Devant la Chambre criminelle de Dakar hier, la bande de Papis Konaré a comparu pour association de malfaiteurs, vol commis en réunion avec violences, usage d'armes, de véhicule et usurpation de fonction. Leurs victimes dont les biens ont été volés et qui ont été malmenées puis ligotées, sont revenues sur les faits qui remontent à 2016. Papis Konaré et Cie risquent 20 ans de réclusion criminelle. Ils seront fixés sur leur sort le 17 février prochain.
Après plus de 4 ans de détention préventive, la bande de Mouhamadou Konaré alias Papis Konaré a été renvoyée en jugement hier, devant la Chambre criminelle de Dakar. Excepté Mbaye Samb alias Préfet, qui a rendu l’âme, Papis Konaré, son petit-frère Ousmane Konaré, Mouhamed El Amine Diagne Diop alias Leo, Moussa Diallo dit Pecos et Mbaye Diagne ont répondu des faits d'association de malfaiteurs, vol commis en réunion avec violences, usage d'armes, de véhicule et usurpation de fonction. Ces faits qui leur sont reprochés remontent à 2016. En effet, au courant de ladite année, ses 5 accusés ont visité et cambriolé certaines maisons dans les quartiers résidentiels de Dakar. Leur mode opératoire consistait à se présenter comme des agents de la Sde, de la Senelec ou même de la police, avant de malmener et menotter les domestiques. Pendant que ces dernières sont surveillées par certains, le reste de la bande se chargeait de vider les chambres avant de partir avec des objets de valeur, des numéraires, bijoux etc. Le cerveau de la bande, Mouhamadou Konaré alias Papis, se chargeait de fournir la logistique (véhicule, fausses plaques d’immatriculation, gyrophare, gants, pieds de biche, marteau, menottes, testeur d’or) et de faire le partage du butin après chaque coup. D’ailleurs, la perquisition de la maison de Papis Konaré a permis de découvrir un certain nombre d’objets, dont une arrache-clou, deux paires de gants, une lime à métaux, deux plaques d’immatriculation, un cache-nez, des tenailles, un rouleau, une perceuse électrique, des clous, un matériel pour tester l’or, un chiffon, un flacon d’acide, un mini peseur électrique et un roman intitulé «l’exécuteur». Mouhamadou Konaré a été formellement reconnu par plusieurs victimes lors de la séance d'identification.
Mouhamadou Konaré nie tout
Mais face au juge hier, tous les autres accusés ont réfuté les faits, alors que chacun avait reconnu son implication lors de l’enquête préliminaire. Purgeant déjà une peine de prison de 10 ans pour des faits de vol, le commerçant Mouhamed El Amine Diagne Diop alias Leo a nié, alors que la perquisition de son domicile avait permis aux agents de découvrir une valisette qui contenait les bijoux volés. Mais selon lui, c'est un certain Oumar Cissé qui les lui a vendus. Quant au cerveau de la bande, Mouhamadou Konaré alias Papis, qui a fait la prison de 1989 jusqu'en 2000 pour une affaire de vol, il est aussi en train de purger 10 ans pour des faits d'escroquerie. «J'ai été une fois arrêté à Dubaï. C'est un partenaire avec qui j'avais un problème d'argent qui m'a traîné là-bas en justice pour une somme de 11 millions. Mais, cela a été réglé après. Je ne suis pour rien dans cette affaire de cambriolage. J'ai créé au Sénégal une société de pêche, de fabrique de glace. J'ai aussi des terrains que j'avais transformés en poulaillers, je suis aussi en partenariat avec des Dubaïotes pour mes activités commerciales. J'avais loué une maison aux Almadies avec bonnes et gardien, mais je n'ai pas de titre à mon nom. J'ai deux comptes bancaires mais au moment de mon arrestation, il n'y avait pas d'argent», a expliqué le jet-setteur sur interrogation du juge. Alors qu'à propos de cette affaire de Dubaï, il a résulté de l'enquête que lui et Oumar Cissé avaient escroqué une somme de 500 millions à un tiers. Ce qui leur avait valu une peine de prison au Qatar. Ce que Papis Konaré a réfuté à la barre. Et pourtant, sa bonne qui était aussi sa copine, Astel Badji, avait lors de son interrogatoire révélé aux enquêteurs que chaque nuit, un lot d'appareils électroménagers est déchargé dans un magasin, aux Maristes, dans la maison qu'il avait prise en location.
Mbaye Diagne aussi dégage en touche
Interrogée, son petit-frère a réfuté les accusations avant que le tôlier Moussa Diallo alias Pecos ne s'y mette avec ses dénégations. Ce résident de Khar-Yalla a été lui aussi condamné pour la première fois en 1997 à deux ans de prison et en 2010. Venu comparaître en liberté provisoire, Mbaye Diagne, qui a été cité devant le juge d'instruction comme faisant partie de la bande, a dégagé en touche. Décédé en 2019 alors qu'il était dans les liens de la détention, l'action publique s'est éteinte contre l'accusé Mbaye Samb dit Préfet.
