Le sélectionneur des Lionnes s'est ouvert, dans l'entretien téléphonique qu'il nous a accordé, sur les perspectives du football sénégalais. Si la Can 2024 a été renvoyée en 2025, Mame Moussa Cissé y voit l'avantage de peaufiner son effectif. Lui qui a fait récemment une tournée européenne voit un avenir radieux pour le football féminin sénégalais. Il nous a aussi confié la possibilité pour les Lionnes de se retrouver en juillet pour des matchs amicaux lors de la date Fifa.
Après une longue tournée en Europe, pouvez-vous nous faire l'économie de votre récent voyage ?
Dans le cadre de la préparation de la prochaine Coupe d'Afrique, j'ai été amené à faire une tournée en France pour rencontrer les joueuses et discuter avec elles par rapport aux objectifs. Discuter avec leurs encadrements et voir un peu comment les gens travaillent en club. Voir les méthodologies adoptées, leurs rythmes de travail et l'intensité. Mais aussi établir une relation de confiance avec les clubs pour qu'on puisse avoir un retour sur les performances des joueuses à temps avant qu'elles n'arrivent en sélection, ce qu'elles ont pu faire les 10 ou 15 derniers jours. Et aussi permettre à ces clubs d'avoir des informations sur les joueuses une fois qu'elles reviennent de la sélection. J'ai été à Thonon pour voir nos trois joueuses qui y évoluent : Ndèye Loerignon, Coumba Sylla Mbodji et Wolimata Ndiaye. Après cela je suis allé à Lyon voir un peu comment le club travaille. Lyon étant aujourd'hui l'un des clubs les plus structurés du football féminin en France et en Europe. Nous avons remarqué de jeunes joueuses qui sont capables d'intégrer la sélection dans le futur. J'en ai profité pour voir la demi-finale du Champion's League féminin, un match de très grande intensité. J'ai regardé aussi un match de championnat D1 entre Lyon et Guingamp. Après je suis allé à Marseille pour un match de D2. Là-bas nous avons Ndoye Awa Diakhaté, Mbayang Sow et Mama Diop. On a travaillé avec leur staff aussi et voir comment évoluent nos filles. Ensuite j'ai été à Metz pour y trouver Safietou Sagna et Marème Babou. J'ai discuté de manière très profonde avec leur coach et le staff technique, voir les projets du club etc. avant d'aller à Saint-Denis pour un match de D3. On a là-bas Marie Diop et nous y avons découvert deux autres joueuses qui pourront rejoindre la sélection.
Ça m'a permis de voir l'état de forme des joueuses, le niveau de leur évolution et les conditions dans lesquelles elles évoluent. Je suis vraiment satisfait de cette tournée qui m'a permis d'avoir plus d'informations sur les joueuses et comment s'adapter à leurs nouveaux statuts de professionnelles pour que, une fois en sélection, pour les 9 ou 10 jours qu'on va avoir, il n'y ait pas de rupture entre ce qu'elles font en club et ce qu'elles vont trouver en sélection.
Peut-on s'attendre à l'arrivée de nouvelles joueuses dans votre groupe après cette tournée ?
Lors de ma tournée j'ai effectivement rencontré des joueuses qui ont du potentiel et qui ont envie de travailler avec le Sénégal. Mais pour l'instant, elles sont jeunes et sont déjà embarquées aussi dans des choix avec d'autres pays. Ce sera à nous de les convaincre, de leur montrer la pertinence de notre projet et sans nul doute on pourrait les avoir dans la sélection. Ce qui est sûr c'est que la sélection est ouverte. Aujourd’hui, sur pas mal d’aspects, nous devons faire grandir cette sélection et ça passe par avoir des joueuses de haut niveau qui évoluent dans d’autres championnats, les plus huppés. Nous devons tout faire pour attirer les meilleurs chez nous. Nous y travaillons avec la Fédération. On pourrait dans le futur voir d'autres joueuses et les intégrer au fur et à mesure dans notre groupe.
Tout de suite après vous avez joué l'Afrique du Sud, un nul et une défaite. Êtes-vous satisfait des prestations que les Lionnes ont livrées ?
