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THIAROYE 44, RESPONSABILITE DE L’ANCIEN REGIME : Diomaye Faye demande des excuses à la France et n’écarte pas des poursuites judiciaires contre Macky Sall




 
 
À New York, dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations-Unies, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a accordé une interview exclusive à France 24, notamment dans l’émission « En tête-à-tête », consacrée aux grandes interviews de la chaîne française. Face à Marc Perelman, le numéro un sénégalais a abordé plusieurs sujets, allant de la place de l’Afrique dans le concert des nations aux relations actuelles entre le Sénégal et la France, en passant par la situation économique du pays, la menace terroriste à l’est du territoire ou encore les dossiers judiciaires concernant certains dignitaires de l’ancien régime. Sur ce dernier point, interpellé sur la question de savoir s’il fallait ou non poursuivre l’ancien président Macky Sall, le chef de l’État, tout en réitérant son attachement au principe de la présomption d’innocence, a assuré que « tout citoyen qui est concerné verra s’appliquer la procédure et le droit sénégalais ». Alors que sur le massacre de Thiaroye, il demande des excuses de la France.
 
À New York, dans les couloirs feutrés de l’Assemblée générale des Nations-Unies, Bassirou Diomaye Faye s’est prêté à l’exercice de l’entretien exclusif avec France 24. Face au journaliste Marc Perelman, le chef de l’État sénégalais, élu en mars 2024 sur une promesse de rupture, a livré une vision à la fois lucide et ferme du rôle de son pays dans le monde. L’entretien s’est voulu à la fois pédagogique et volontariste, abordant tour à tour les grandes crises internationales, la place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale, les relations avec la France, les blessures encore ouvertes de l’histoire coloniale, les menaces sécuritaires régionales, les fragilités économiques internes et les promesses d’un État de droit renouvelé.
 
L’Afrique au Conseil de sécurité : une exigence historique
 
Lorsqu’il est interrogé sur la réforme du Conseil de sécurité, le Président sénégalais ne cache pas son agacement face à l’immobilisme de l’institution. L’Afrique, dit-il, ne peut plus rester à la périphérie des décisions majeures de la planète : « L’Onu de 1945 avec 51 pays ne peut pas être l’Onu de 2025 avec 193 États et autant de défis que l’humanité affronte. »
Pour Diomaye Faye, le constat est simple : l’ordre multilatéral issu de la Seconde Guerre mondiale est devenu obsolète. Il a rappelé que, sur Gaza, une résolution soutenue par 145 pays avait été bloquée par le veto d’un seul État, les États-Unis, illustrant l’injustice criante d’un système où la volonté quasi unanime des peuples est paralysée par la logique des vainqueurs de 1945. « L’Afrique réclame fortement une présence aux Nations unies, à savoir au moins deux sièges permanents au Conseil de sécurité. Et l’Amérique latine en réclame autant », a-t-il martelé.
Cette revendication n’est pas nouvelle. Elle est portée depuis les années 2000 par le « consensus d’Ezulwini », qui demande au nom de l’Union africaine deux sièges permanents assortis du droit de veto et deux sièges non permanents supplémentaires. Mais jusqu’ici, la réforme est restée lettre morte. Faye s’inscrit dans cette continuité, mais avec une insistance renouvelée : le moment est venu de corriger « un héritage malheureux de l’histoire » et de mettre fin à une marginalisation qui ne correspond plus au poids démographique et économique de l’Afrique.
 
Des relations franco-sénégalaises « plus sereines »
 
Au-delà des grands équilibres mondiaux, le Président sénégalais est revenu sur les relations avec la France, profondément marquées ces derniers mois par le départ des bases militaires françaises du territoire sénégalais. Décision symbolique, perçue comme une rupture par certains, mais que Faye présente comme une évolution naturelle : « Nous ne pouvions pas, 65 ans après notre indépendance, continuer à abriter des bases militaires étrangères, quel qu’en soit le pays. »
Mais, à ses yeux, cette clarification ne signifie en rien une rupture : « la France reste un partenaire important pour le Sénégal. Elle conserve une présence économique forte, avec des investissements considérables. Nous voulons diversifier nos relations sans perdre ceux qui nous accompagnent déjà. »
Loin d’une logique de confrontation, le Président parle d’une relation « plus sereine », débarrassée des ambiguïtés héritées de la colonisation. L’objectif affiché est d’ouvrir une nouvelle ère, faite de coopération équilibrée et de discussions franches. Un séminaire intergouvernemental est prévu pour redéfinir les contours de cette relation bilatérale.
 
