La cité Poste de Keur Mbaye Fall de la banlieue dakaroise a connu, hier, une après-midi tumultueuse et dramatique. Cheikh Ibrahima Fall, alias Cheikh Ibra, âgé de 4 ans, a été retrouvé mort dans un véhicule en panne. Son cousin et compagnon aussi nommé Ibrahima Dia, 5 ans, élève, à bord également dudit véhicule, se trouve dans un état grave et lutte contre la mort à l’hôpital.
Ce fut une journée macabre, hier, au quartier dénommé Cité Poste de Keur Mbaye Fall de la commune de Grand Mbao. Où la population locale est plongée dans l’émoi et se triture les méninges sur les circonstances de la tragique mésaventure de deux enfants et cousins.
Ibrahima Dia, 5 ans, est très attaché au bétail et développe un amour profond pour l’élevage des animaux domestiques. Quand il n’a pas cours à l’école, il conduit le troupeau de son papa au pâturage ; une activité qu’il affectionne tant et s’accompagne ainsi avec son inséparable cousin et camarade de jeu du nom de Cheikh Ibrahima Fall, alias Cheikh Ibra, âgé de 4 ans. Et pour faire paître le troupeau, Dia et son ami apparenté se gardent d’aller dans la forêt classée de Mbao. Ils se rendent aux abords du marécage de la localité, où des herbes poussent à un rythme effréné ; un vaste étang se trouve à proximité des maisons respectives des deux marmots.
Ils deviennent introuvables jeudi dernier et inquiètent tout le quartier
Jeudi 4 janvier dernier, les deux enfants deviennent introuvables durant toute la journée et suscitent une vive inquiétude auprès de leurs proches parents respectifs. Qui se triturent les méninges et sonnent le tocsin à coups de casserole dans le quartier. Ils ameutent du coup le voisinage et engagent ensemble une grande battue dans les quatre coins de la bourgade. Pendant qu’ils fouillent les lieux avec la méthode du porte à porte, d’autres membres de la famille, notamment, le papa de Dia, surnommé Baye Zale, sollicitent les services de marabouts et autres voyants, histoire de les aider à retrouver les traces des bambins.
Des recommandations d’offrandes pour retrouver les deux cousins
Baye Zale fait alors le tour de plusieurs « hommes miracle ». « J’ai rendu visite à plusieurs marabouts et autres voyants. Je me suis presque ruiné pour retrouver les traces des gamins. Certains marabouts et voyants essayaient de me rassurer et me disaient que les enfants faisaient l’objet d’un enlèvement. Et que l’auteur du rapt n’était cependant pas loin et qu’il allait bientôt les relâcher. Ils ajoutaient que les enfants étaient en bonne santé et qu’ils allaient sous peu rentrer à la maison », a laissé entendre Baye Zale. Et de poursuivre : « d’autres me recommandaient des offrandes dans le but de garantir la réapparition des deux mômes. J’ai rendu visite aussi, sur recommandation, à des marabouts dans des contrées lointaines », indique-t-il.
Les durs moments des familles respectives des deux enfants
Cinq jours passent et les deux gamins et camarades de jeu restent toujours introuvables. Baye Zale et ses proches intensifient les recherches et font feu de tout bois. Ils imaginent le scénario catastrophe et se gardent cependant de baisser la garde. « Je suis resté cinq jours sans prendre une douche. Je ne pouvais rien manger ni boire. Quand je pensais au sort des enfants, j’étais littéralement écœuré. Un des marabouts et voyants m’a recommandé de faire dare-dare une offrande d’arachide grillée car les gamins – portés disparus – allaient être incessamment retrouvés. Les déjeuners se préparaient tardivement dans la maison pendant la journée, car toute la famille était impliquée dans les recherches. J’ai demandé aux parents de tenter de se ressaisir et de préparer l’arachide grillée pour donner ça en offrande. Ce qui a été fait », affirme notre interlocuteur.
De l’arachide grillée en offrande pour revoir ses enfants sains et saufs
Baye Zale fait l’offrande, s’assoit sur le siège d’une moto et grignote tranquillement l’arachide grillée. Un habitant du quartier se retire sur les abords du marécage bordé d’herbes et grille tranquillement ses joints de chanvre indien, d’autant qu’il règne un calme plat sur les lieux pendant les heures creuses de la journée ; un endroit de prédilection pour les délinquants de la localité, qui se retrouvent souvent là-bas durant la nuit dans le but de lever ensemble le coude et de s’adonner à la vente de l’herbe illicite ainsi qu’à l’usage collectif de chanvre indien.
Un des enfants gémit sans cesse dans le véhicule recouvert d’une bâche et alerte un jeune
Pendant que le jeune homme fume seul son joint de yamba, il entend des gémissements dont il ignore la provenance et continue tranquillement à griller sa clope. Face aux incessants gémissements, il s’arrache aussitôt de son séant et promène le regard aux quatre coins, sans succès. Il soupçonne la présence d’une chèvre piégée dans les herbes et commence à sillonner les abords du marécage. « Quand il a dépassé une voiture en panne, recouverte d’une bâche et immobilisée devant une maison à étages, il a entendu davantage les gémissements. Il a aussitôt enlevé la bâche et cassé les vitres des portières de la voiture, sans rien voir », déclare Baye Zale.
