À l’Assemblée nationale, l’examen du budget 2026 du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement s’est transformé en longue séance de doléances où les députés, toutes sensibilités confondues, ont dressé un tableau sombre de la situation de l’eau et de l’assainissement dans le pays. Entre inondations persistantes, accès difficile à l’eau potable et réseaux défaillants, les élus ont mis en lumière une crise structurelle qui affecte aussi bien les zones urbaines que les régions rurales les plus enclavées.
Dans la région de Dakar, plusieurs députés ont dressé un tableau alarmant de la situation. «À Kounoune, l’hivernage ne finit jamais », a lancé la députée Mame Diarra Bèye, décrivant des axes routiers toujours impraticables en raison des eaux stagnantes. Elle a plaidé pour un second bassin de rétention dans cette zone devenue particulièrement vulnérable. Son collègue Youngaré Dione a lui aussi dénoncé les difficultés d’accès à l’eau potable à Rufisque, pendant que Badara Diouf a insisté sur l’urgence d’un programme de drainage des eaux pluviales à Bambey, où se mêlent inondations et coupures d’eau persistantes. À Saly Résidence, la députée Amy Dabo a pointé des routes impraticables durant l’hivernage et des perturbations récurrentes dans la distribution d’eau.
Canal 4, grilles avaloirs, réseaux défaillants : Dakar sous la loupe
Le député de Pastef El Hadj Ousmane Fall a consacré l’essentiel de son intervention à la capitale. Selon lui, le canal 4 de Fass, toujours à ciel ouvert sur certains tronçons, constitue un danger permanent pour les riverains. «Pourquoi tarde-t-on à le fermer ? Les tuyaux utilisés respectent-ils les normes ? Existe-t-il une supervision de la qualité des ouvrages ?», a-t-il interrogé le ministre.
Salémata, un département entier sans château d’eau fonctionnel
Dans la région de Kédougou, le constat est encore plus dramatique. Le député Mamadou Lamine Souaré s’est dit « abasourdi » d’entendre certains parler de trois ou cinq châteaux d’eau. « Nous, à Salémata, nous n’en avons qu’un seul… en panne depuis plus de deux ans. C’est inadmissible », a-t-il lancé. Il se désole en citant : « l’accès à l’eau y est devenu un luxe ; neuf écoles sur dix n’ont même pas d’eau potable ; des femmes parcourent plusieurs kilomètres pour se ravitailler ; les cas de fièvre typhoïde explosent pendant l’hivernage, en raison de l’eau consommée ». Il demande la réhabilitation urgente du forage principal et l’installation de nouveaux ouvrages hydrauliques.
Touba au cœur des inquiétudes : inondations, glissements de terrain et zones non habitables
Plusieurs députés se sont longuement attardés sur la situation critique de Touba. Le maire et député Maguette Sène a dénoncé un dispositif défaillant entre l’Ofor, les concessionnaires, l’État et les communes. Il juge également injuste le coût de l’adduction fixé à 125.000 francs : « les populations ne peuvent pas payer. Les branchements sociaux doivent être gratuits. » Il a aussi interpellé le ministre : « avez-vous un programme d’éradication définitive des eaux à Touba ? Il existe des expertises dans le monde capable de régler ce problème.» De son côté, Sokhna Bâ a appelé à une étude globale des inondations dans la ville sainte. Selon elle, « des quartiers entiers sont engloutis. Féto est abandonné, Keur Niang et Dègue Dakhar sont toujours submergés, des routes bitumées se dégradent, des bassins cèdent ».
Ziguinchor, manque d’équité dans la distribution de l’eau
À Oussouye, la situation du forage des îles de Diembéring a été jugée «inquiétante» par le député Alphonse Mané Sambou (Pastef). « Il faut que l’Ofor presse le pas », a-t-il dit, dénonçant la faible couverture en forages dans le département. Il a également appelé à corriger les distorsions dans la distribution de l’eau, estimant que l’équité ne doit pas être un simple slogan.
Sédhiou, l’eau comme urgence absolue
Dans le Pakao, la députée Ndèye Fatou Mané a plaidé pour un programme spécial d’urgence. Elle décrit une situation alarmante, « plusieurs villages n’ont pas un accès régulier à l’eau, les pannes de forages sont récurrentes, la qualité de l’eau est incertaine, notamment à Saka où elle demande des analyses de potabilité ». Elle insiste : « l’accès à l’eau est un droit fondamental. Les populations ne peuvent plus attendre. »
Rufisque entre inondations chroniques et appel à un bassin de rétention
Le député Youngaré Dione est revenu sur les inondations récurrentes à Kounoune et dans plusieurs quartiers voisins, demandant la création d’un bassin à l’ancienne base marine française. Il a également proposé que les eaux de Rufisque, qui se déversent au lac, soient utilisées pour appuyer les agriculteurs du Dac de Sangalkam. «Depuis ce matin, nous répétons les mêmes choses : manque d’eau en milieu rural, assainissement défaillant dans les centres urbains», a résumé Mbaye Dione. Il a dénoncé le manque d’eau dans la ville sainte de Thiénaba, les difficultés de communes ayant cédé des terrains à la Sones et un Ofor dont il juge l’efficacité insuffisante. «Il faut un audit. Les concessionnaires ont failli à leur mission. Et c’est injuste que l’eau soit plus chère en milieu rural.»
Baye Modou SARR