Thiaroye 1944 : une vérité encore inachevée
 
Sur la mémoire coloniale, le chef de l’État a réservé ses mots les plus forts. Le massacre de Thiaroye, en décembre 1944, demeure une plaie ouverte dans les relations franco-sénégalaises. Des centaines de tirailleurs sénégalais, démobilisés après avoir combattu pour libérer la France, furent abattus par l’armée française pour avoir réclamé leur solde.
« Nous avons une histoire commune partagée, faite de moments heureux et de moments douloureux. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur cette page sombre », a insisté Diomaye Faye, rappelant qu’il avait invité Emmanuel Macron à assister personnellement à la commémoration du 1er décembre.
Le Président sénégalais salue « le courage politique et moral » de son homologue français, qui a reconnu pour la première fois « un massacre », mais estime que cela ne suffit pas : « faire la lumière complète sur Thiaroye permettra d’apaiser davantage la relation entre les deux pays. Tant que nous serons à la recherche d’un pan de cette histoire qui nous échappe, nous ne réussirons jamais à en faire le deuil. »
À Dakar, une commission d’historiens et d’archivistes réclame un accès total aux archives françaises, y compris celles classées secret-défense. Paris assure qu’elles sont ouvertes, mais les chercheurs contestent. « Il faut aller jusqu’au bout. Cela fait 80 ans. La meilleure façon de dépasser cette tragédie, c’est d’en comprendre les tenants et les aboutissants », a déclaré Faye.
Au-delà des archives, des fouilles archéologiques ont été lancées sur le site de Thiaroye pour identifier d’éventuelles fosses communes. « Ce n’est pas à Emmanuel Macron qu’on cherche à imputer une responsabilité, mais il a fait un pas de plus que ses prédécesseurs. Maintenant, il faut poursuivre ce chemin vers plus de transparence et de vérité. »
Le Président sénégalais relie cette quête de vérité au débat plus large sur les réparations coloniales. L’Union Africaine a fait de 2025 « l’année de la justice et des réparations ». Pour Faye, il ne s’agit pas seulement d’argent : « c’est rendre justice à ceux qui ont libéré la France et qui ont été tués pour cela. Les excuses sont importantes, car elles apaisent la mémoire et contribuent à rééquilibrer les relations. »
 
Le Sénégal face au terrorisme régional
 
Autre sujet brûlant : la sécurité au Sahel. Depuis juillet, le groupe djihadiste Jnim a multiplié les attaques dans l’Ouest du Mali, jusqu’aux abords de la frontière sénégalaise. Le groupe a même menacé directement le Sénégal, accusé de collaborer avec Bamako et Ouagadougou. « La menace terroriste n’est pas simplement à l’ouest du Mali ou à l’est du Sénégal. Elle est partout », tranche Diomaye Faye. Pour lui, aucune frontière n’est hermétique face à un phénomène global : « chaque fois que le terrorisme s’est installé durablement quelque part, il a cherché à se projeter. »
Dès lors, la réponse ne peut être uniquement nationale : « l’approche doit être intégrée, combinant échanges d’informations, coopération entre États, dialogue avec les puissances et vigilance partagée. » Le Président avertit contre un double piège : sous-estimer la menace ou transformer le Sahel en terrain d’affrontement entre grandes puissances « par terrorisme interposé ou par interventions militaires conventionnelles ». Sur le plan intérieur, dira-t-il, Dakar renforce sa surveillance aux frontières et multiplie les dispositifs de prévention, conscient qu’une menace diffuse peut frapper à tout moment.
 
Transparence économique et dette cachée
 
Sur le plan économique, Bassirou Diomaye Faye s’est montré d’une grande franchise. Le rapport de la Cour des comptes a révélé une « dette cachée » de 7 milliards de dollars contractée sous l’ancien régime. L’audit commandité par un cabinet international a confirmé une situation encore plus grave : un endettement équivalent à 119% du Pib et un déficit de 13%.
« Nous avons fait ces audits pour notre crédibilité vis-à-vis du peuple, pas pour le Fmi », souligne-t-il. Le Président rappelle qu’en 2018, il avait déjà alerté sur l’excès de recours à l’endettement extérieur. « Le Fmi n’avait pas répondu. Six ans plus tard, c’est à moi qu’on demande de corriger. » La publication intégrale de l’audit reste en suspens, car il a été commandité par le Fmi. Mais Diomaye Faye promet que la transparence guidera sa gouvernance : « nous voulons corriger et prévenir pour que cela ne se reproduise pas à l’avenir. »
 
Justice et présomption d’innocence
 
Enfin interpellé par le journaliste de France 24 sur une question qui taraude l’opinion sénégalaise : faut-il, oui ou non, poursuivre l’ancien président Macky Sall et certains dignitaires de son régime ? Bassirou Diomaye Faye a soigneusement évité de tomber dans le piège de la personnalisation. Loin d’annoncer des poursuites ciblées ou de céder aux discours vengeurs, le chef de l’État a préféré rappeler un principe fondamental : la présomption d’innocence. « Tout citoyen qui est concerné verra s’appliquer la procédure et le droit sénégalais », a-t-il affirmé, insistant sur l’égalité de tous devant la justice. Il insiste sur une distinction essentielle : « rendre justice n’est pas se faire justice. Rendre justice, c’est respecter la présomption d’innocence, garantir un procès équitable et impartial, et laisser un juge indépendant se prononcer. »
 
 
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
(Correspondant permanent en France)
 
 
 
 
 
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