Il s’appelle Seyni. Un jeune très impliqué dans plusieurs activités génératrices de revenus. Très glamour, à bord de sa moto Jakarta, moyen de transport qu’il utilise de temps en temps pour gérer la dépense quotidienne chez lui, sur la route semi bitumée de Médina Yoro Foula, il se livre à raconter le trafic du vol de bétail dans le Fouladou. Un business lucratif. Ce phénomène répandu dans le Balantacounda et aussi très présente et fréquente au Fouladou, de la bande de Tanaff à Vélingara, fait partie des sujets d’actualité de la zone. Hormis bien sûr la prouesse politique et son lot d’attentes du Premier ministre Ousmane Sonko. Sur le chemin de MYF, au milieu de la forêt luxurieuse, il déballe avec enthousiasme. « Un jour à la tombée de la nuit, nous avions constaté l’absence de deux bœufs dans notre troupeau. Mon père me dit : ‘’les voleurs sont passés par là’’. Il m’a demandé d’aller voir dans le troupeau d’un vieux d’un village d’à côté, la question relance est décotée : ‘’ce vieux est-il un voleur ?’’ Comme s’il savait que la question allait être posée, il répondit sans sourciller. ‘’Oui, il fait partie de la bande. C’est un réseau très huilé’’. Comme il connaissait mon père, il m’a répondu que ce n’est pas lui qui a volé les bœufs ». Et le comble dans tout ça, il se lâche : « il m’a remis sa pièce d’identité et me désigna un village de la Gambie : Saré Bodio… (soupir), … un vrai quartier général. Il me disait qu’une fois au village, je devais demander après Baba Moussa. Ce qui m’a marqué en premier une fois au village, c’est la réaction de l’enfant, d’une dizaine d’années, que j’ai rencontré. Il m’a bombardé de questions. ‘’Quelle est la cause de ta visite ? Pourquoi mon grand-père ?’’ Très surpris par ses questions précises, je lui ai montré la pièce d’identité. Instinctivement, il sourit et dit : ‘’il fait partie du groupe de mon grand-père’’ et m’invita à le suivre. On a marché durant plusieurs minutes avant d’arriver au domicile du vieux. Une grande maison, bien clôturée ». A ce stade, il s’est mis à rire. Je lui ai demandé pourquoi rire, il répondit : ‘’il faut se présenter et montrer patte blanche au portail sinon tu n’entres pas…’’ Des séries de questions commencent à pleuvoir. D’abord l’identification personnelle, la raison de la visite, pourquoi le choix du vieux. En plus, pas de sac et toutes les poches son fouillées. Passée cette étape, il y a une autre à franchir avec le même procédé et les mêmes pratiques. C’est à ce stade que je suis installé à la salle d’attente, ‘’car il reçoit beaucoup de personnes’’, m’a-t-il expliqué.
Quelques cinq kilomètres après Fafacourou, c’est de la latérite. C’est là où le bitumage de la route Dabo Médina Yoro Foula est suspendu. Bonjour le rang-rang jusqu’à notre destination
A peine bien installé dans un salon feutré, les surprises démarrent. Il poursuit le récit. « J’ai vu sortir de la chambre du vieux trois grands commerçants. Je me suis posé la question. Que font-ils ici ces vieux ? Subitement, mon tour arriva. Un Bodyguard musclé qui n’a rien à envier aux catcheurs se présenta à moi et m’invita à le suivre. Là aussi, il faut montrer patte blanche. Entrer finalement dans son salon où il reçoit, je vis un vieux assis. Il me demanda de m’asseoir et servit de l’eau. J’avais déjà la trouille, mais je gardais mon sang-froid. Cela étant, il m’a demandé de lui montrer la pièce d’identité. Ce que j’ai fait. Il a souri et appela un jeune qui m’a raccompagné près quatre troupeaux à la recherche de nos bœufs. Malheureusement, ils n’y étaient pas. C’est comme ça que je suis revenu au point de départ », a-t-il raconté.
A la question de savoir par quel moyen est-il reparti, il dit : «j’ai marché ». « C’est moi qui ai choisi de marcher car les vaches pouvaient se retrouver dans n’importe quel troupeau dans les villages et ou dans la forêt. J’ai quitté Dabo à 6h du matin pour arriver à 18h au village gambien, Ce sont des distances que j’ai l’habitude de faire depuis tout jeune », précise-t-il. Il rajoute sur l’organisation du réseau. « C’est le grand chef qui est à Saré Bodio. C’est lui qui marchande avec les commerçants venus acheter des bœufs. Lui, c’est ça son rôle. Il est suivi par un vaste réseau de détenteurs de troupeaux. Ce sont eux qui gardent les bœufs volés dans leurs troupeaux. Ensuite il y a les intermédiaires. Ce sont eux qui orientent les voleurs vers où garder le bœuf volé. Quand un bœuf est vendu, tous les éléments de la chaine reçoivent leurs parts » fait-il savoir.
Le jeune homme aux 12 métiers, mais éleveur comme métier héréditaire, raconte qu’il y a d’autres voleurs qui dépendent de lui dans ce village. Mais au retour de Dabo, après le dîner, l’heure de se mettre autour du thé sonna. C’est la rencontre de plusieurs générations pour palabrer et raconter la journée. Mais c’est la question du vol de bétail qui nous intéresse. Une dame interpellée sur la question, raconte. « Un jour, un de mes frères avait surpris un voleur dans notre troupeau. Il l’a emmené et l’a présenté à notre papa. Ce qui l’a irrité, le vieux a donné un bœuf au voleur. Mon père lui a fait savoir que ce jeune est le fils d’un oncle et d’ailleurs aucune balle d’une arme ne peut l’atteindre. Ce phénomène est très fréquent dans notre zone. A Dilobé comme dans les autres marchés hebdomadaires, beaucoup de voleurs viennent vendre des bœufs. D’aucuns préfèrent les emmener dans les enclos de leurs chefs qui font affaire avec des commerçants venus de la Gambie, de la Guinée et d’autres localités du pays comme Touba et Dakar », dit la dame.
En tout état de cause, le vol de bétail est un phénomène qui hante le sommeil de la population de cette partie transfrontalière. Chaque année, des milliers de bœufs sont volés dans les troupeaux des éleveurs qui sollicitent l’appui et l’assistance de l’Etat pour lutter contre ce fléau qui décime le troupeau et appauvrit les éleveurs car la production de lait de vache a beaucoup chuté.
Baye Modou SARR












