C’est une foule immense qui a répondu présent hier au rassemblement pacifique pour la libération des détenus politiques. Autorisée et encadrée, la marche a connu un grand succès avec la participation de plusieurs leaders de l’opposition. Et comme à chaque manifestation de l’opposition, Ousmane Sonko a été l’absent le plus présent.
Du rond-point Jet d’eau au Terminus Liberté 5, les manifestants ont marché hier sous le chaud soleil pour réclamer la libération des détenus dits politiques. Vêtus pour la plupart de tee-shirt rouge, les jeunes ont manifesté pacifiquement leur mécontentement. Marchant tranquillement derrière le camion sonorisé, jeunes, vieux et femmes ont d’abord listé, machinalement et en chœur, les noms des jeunes privés de liberté «injustement» par le Président Macky Sall et son régime. «Nous avons assez souffert de l’absence de nos proches. Le Président Macky Sall doit revenir à la raison, il est plus que temps», s’est exclamée une jeune femme, drapée dans une robe rouge. Comme pour le confirmer, un jeune homme, la trentaine révolue, fulmine : «c’est à croire que nous ne valons rien aux yeux de ceux qui nous gouvernent. La vérité, c’est que nous ne sommes plus dans un pays de droit. Le Sénégal est devenu un régime totalitaire où les jeunes qui militent pour le changement ne sont bons que pour la prison».
Sonko, l’absent le plus présent au rassemblement
La foule grandissait au fur et à mesure qu’elle avançait. La manifestation était certes dédiée à la libération de tous les détenus, mais celle de Ousmane Sonko est vite placée au centre des activités. Les jeunes ont visité tout le répertoire des chants dédiés au leader de Pastef. Les articles à l’effigie de Ousmane Sonko s’étendaient à perte de vue. Certains s’affichant fièrement avec leur teeshirt, d’autres brandissant ses portraits pour clamer leur nostalgie de Ousmane Sonko.
Rokhaya Lo, presque au bord des larmes, lâche : «vous avez vu tout ce beau monde, la vérité, nous partageons un même et unique désir actuellement : voir Ousmane Sonko hors des liens de la détention arbitraire dont il fait objet depuis plusieurs mois déjà». Poursuivant, en marchant à pas rassurés, la jeune femme déclare : «pour l’empêcher de participer à la présidentielle, ils sont prêts à bousiller sa vie. Son état de santé décrit par son médecin dans cette note qu’ils voulaient garder secrète devrait être un motif suffisant pour le libérer. Nous n’aurions même pas dû en arriver là», fustige-t-elle.
Témoignage poignant d’une mère de détenus
Pour sa part, Lucie Sané, du Collectif des familles des détenus politiques, en sa qualité de mère de famille, a interpellé le chef de l’Etat et la Première dame, dans un discours poignant pour la libération de leurs enfants en souffrance dans les prisons. «Nous appelons le chef de l’Etat à revenir à la raison, nous sommes fatiguées. Ce sont les enfants de ceux et celles qui vous ont élus qui sont dans les prisons. Monsieur le Président, nous n’avons pas enfanté des vagabonds et de terroristes, mais de dignes fils du Sénégal. Aujourd’hui, des familles sont disloquées et des enfants souffrent, à cause de ces soutiens de famille en détention. Vous vivez avec vos enfants, nous ne voyons plus nos enfants et on souffre au plus profond de notre chair. Libérez les détenus, car personne ne sait ce que demain sera», indique Lucie Sané. Selon Dame Mbodj, il y a 1000 détenus politiques dans les prisons, au seul motif qu’ils aiment Ousmane Sonko. «Macky Sall ne veut pas que Sonko soit candidat, mais il le sera. Nous allons porter cette candidature au prix de notre vie», ajoute le syndicaliste.