Cheikh Tidiane Touré, victime : «ils ont maitrisé la bonne avec une arme. Les autres ont emporté tous les bijoux de ma femme et mon ordinateur»
Certaines victimes qui sont venues comparaître à l'audience sont revenues sur ces moments pénibles qu'ils ont vécus. «La porte de la maison a claqué. Je suis sorti pour voir. J’ai vu un gyrophare. Quand je suis sorti, l’un d’eux qui était plus costaud m’a dit que c’est la police. L’autre était en costume avec des lunettes de soleil. Je crois que c’était Papis Konaré. Ensuite, ils sont partis. Le lendemain, ils sont revenus. Deux parmi eux ont maitrisé la bonne avec une arme. Les autres sont montés dans notre chambre et ont emporté tous les bijoux de ma femme et mon ordinateur. Chaque année, j’offre un bijou de valeur à ma femme après 40 ans de vie commune», a confié Cheikh Tidiane Touré.
Penda Diop, victime : «Depuis lors, ma bonne est traumatisée. Ils ont emporté tous mes bijoux et beaucoup d’argent»
Pour sa part, Penda Diop raconte sa mésaventure : «ce mois de décembre, j’étais à un Gamou. On m’a appelée pour m’annoncer que ma maison a été cambriolée. Ma bonne a reconnu formellement Ousmane Konaré et le plus costaud. Depuis lors, elle est traumatisée ; elle est d’ailleurs retournée au village. À plusieurs fois, on l'a conduite à l'hôpital, mais elle n'allait toujours pas mieux. Ils ont emporté tous mes bijoux et beaucoup d’argent dont je ne saurais dire le montant».
Mountaga Ndiaye, victime : «qui connaît les femmes sait qu'elles aiment l'or et les voitures…»
Avant que Mountaga Ndiaye ne témoigne : «ils ont emporté les bijoux en or de ma femme, mes parfums une montre de marque. Au moment du cambriolage, j’étais au travail. Mon mariage a failli partir en vrille parce que ma femme a perdu tout son or et cela lui faisait trop mal. Et qui connaît les femmes sait qu'elles aiment l'or et les voitures. Et toucher à ces biens qui sont précieux à leurs yeux, c'est autre chose».
Serigne Bassirou Diankha, victime : «Ils m'ont volé deux kilos d'or, des bijoux en diamant et la somme de 10 millions»
Le bijoutier de Pikine et voisin de quartier de Papis Konaré, Serigne Bassirou Diankha, soutient : «ils ont cambriolé ma bijouterie sise à Pikine. J'avais l'habitude de voyager à Dubaï. Lorsqu'ils sont venus, ils ont dit aux personnes qu'ils ont trouvé sur les lieux qu'on m'avait interpellé dans une affaire de drogue et qu'ils étaient dans l'obligation de faire une perquisition dans ma bijouterie. Ils m'ont volé deux kilos d'or, des bijoux en diamant et la somme de 10 millions, pour un total de 60 millions. Je connais tout ce qui se passe à Dubaï. Papis Konaré a été incarcéré là-bas durant 4 ans parce qu'il avait volé un coffre contenant des diamants et plus de 500 millions. Je le connais bien puisque nous habitons dans le même quartier. Et il sait ce dont je parle parce que je l'ai toujours mis en garde concernant les choses illicites dans lesquelles il trempait».
Ndèye Cissokho, victime : «Ils m'ont menottée dans la cuisine. L'un d’eux m'a tenue en respect avec deux pistolets dans la cuisine»
Appelée à titre de témoin, la domestique Ndèye Cissokho a dans sa déposition enfoncé Papis Konaré. «Ils m'ont trouvé sur les lieux. À peine revenue du marché, ils étaient 5 à entrer dans la maison et c'était vers 9h. Ils se sont présentés comme des agents de la Sde, mais je leur ai dit qu'Omar avait payé la facture. L'un deux m'a demandé de lui laisser voir le nombre de chambres qu'il y avait à l'étage. Là, je leur ai demandé de me laisser le temps d'appeler ma patronne. Ils m'ont menottée dans la cuisine. Et l'un d'entre eux m'a tenue en respect avec deux pistolets dans la cuisine où ils m'ont ordonné de m'asseoir sur un seau. Je reconnais Papis Konaré qui portait des gants et c'est lui qui m'avait menottée. Je le jure je le reconnais», a assuré la femme de ménage.
Au moins 27 maisons dévalisées par la bande, les victimes réclament un total de 265 millions
Les six avocats constitués pour certaines victimes ont réclamé diverses sommes d'argent pour leurs clients. Ce qui fait un total de plus de 265 millions F Cfa. Avant que Me Ndèye Fatou Touré ne révèle qu'au moins 27 maisons ont été dévalisées par la bande à cette époque.
Ayant requis l'acquittement pur et simple pour Mbaye Diagne, le procureur a sollicité 20 ans de réclusion criminelle pour le reste de la bande. «Papis Konaré et Al Amine Diop dit Leo avaient écopé de peines criminelles et en les gardant aussi longtemps que possible en prison, on est à l'abri», a argué le parquetier. Délibéré le 17 février prochain.
Fatou D. DIONE
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