Réunis hier face à la presse, plus d’une centaine d’anciens détenus politiques de Guédiawaye ont dénoncé «les prédateurs financiers et fonciers» et exigé que la justice prime sur toute réconciliation. Ils promettent d’occuper le terrain contre toute manifestation en soutien aux personnalités qu’ils accusent de pillage.
Les ex-détenus haussent le ton
C’est un point de presse au ton tranchant qu’ont organisé, hier à Guédiawaye, d’anciens détenus politiques se réclamant du camp d’Ousmane Sonko. Devant micros et caméras, ils ont tenu à rappeler : «ici à Guédiawaye, tous les leaders ne sont pas des voleurs» et à accuser frontalement «les prédateurs financiers et fonciers qui ont bradé le littoral». Ces anciens prisonniers, qui s’estiment à une centaine rien que pour cette commune, disent ne plus tolérer que «des va-nu-pieds manifestent pour la libération des voleurs de la République qui se sont servis de Guédiawaye et non servi la ville». Ils préviennent que désormais, ils feront face sur le terrain à toute tentative de manifestation visant, selon eux, à discréditer leur leader Ousmane Sonko. «Le préfet est prévenu», martèlent-ils.
Des accusations chiffrées et assumées
La députée Amy Dia, présente à la rencontre, a qualifié le moment d’«exceptionnel» et avancé le chiffre de 109 ex-détenus pour la seule commune de Guédiawaye, «sans compter les morts». Certains auraient passé jusqu’à deux ans derrière les barreaux. Elle a dénoncé, dans un discours émaillé de références internationales, les détournements présumés et l’impunité. «En Chine, les détourneurs sont exécutés et la balle qui tue, c’est la famille qui l’achète parce qu’il doit à l’État», a-t-elle rappelé, avant de fustiger : «le Sénégal n’est pas un pays pauvre mais il est appauvri par des citoyens indignes. Ceux qui défendent ces voleurs sont parrainés par eux.»
Un procès contre la corruption et l’impunité
Pour appuyer ses propos, Amy Dia a cité l’exemple des «21 milliards détournés par Madiambal Diagne», affirmant que cet argent «aurait pu soulager des milliers de citoyens avec la construction de structures sanitaires ou d’écoles». «Il manque de déontologie, c’est pourquoi aucun journaliste ne le défend», a-t-elle ajouté, parlant de «bandits politiques» et de «fossoyeurs du projet que nous défendons».
Ces anciens détenus, qu’elle qualifie de «boucliers» de ce projet politique, disent exiger «la justice, rien que la justice» et appellent les autorités déconcentrées à «prendre leurs responsabilités pour refuser les demandes de manifestation de ces bandits».
«Avant la réconciliation, il faut la justice»
Les attaques n’ont pas épargné d’autres figures publiques. Mansour Faye, par exemple, a été nommément cité : «il n’est pas clean. Il a bénéficié d’une liberté provisoire et doit signer tous les 15 jours», a rappelé Amy Dia. Pour les ex-détenus, aucune réconciliation nationale n’est possible sans passage préalable par la case justice. «Avant la réconciliation, il faut la justice», insistent-ils en direction du ministre de la Justice. Leur message se veut clair, pas de blanc-seing, ni d’amnésie politique, pour ceux qu’ils accusent d’avoir «anéanti l’économie».
En affichant leur unité et en prenant publiquement la parole, ces anciens détenus politiques entendent se poser en rempart moral et citoyen. Ils s’érigent aussi en acteurs de la pression populaire, prêts à se mobiliser contre toute tentative de manifestation en faveur des responsables qu’ils jugent coupables.
À Guédiawaye, cette sortie médiatique sonne comme un avertissement adressé aux autorités locales et aux soutiens de personnalités poursuivies : la rue pourrait bien se transformer en champ de confrontation politique.
Baye Modou SARR












