Le remaniement ministériel du 6 septembre 2025 signe plus qu’un simple jeu de chaises : il révèle le basculement du Pastef vers l’État-parti. En écartant les technocrates indépendants et en concentrant les postes régaliens entre les mains de proches, le parti au pouvoir semble trahir ses promesses de rupture et se fondre dans les pratiques qu’il dénonçait hier. Entre espoir et désillusion, le Sénégal assiste à un tournant politique aux implications majeures.
A son arrivée au pouvoir, le Pastef surfait sur une vague d’espérances. Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye juraient de rompre avec la «politique politicienne», d’écarter les petits calculs d’appareil et de privilégier la compétence au service de l’État. Leur slogan implicite, décliné partout, tenait en une formule : faire autrement. Un an et demi après, la réalité est tout autre.
L’entrée au gouvernement du général Jean-Baptiste Tine, du magistrat Ousmane Diagne ou de figures universitaires et technocratiques incarnait cette promesse. Ces profils institutionnels et indépendants rassuraient une opinion lassée des querelles partisanes et donnaient corps à l’idée d’un État sobre, vertueux, tirant sa légitimité de la compétence plutôt que du seul lien partisan.
Le remaniement du 6 septembre 2025 est venu doucher ces espoirs. En plaçant l’avocat personnel de Ousmane Sonko à l’Intérieur, en transférant Yassine Fall, «gros calibre» de Pastef, à la Justice pour remplacer un magistrat indépendant. En reléguant les alliés à des strapontins et en écartant des technocrates trop autonomes, le Pastef a opéré un virage brutal. Ce n’est plus l’État impartial, mais l’État-parti qui prend forme.
Certes, chaque gouvernement a besoin de loyauté. Mais entre fidélité et hégémonie, la frontière est mince. En verrouillant les ministères régaliens entre les mains de proches, le Pastef adopte les mêmes réflexes que les régimes qu’il combattait hier : contrôler la Justice, encadrer l’Intérieur, marginaliser les voix indépendantes.
Ce virage pose une question centrale : où est passée la promesse de rupture ? Comment prétendre rompre avec les logiques d’accaparement quand on reproduit, avec d’autres visages, les mêmes pratiques ? L’exigence de cohérence n’est pas un caprice : elle est au cœur de la confiance que les Sénégalais avaient placée dans cette alternance historique.
L’histoire politique du pays montre que le Sénégalais pardonne les erreurs mais sanctionne le reniement. Les choix du 6 septembre ne sont pas de simples ajustements techniques. Ils portent une charge symbolique lourde : l’abandon d’une ligne, le recul d’un projet, la victoire du réflexe partisan sur la promesse de gouvernance nouvelle.
Le Pastef a toujours dénoncé les dérives des anciens régimes. En se coulissant dans le même moule, il prend le risque d’un désenchantement rapide. Gouverner, c’est incarner une espérance et lui rester fidèle. À défaut, le pouvoir devient une simple reproduction. Et alors, à quoi bon l’alternance ?
Sidy Djimby NDAO