Oui ! Après, nous avons joué, sur notre demande, deux matchs contre l'Afrique du Sud. Parce que notre objectif c'est de grandir en Afrique. Nous avons fait beaucoup de progrès mais nous savons qu'on a un groupe qui a la possibilité de progresser encore si on le met dans les conditions de performance et ça passe par se jauger par rapport à ce qui se fait de meilleur en Afrique. Il n'y avait pas meilleur adversaire que l'équipe qui est championne d'Afrique en titre, mondialiste et qui a joué le dernier tour des Jeux Olympiques. C'est une équipe très compétitive et qui a l'habitude de jouer ensemble. On s'est dit qu'en les jouant ça nous permettrait de voir notre niveau par rapport à eux, par rapport aux quatre meilleures équipes d'Afrique et voir l'écart qu'il y'a. Mais aussi de voir les stratégies qu'il faut mettre en place pour combler cet écart de performance. Je suis très satisfait de cette double confrontation. On a beaucoup appris. On va encore se préparer en conséquence. Sur le premier match, malgré la grande possession de l'équipe adverse qui est très technique et à beaucoup d'individualités, nous avons su, après avoir encaissé un but, avoir les ressources mentales, physiques et tactiques pour revenir au score. On a fait 1-1. Sur le second match, j'ai fait tourner l'équipe avec 6 changements au départ parce que pour moi l'objectif c'est de voir de mettre toutes nos joueuses dans des conditions de performance. Une équipe qui va à la Coupe d'Afrique, ce n'est pas seulement 11 joueuses mais un groupe de 23. Il fallait voir comment les autres pourraient se comporter devant un adversaire de cette taille. Même si on a perdu par un but à zéro, je suis satisfait du contenu. Le contenu n'était pas mauvais et je suis content de ce que les Lionnes ont produit. Au-delà du résultat je retiendrais nos aptitudes mentales, physiques et tactiques qui nous ont permis de rivaliser avec cette grande équipe qui nous a posé énormément de difficultés dont on a pu trouver des solutions dans le jeu.
La Coupe d’Afrique des nations qui devait se tenir cette année a été ramenée en 2025. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Le fait de connaître la période de la prochaine Can nous permet d’avancer de manière significative dans notre planification de notre programme de préparation. Nous connaissons parallèlement le programme des fenêtres Fifa d’ici un an et nous mettrons toutes ces périodes à profit pour avoir des matchs amicaux. Un planning est en train d’être mis en place et nous le soumettrons pour validation à la fédération dans les prochains jours.
Le tirage n’étant pas encore fait nous allons chercher des adversaires différents, du point de vue du calibre et du style de jeu, pour être préparé à toutes éventualités.
Nous allons aussi continuer la prospection tant au niveau local qu’au niveau international pour avoir un groupe compétitif et de grande qualité.
Avez-vous un programme dans le moyen terme ?
On a la prochaine date Fifa qui est du 8 au 16 juillet et nous sommes en train de travailler avec la Fédération pour avoir des matchs amicaux. On a déjà envoyé des lettres à des pays comme le Ghana, la Zambie, la RD Congo, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Peut-être qu'on aura la chance de jouer l'une de ces équipes sur cette date. Ce serait une très bonne chose parce que ça nous permettra de jouer toutes les sortes de football en Afrique. L'année dernière nous avons beaucoup joué contre les équipes du Maghreb telles que celles de l'Algérie, de la Tunisie, de l'Égypte, récemment on a joué l'Afrique du Sud donc il faudrait qu'on se frotte aux équipes de l'Afrique australe et du centre. Ça nous servira à mieux se préparer à la Can et avoir une idée de chaque spécificité du football africain et pouvoir nous adapter.
Enfin, dites-nous globalement comment vous voyez l'évolution du football féminin au Sénégal ?
Le football féminin sénégalais progresse bien. Déjà, si on regarde derrière, on a vu que depuis 2019, il y'a eu beaucoup d'avancées. En équipe nationale, en 2019 quand on se préparait pour aller jouer le tournoi de l’Ufoa, l'ensemble des joueuses qui sont actuellement en France étaient là. Il n'y avait que Mama Diop ou deux ou trois autres qui venaient de l'extérieur. Aujourd’hui, lors du dernier rassemblement, on a amené entre 14 et 17 joueuses et la plupart d’entre elles ont quitté le Sénégal pour se retrouver en Europe. On a maintenant des plus jeunes qui partent de plus en plus. Malado Diallo a signé à 18 ans, Pascaline, Wolimata et Coumba Sylla qui sont des U20 aussi. Ça veut dire que nos joueuses s'expatrient et vont dans des clubs d'un certain niveau, ce qui n'existait pas auparavant. Ça veut dire que notre football est maintenant valorisé, les gens prêtent attention à ce que nous faisons. Dans les clubs aussi, les gens ont beaucoup d'estime et parlent en bien de nos joueuses sur le plan du jeu, mais aussi de leur éducation. Ça veut dire qu'il y a un travail qui est bien fait. Nous avons aussi vu notre sélection U20 gagner pour une deuxième fois consécutive le tournoi de l’Ufoa, jouée jusqu'au quatrième tour des éliminatoires de la Coupe du monde etc. ; nous avons aussi des sélections U15 et U17 qui travaillent. On est vraiment dans une phase d'avoir des choses beaucoup plus maîtrisées et ça nous permet d'avoir des joueuses qui vont arriver en sélection avec un meilleur niveau. C'est très important. Le championnat a beaucoup progressé. Cette année, j'ai vu des matchs assez équilibrés, alors qu'avant on voyait des matchs de 15-0. Jusqu'à l'avant dernière journée, je pense que rien n'était encore dessiné. On a vu des équipes mettre beaucoup d'argent avec des projets bien construits. Après mon voyage en France, j'ai aussi fait un tour dans nos clubs locaux pour voir le niveau de l'encadrement et d'organisation mais je peux vous dire qu'il y a beaucoup d'avancées. Il faudrait continuer à surfer sur cette vague et nul doute que dans un futur pas très lointain on pourrait avoir un football très performant en Afrique et sans le monde.
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