
Les longues détentions sont une dure réalité dans les prisons, surtout pour les personnes dont les dossiers sont en instruction et qui sont inculpées pour divers crimes. Hier, l'audience de la chambre criminelle qui se tient comme d'habitude à la salle 4 du tribunal de Dakar a été troublée par les détenus. Il y a eu des échanges houleux entre le procureur et les détenus. Ces derniers sont en rogne à cause du fait que leurs dossiers soient renvoyés alors qu'ils sont en longue détention.
Hormis cinq affaires dont les délibérés devaient être vidés, il y avait 35 autres dossiers qui étaient inscrits sur le rôle du jour et qui devaient être jugés. En effet, lorsque la composition du tribunal est arrivée, il s'en est suivi la mise en état des dossiers pour voir ceux qui allaient être retenus et ceux qui allaient être renvoyés à une date ultérieure. Ainsi, pendant un bon bout de temps, le juge procédait aux renvois de beaucoup de dossiers sous les plaintes et complaintes de certains accusés qui sont inculpés pour des faits qualifiés de crimes et qui sont restés en détention préventive depuis plusieurs années. Après un lot de plus de 5 personnes qui sont poursuivis pour association de malfaiteurs entre autres chefs d'inculpation dont le dossier a subi un renvoi, Ils se sont mis à se plaindre de cette situation.
Cette vague qui a montré son mécontentement ne pouvait plus se retenir lorsque Me Ndiack Ba, qui a substitué Me Abdoulaye Tall, a demandé un renvoi pour le compte de son confrère. Ces détenus sont retournés furieux dans le box des accusés où ils ont continué à faire du boucan. II soutenaient ainsi qu'ils ont longtemps séjourné en prison alors qu'ils n'ont rien fait. Cette attitude a poussé le procureur à quitter son siège pour aller les rejoindre et leur remonter les bretelles. Une fois en face d'eux, il leur assène en pointant son doigt : "si vous n'aviez rien fait, vous ne seriez pas là".
Abdallah Samb pète les plombs en pleine audience
Juste après ça, l'affaire de Abdallah Samb a été évoquée. Cet accusé en fauteuil roulant n'a pas non plus avalé la décision sur le renvoi de son dossier. Cet accusé, en détention depuis 2021 a vu son affaire renvoyée du fait de l'absence de son avocat Me Abdoulaye Tall. Dans tous ses états, il crie à tue-tête. "Je suis en détention depuis 3 ans (1er janvier 2021-fevrier 2024) alors qu'on m'accuse à tort. Je n'ai personne pour m'assister. Je n'ai pas d'avocat. Je vous en prie, aidez-nous et jugez-nous. La détention est longue. Personne ne vient me rendre visite en prison. Je n'ai personne", a pesté cet accusé qui est poursuivi pour détournement de mineure avec fraude ou violences, pédophilie, tentative d'acte contre-nature et viol. Le juge, pour essayer de tempérer, lui rétorque : "c'est bientôt fini. C'est juste une question de jours. Le temps que vous avez fait en détention est plus long par rapport à celui qui reste pour votre jugement". Malgré ça, il a continué à hurler allant même jusqu'à dire à Me Iba Mar Diop qui le calmait qu'il connaît son domicile du Plateau ainsi que son épouse. Ce dernier, frustré par le comportement de cet accusé, n'a pas manqué de lui dire ses vérités. Son confrère Me Abdy Nar Ndiaye, qui est aussi outré par cette situation, a bondi de son siège et dit au tribunal : "ces gens-là devaient être jugés pour troubles à l'audience. Il faut les juger séance tenante Me le président". Ainsi, la tension est montée du côté des accusés qui sont restés dans le box. Certains avocats sont allés leur parler pour jouer les bons offices afin qu'ils se calment.
Le juge, après avoir suspendu l'audience pour une heure, s'est rapproché d'eux pour leur parler. Après quelques mots échangés avec le président de l'audience, ils se sont mis à applaudir. Le magistrat dit alors à haute voix: "je vous ai entendu et je prendrai tout ça en compte".
FDD