Lors du lancement du projet Dakar Métropole 2050, le Premier ministre Ousmane Sonko a tiré la sonnette d’alarme face au désordre urbain qui gangrène la capitale sénégalaise. Dénonçant une « urbanisation sauvage et insoutenable », il annonce une rupture radicale avec les pratiques passées. Maintenant, place désormais à la requalification des quartiers, à l’équité territoriale, et à des décisions coercitives pour remettre de l’ordre dans la capitale. Un « acte de refondation » est enclenché.
Dakar n’étouffera plus dans le chaos. Ce mardi 2 septembre 2025, depuis la scène solennelle du Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose, le Premier ministre Ousmane Sonko a fait entendre une parole rare, ferme, et attendue, « le temps de l’impunité urbanistique est révolu ». En lançant officiellement le projet « Dakar Métropole 2050 », le chef du gouvernement a annoncé une transformation profonde de la capitale sénégalaise, posant un diagnostic sans concession sur des décennies d’anarchie urbaine, et promettant des mesures rigoureuses pour y mettre fin. « Dakar a longtemps grandi dans le désordre et est devenue une région saturée, congestionnée, fragmentée… Il faut un choc d’organisation, un acte de refondation » a-t-il annoncé devant les invités venus d’horizon divers et l’ensemble du gouvernement et des citoyens venus assister à la cérémonie.
Dakar, capitale sous perfusion
Avec ses 4 millions d’habitants entassés sur moins de 0,3% du territoire national, Dakar est aujourd’hui l’image d’un échec planificateur, « constructions non réglementées, infrastructures insuffisantes, équipements publics absents, habitat précaire à 45%, et un étalement urbain qui ne répond à aucun plan d’ensemble. Chaque année, la capitale accueille environ 100.000 nouveaux arrivants, sans pour autant voir croître les services de base. Ce n’est pas la pluie qui crée les inondations. Ce sont les constructions illégales, les lotissements mal pensés, et l’urbanisation sauvage qui étranglent la ville », a martelé Ousmane Sonko.
Face à ce constat alarmant, le chef du gouvernement a désigné des responsables, les services de l’Urbanisme, des Impôts et Domaines, du Cadastre, tous pointés du doigt pour leur laxisme et leur mauvaise coordination. « Autrefois, on réglait d’abord l’assainissement, les voies, avant de construire. Aujourd’hui, on bâtit d’abord, puis on se débat ensuite pour amener l’eau ou l’électricité. C’est terminé. L’État va reprendre le contrôle » annonce le chef de l’administration sénégalaise.
Un tournant historique dans la gouvernance urbaine
« Dakar Métropole 2050 ne se veut pas un projet d’architectes futuristes ou de gratte-ciel tape-à-l’œil ». Il s’agit, selon Sonko, « d’un programme de réorganisation territoriale, de requalification écologique et d’équité spatiale ». Parmi les chantiers prioritaires, il cite, « la création de grands parcs métropolitains et d’espaces verts accessibles ; la réhabilitation de zones emblématiques comme Hann, Technopole ou Keur Massar ; la protection du littoral contre l’érosion et les constructions illégales ; le développement de mobilités propres : bateaux-taxis, téléphérique Dakar-Gorée, transports en commun non polluants », cite M. Sonko qui ajoute que « Dakar Ville verte ne sera pas un slogan, ce sera une réalité végétalisée, respirable et vivable. »
Des corrections coercitives et une doctrine assumée
Le ton employé par le Premier ministre ne laisse place à aucune ambiguïté, « l’ère de la tolérance face à l’urbanisation sauvage est révolue ». Il a promis des corrections fermes, y compris dans les pratiques administratives. « L’État se donne les moyens d’agir en amont, avant toute construction. C’est une doctrine nouvelle que nous allons appliquer dès Thiès Ville Nouvelle. Plus jamais de quartiers laissés à l’abandon ou de lotissements sans plan global » prévient le Premier ministre.
Ce modèle sera bientôt étendu à d’autres pôles urbains. Car, au-delà de Dakar, dit-il, « c’est l’ensemble du territoire qui est concerné par une refondation de la gouvernance spatiale. Le Sénégal est structuré en 8 pôles, dont 5 frontaliers. L’un des objectifs du projet est de déconcentrer Dakar, en promouvant le développement équilibré des autres pôles. Depuis l’indépendance, tout a été pensé à partir de Dakar. Ce modèle centralisateur est à bout de souffle. Il faut inverser la logique. Chaque territoire doit devenir acteur de son propre destin», fustige-t-il.
Un avenir à reconstruire, brique par brique
«Dakar Métropole 2050 est bien plus qu’un simple programme d’aménagement : c’est un choix politique assumé, une vision de rupture, une bataille contre l’informel institutionnalisé, où l'État reprend la main. La démarche repose sur trois piliers majeurs. Requalification urbaine, restructuration des quartiers désorganisés, réhabilitation des logements hors normes. Équité environnementale, réduction des inégalités d’accès à l’eau, à l’assainissement, aux espaces verts. Souveraineté territoriale, implication des collectivités dans une gouvernance cohérente à l’échelle nationale», annonce Ousmane Sonko.
Mais le gouvernement sait que les obstacles seront nombreux. Il cite «spéculation foncière, résistance des groupes d’intérêt, poids des habitudes administratives. Nous n’avons plus le choix. Dakar ne peut plus continuer à se construire contre elle-même. Il faut rétablir l’ordre, faire respecter les règles, imposer une vision durable et inclusive » fait-il savoir.
C’est la rupture ou l’asphyxie
Ousmane Sonko de conclure : «la capitale d’un pays souverain ne peut pas être une jungle urbaine. Elle doit être le miroir de nos ambitions. Nous allons faire de Dakar un modèle. Et pour cela, il faut rompre avec l’indifférence, agir, et parfois contraindre».
Baye Modou SARR












