La police de New York et le DSS, un service du département d’Etat américain chargé de la sécurité des diplomates, ont mis la main sur 4 des 11 suspects recherchés dans l’affaire du saccage du Consulat du Sénégal à New York. «Les Echos» a jeté un coup d’œil sur les rapports d’audience qui décrivent de façon détaillée comment les suspects ont été piégés et mis aux arrêts après 1 mois et demi d’intenses investigations. Les limiers ont dû faire appel à des méthodes très avancées de reconnaissance faciale, exploiter des bases de données de la police, traquer les réseaux sociaux et parfois créer des scenarios pour juste mettre la main sur les suspects.
Ils étaient une dizaine à avoir la police de New York à leurs trousses. Mais, après 6 semaines d’intenses investigations, appuyées par le «Diplomatic Security service» (Dss), Ibrahima Touré, Saliou Diop, El Hadji Kairé et Serigne Touré ont été piégés, arrêtés et mis à la disposition de la justice américaine.
Venu parler business, El Hadji Kaïré dupé et arrêté par le département d’Etat américain
El Hadji Kaïré est le dernier à être interpelé par les forces de l’ordre américaines dans ce dossier. Il a été arrêté le 28 septembre dernier à Harlem. Kaïré était venu pour parler «profit» avec son «bourreau», agent de sécurité au département d’Etat américain qui, pour des raisons liées à l’investigation, avait caché son identité et s’était présenté comme un partenaire ayant besoin des services de El Hadji. Tout a commencé le 27 septembre 2023, 2 agents spéciaux du DSS ont parlé à une personne qui a déclaré avoir déjà vécu à la même adresse que El Hadji Kaïré, à New York. L’identité de cette personne n’a pas été dévoilée. Une photo du suspect lui a été montrée. Une image tirée des vidéosurveillances du consulat au moment des faits. L’individu a confirmé que la personne sur la photo est bel et bien son ancien colocataire Kaïré.
Les raisons de la collaboration de cet individu avec la police n’ont pas été dévoilées, mais il est à rappeler que la police de New York avait émis un avis de recherche avec possibilité de payement d’une récompense d’environ 2 millions de F Cfa ($3500) pour toute information utile sur les suspects. Car au lendemain du saccage, selon ses proches, Kaïré s’était effacé des radars. Un autre individu, qui s’est présenté comme un parent du suspect et joint au téléphone par les agents de sécurité par l’intermédiaire de l’ancien colocataire de Kaïré, a déclaré qu’il n'a pas été en contact avec Kaïré depuis environ un mois. Ce dernier a fourni un numéro de téléphone pour joindre El Hadj en personne. Le même jour, rapporte le document, les agents de la DSS ont appelé sur le numéro et ont demandé à la personne qui a décroché s'il était «El Hadji». L’interlocuteur acquiesce en ajoutant que le reste de son nom était «Bara Kaïré». Le détective rapporte avoir conversé, au cours de la même journée, plusieurs fois avec El Hadji Bara Kaïré, par SMS et par téléphone via le même numéro. Au cours de ces conversations, Kaïré et lui ont fixé un rendez-vous le jeudi 28 septembre 2023, à une adresse à Manhattan.
L’agent a tenu à rappeler au juge qu’au cours de l'appel téléphonique, il n’a pas révélé son identité en tant qu'agent spécial et qu’il aurait dit à Kaïré que le but de son appel était de discuter business. Le lendemain 28 septembre 2023, vers 9h55 du matin, l’agent dit avoir observé le suspect El Hadji Kaïré à proximité du lieu de rendez-vous. Kaïré, dit-il, avait les mêmes traits de visage et un physique similaire à celui de l'agresseur identifié dans la vidéosurveillance. Par la suite, l'accusé Kaïré a été mis en état d'arrestation. Après son arrestation, une image tirée des vidéos lui a été présentée et le concerné s'est identifié comme la personne représentée sur l'image. En substance, Kaïré aurait déclaré être entré au consulat le 4 août 2023, mais a nié avoir causé des dommages. Dans son témoignage, l’agent du DSS qui a exploité les vidéos, a déclaré que le prévenu a commis des dommages aux biens du consulat, donné à plusieurs reprises des coups de pied et endommagé la porte d'entrée du consulat, frappé et endommagé à plusieurs reprises une caméra de surveillance à l'extérieur de la porte d'entrée du consulat.
Serigne Touré trahi par sa déclaration de perte à la police une semaine après le saccage
Pour le cas de notre confrère Serigne Touré, les enquêteurs du département d’Etat ont reçu l’information selon laquelle l’accusé s’était rendu à la police le 11 aout dernier, c’est-à-dire une semaine après le saccage, pour déclarer la perte ou le vol de son scooter. A ce moment-là, aucun avis de recherche n’avait été émis. D’après l’examen par le DSS des rapports du service de police de la ville de New York, des images de caméra montrent le déclarant affirmant à la police répondre au nom de Serigne Touré. De plus, selon les enquêteurs, il portait en bandoulière un sac sur lequel on pouvait lire les mots «New York». Ensuite, d’après le visionnement des images de vidéosurveillance du consulat, ledit sac est identique à celui porté par «l’agresseur» du consulat le 4 août 2023. Les limiers ont aussi étayé leur argumentaire par l’examen d’images sur une page TikTok qui appartiendrait au suspect. D’après l’examen des images et vidéos TikTok qui ont été publiées sur ce compte, les agents fédéraux déclarent avoir identifié une personne qui semble être le suspect, car il a une carrure et des traits de visage similaires à ceux de Touré. En effet, expliquent les agents, dans plusieurs de ces vidéos, l’homme qui ressemble à Touré semble porter les vêtements ou les accessoires que «l’agresseur» portait au consulat le jour du saccage. Plus précisément, l’homme porte la même ceinture rouge avec une boucle ronde et le même sac en bandoulière avec les mots «New York» qu’un des agresseurs portait le 4 août 2023. Les forces de sécurité n’ont pas hésité à apporter toutes les preuves de leurs accusations, images et vidéos à l’appui. La déclaration de perte émise par Touré comprenait les informations nécessaires pour faciliter sa localisation et son arrestation.
Saliou Diop repéré par la police de New York par reconnaissance faciale
L’arrestation du sieur Saliou Diop montre jusqu’où la police américaine est plongée dans les nouvelles technologies. L’intelligence artificielle, base de la reconnaissance faciale, a été utilisée pour repérer notre compatriote. Selon le rapport de la DSS, les enquêteurs n’ayant pas eu les ressources nécessaires d’identifier le suspect, ont fait appel à une agence fédérale américaine dont le nom n’a pas été mentionné mais tout laisse à croire qu’il s’agit du FBI. L’expertise de cette dernière a pu affiner les images prises lors du saccage et confirmer un possible correspondance avec le nommé Saliou Diop.
Le 19 septembre 2023, vers 20h39, alors qu’il participait à une manifestation organisée par l’opposition en pleine assemblée générale des Nations unies, Saliou Diop, un des suspects, avait été arrêté par le service de police de la ville de New York. À la suite de son arrestation, Diop a répondu aux questions des détectives de la police de New York. Selon le document, il a reconnu qu’il avait participé à une manifestation au consulat le 4 août 2023 et aurait admis que ça s’était mal passé. Diop aurait également déclaré que quelqu’un s’était introduit par effraction dans le Consulat et aurait admis qu’ils avaient mis sens dessus-dessous les lieux. Rappelons que tous ces suspectés ont été arrêtés et bénéficient d’une liberté provisoire avec payement de caution, en attentant leurs procès respectifs.
Ahmadou KANE
(Correspondant permanent à New York)
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