côte d'Ivoire, le Camerounetc. C'est une équipe qui a quand même eu un parcours extrêmement difficile. L'Égypte sera revancharde et sera prête à faire mal pour rappeler au Sénégal que la finale était un jour sans. Il faudra s'attendre à des duels âprement disputés comme on a pu le voir avec une défense très synchronisée et très accrocheuse. Après, ils savent très bien que le Sénégal est dangereux dans ses contres, sur ses côtés avec un Sadio Mané ou un Ismaila Sarr. Ils vont se méfier. Ça va être un match tactique. Je fais confiance au staff et aux joueurs qui savent déjà plus ou moins ce qui les attend. L'avantage psychologique revient au Sénégal. Les premières minutes donneront les perspectives, les forces et les faiblesses de chaque groupe.
Même si le Sénégal part favori, est-ce qu'il y a de la place pour aller dans ces deux matchs avec ce statut de favori ?
Le Sénégal est peut-être favori, mais être favori ne veut pas dire avoir la victoire à la fin. Ce statut, pour moi, est trompeur. Il ne faut pas oublier que c'est un autre contexte. Le football évolue. La vérité d'aujourd'hui peut ne pas être celle de demain. Il faut automatiquement se remettre en question. Les joueurs savent ce qui les attend. Ils ont souffert face à ces mêmes Égyptiens lors de la finale. Ça a été difficile. Mais quand cette équipe est entreprenante, va de l'avant avec son impact physique et sa vivacité, elle est difficile à bouger. Maintenant, je pense que l'expérience fait qu'aujourd'hui, en étant champion d'Afrique, elle a gagné en maturité et en confiance. Elle sait ce qu'il y a à faire, ce ne sera pas facile mais il faut savoir que les capacités sont là pour toujours renverser la tendance. Ce sera un match extrêmement compliqué. Ce statut de favori ne garantit rien. Il faudra souffrir, batailler, lutter pour pouvoir décrocher cette place à la Coupe du monde au Qatar qui sera logique en tant que champion d'Afrique. Voir le champion d'Afrique aller en Coupe du monde est une logique. Les joueurs savent que tout le monde est avec eux. Quoiqu'il arrive, ce sera du football, parce qu'il faut savoir qu'il y a aussi un adversaire qui est en train de performer. Le Sénégal a mis la barre très haut, tout le monde attend une qualification à la Coupe du monde. Si par malheur on n’y arrive pas, on ne le souhaite pas, il faudra analyser sereinement le pourquoi et ne pas tout jeter à la poubelle. L'essentiel c'est de faire preuve d'engagement, d'abnégation et de courage.
Le Sénégal jouera pour la première fois dans le nouveau stade de Diamniadio, sur la pelouse hybride. Ne craignez-vous pas un manque de repères d'autant que les Lions n'auront que deux jours pour s'entraîner là-bas ou sur l'annexe ?
C'est vrai que jouer à domicile est un avantage. Cet avantage c'est souvent parce qu'on maîtrise son environnement. Avoir ses supporters et jouer dans son stade est un avantage psychologique. Maintenant, le fait de jouer ce match dans ce nouveau stade, c'est effectivement nouveau. On maîtrise Thies, ça a été décidé ainsi.Il faut des maintenant que les joueurs se mettent dans la tête le stade et l'environnement. Il faudra faire abstraction de tout ça et savoir que c'est sur le rectangle vert que ça va se passer. Il ne faudra pas trouver d'excuse pour dire qu'on ne connaissait pas le stade parce que ce sera pareil pour les deux équipes. Il faut que les autorités permettent aux joueurs et au staff de s'entraîner au maximum dans ce stade. Je pense que les Égyptiens aussi n'auront droit qu'à un seul entraînement dans ce stade. Pour nous c'est très important que le maximum de séances puissent s'y tenir. Ils ont besoin forcément de quelques repères. Ce nouveau stade est impressionnant. C'est un bijou et une fierté pour nous sportifs de pouvoir évoluer sur ce genre d'infrastructure.
Pensez-vous que c'est le moment d'appeler de nouveaux joueurs pour encore renforcer la tanière ?
C'est un moment très sensible. Après, je ne sais pas les forces et les faiblesses en présence, les blessés, des joueurs disponibles ou pas. C'est sûr que cette équipe championne d'Afrique est naturellement amenée à être présente, donc il y a déjà une certaine stabilité, un onze de départ qui a été trouvé pendant cette Can. Il faut aussi s'attendre à des retours et des joueurs qui n'ont pas eu l'occasion de s'exprimer pendant cette Can qui vont devoir encore patienter. La porte sera forcément ouverte à peut-être pas forcément des nouveaux, mais des joueurs qui n'ont pas été sélectionnés pour X raisons et qui peuvent revenir en force. Lancer dans le grand bain de nouvelles têtes, stratégiquement, c'est un peu prématuré. Il y a déjà quand même une base qui est assez forte. Il faut peut-être intégrer au fur et à mesure quelques éléments peut être très importants pour l'effectif du Sénégal.Mais pour des matchs aussi sensibles, il faut plus s'approcher des certitudes qui nous ont amené vers cette Coupe d'Afrique.
«L'avantage psychologique revient au Sénégal»
«Voir le champion d'Afrique aller en Coupe du monde est une logique»
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