Il enlève la bâche sur le véhicule, casse les vitres teintées et tombe sur l’horreur
Le quidam continue de traquer la provenance des gémissements et jette son dévolu sur le second véhicule, qui est immobilisé aussi non loin du premier véhicule devant la même maison à étages. « Ce véhicule était également en panne et privé de sa roue avant droite. Il était recouvert aussi d’une bâche, dont les quatre extrémités étaient reliées aux jantes des roues avec une corde », soutient notre interlocuteur. Et d’enchaîner : « il enlève brusquement la bâche sur le véhicule, entend davantage les gémissements et tente d’ouvrir les portières, mais celles-ci étaient verrouillées. Il casse les vitres teintées et tombe sur mon fils Ibrahima Dia, 5 ans, qui continuait à gémir. Tandis que son camarade de jeu et cousin Cheikh Ibrahima Fall, dit Cheikh Ibra, 4 ans, était déjà mort dans le véhicule », affirme-t-il.
Le défunt présente une blessure au front, le miraculé une blessure à la cuisse
La nouvelle se répand dans le quartier. Dia est très mal en point et porte une blessure ouverte au niveau de la cuisse. Tandis que son cousin Cheikh Ibra, décédé, présente aussi une grave blessure au niveau du front. Alertés, les pandores du poste de gendarmerie de la localité débarquent et activent les éléments de la police technique et scientifique. Ceux-ci délimitent le périmètre de la scène de crime avec un cordon de sécurité et procèdent au rituel des prélèvements de traces et autres indices sur les lieux.
La police scientifique et technique fouille la scène, d’autres gendarmes en renfort
Les sapeurs-pompiers entrent en action et évacuent d’urgence le jeune garçon au district sanitaire de Sicap Mbao. Ils extraient le corps sans vie du second gamin et le conduisent à la morgue pour les besoins d’une autopsie. Une enquête a été ouverte par les gendarmes.
Vieux Père NDIAYE
BAYE ZALE, PERE D’IBRAHIMA DIA
« Je soupçonne un rapt et une séquestration des enfants dans le véhicule »
Les deux enfants ont dû être kidnappés, conduits ailleurs, torturés, ramenés, puis séquestrés dans le véhicule en panne. C’est du moins la conviction du papa de l’un d’eux nommé Ibrahima Dia. Baye Zale croit dur comme fer à la thèse d’un enlèvement suivi d’actes de torture contre les deux bambins. « Ils ont été probablement kidnappés, conduits ailleurs, torturés, ramenés, puis ensuite enfermés dans le véhicule », renseigne Dia-père. Et de poursuivre : « je vois mal qu’une personne, à plus forte raison un enfant de 5 ans ou de 4 ans puisse rester enfermé cinq jours durant dans un véhicule aux portières verrouillées et littéralement recouvert aussi d’une bâche, sans manger ni boire. Tous les deux auraient péri dans les quarante heures. Or, j’apprends que le décès de l’un d’eux remonte à quelques heures ».
Baye Zale dégage la thèse selon laquelle les marmots se seraient retrouvés coincés à l’intérieur du véhicule. « Comment est-ce qu’ils peuvent s’enfermer dedans et recouvrir en même temps le véhicule d’une bâche. Quelqu’un ou des gens ont dû les séquestrer dans la voiture, avant de recouvrir la carrosserie d’une bâche. À quelles fins ? Je ne saurais le dire », Dia-père dixit. Qui demande que toute la lumière soit faite sur la tragédie.
V. P. NDIAYE
Le propriétaire du véhicule, suspect numéro 1, interpellé
Ça sent mauvais pour le propriétaire du véhicule dans lequel les deux enfants ont été retrouvés. A la lisière des éléments clé de l’enquête préliminaire des gendarmes et surtout du déroulé de la trame de la tragédie, le quidam est considéré comme le principal suspect. Dès que l’affaire a éclaté, soufflent des habitants, il s’est rendu de son propre chef dans les locaux du poste de gendarmerie. Il a été ensuite interpellé et placé en garde à vue pour nécessité d’enquête.
Sa famille conduite ailleurs, seule la bonne à la maison
Même si nos interlocuteurs ignorent les raisons de l’interpellation du propriétaire du véhicule en question, ils restent convaincus que ce dernier n’est pas blanc comme neige. « Il a amené toute sa famille ailleurs, seule la femme de ménage est dans la maison », disent-ils. Avant de s’interroger : « le propriétaire du véhicule craint-il une vendetta ou une expédition punitive en guise d’actes de représailles ?»
Les caméras de surveillance de la maison du suspect visionnées
Les gendarmes enquêteurs sont déterminés à crever l’abcès dans l’affaire et ensuite à réunir les différents éléments du puzzle. Toutes les caméras de surveillance, qui sont postées aux quatre coins de la maison à étages, font l’objet d’une minutieuse exploitation, dans le but de visionner les séquences des derniers instants de vie des deux mômes. D’autant que l’œil des appareils balaie aussi la devanture de la concession, où les deux véhicules en panne sont stationnés.
V. P. NDIAYE
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