Aminata Touré : «maintenir la mobilisation pour se débarrasser de ce régime à jamais»
«Libérez les prisonniers d’opinion, libérez Ousmane Sonko ! Même en temps de guerre, le droit humanitaire prévoit la libération d’un prisonnier dont l’état de santé n’est pas compatible avec la détention. C’est le cas de Ousmane Sonko dont l’Etat de santé est préoccupant. Il doit être libéré afin qu’il puisse se soigner. Les milliers de détenus politiques sont aussi à libérer». C’est en ces termes que l’ancien Premier ministre et candidate à l’élection présidentielle, Aminata Touré, a ouvert ses propos. En tant que mère, l’ancienne présidente du Cese est décidée, à côté des jeunes, à combattre pour défendre la démocratie. Revenant sur cette manifestation autorisée de l’opposition, elle révèle que le préfet ne pouvait faire autrement puisque le Premier ministre est en train de battre campagne à travers le pays sans qu’il ne lève le plus petit doigt. Aussi, a-t-elle annoncé que, désormais, toutes les manifestations de l’opposition seront autorisées. En outre, elle a appelé à maintenir la mobilisation pour libérer les détenus politiques, mais aussi et surtout pour que le 25 février, dès midi, «on se débarrasse à jamais», dit-elle, de ce régime.
Cheikh Bara Ndiaye sermonne Macky et son Pm et interpelle les chefs religieux
«Libérez Sonko», s’est aussi écrié Serigne Bara Ndiaye. Un refrain repris en cœur par la foule. « Le communiqué sur l’état de santé dégradé de Ousmane Sonko est sorti depuis trois jours et personne ne sait ce qu’il en est aujourd’hui de son état. J’interpelle solennellement le Président Macky Sall à qui je demande de revenir à la raison. La politique ne vaut pas le sacrifice d’une vie humaine. On a vécu l’épisode tumultueux avec Karim Wade et Khalifa Sall ; pour autant, vous vous êtes retrouvés», sermonne le marabout, avant de rebondir sur le Premier ministre. Lui aussi, dit-il, pour avoir cheminé avec Sonko ne doit pas accepter d’accéder au pouvoir après la mort de son principal opposant. A l’en croire, l’état de santé du leader de Pastef est préoccupant et même s’il est libéré, il ne pourra regagner son domicile. Mais il va rester à l’hôpital pour se soigner. «Les chefs religieux doivent aussi élever la voix pour éviter que l’irréparable ne se produise ; le Sénégal est sur une pente dangereuse», prédit le marabout. «On s’est beaucoup battu pour un projet, un projet qui va sauver le Sénégal et nous sommes déterminés à défendre ce projet au prix de notre vie», a ajouté le jeune marabout Mara Niasse qui appelle les militants à se mobiliser pour faire face à Macky Sall afin qu’il libère tous les détenus politiques. «Aujourd’hui, ils ont érigé des barrières partout pour que la manifestation ne réussisse pas. Mais les Sénégalais sont sortis. Nous allons maintenir la mobilisation pour faire face à Macky Sall et libérer Ousmane Sonko», dit-il.
Maïmouna Bousso : «résistons au péril de nos libertés»
C’est par des chansons en hommage à Ousmane Sonko que Maïmouna Bousso a entamé son intervention. «Tous les citoyens sont unis ici pour la démocratie et ce combat pour le Sénégal, c’est Ousmane Sonko qui en est la solution. Nous refusons de prendre les pirogues, de nous exiler, nous restons ici pour faire face à Macky Sall. Ousmane Sonko, là où il est, résiste au péril de sa vie, résistons au péril de nos libertés », décrète Maïmouna Bousso. «Au Sénégal, il y a ceux dont la page se ferme et ceux dont la page s’ouvre en 2024. Nous serons avec eux pour un nouveau Sénégal, le Sénégal de la bonne gouvernance, de la transparence, de la liberté d’expression, d’opinion, etc. On est fier de la jeunesse, de la société civile. On maintient la mobilisation pour une nouvelle page avec les hommes dignes et des femmes de courage et de dignité», appelle l’ancienne députée Marème Soda Ndiaye. De l’avis de Habib Sy, Ousmane Sonko sera libéré tôt ou tard en 2024 et sera le président pour appliquer son projet de développement. Ce qui lui fait dire que la jeunesse ne doit pas perdre espoir et embarquer dans des pirogues de fortune pour l’Espagne, car le projet de Sonko verra le jour.
Mamadou Mbodj : «faire de Dakar une ville morte»
«Nous espérons qu’avec cette forte mobilisation, le coordonnateur de Y’en a marre, Aliou Sané, sera libéré, Ousmane Sonko aussi, ainsi que tous les détenus politiques. Ils n’ont rien à faire dans les prisons. Restons mobilisés car on veut faire de Dakar une ville morte dans les prochains jours. Soyons prêts pour montrer à Macky Sall que nous ne sommes pas d’accord de son règne par la violence, la torture et les nombreux cas de décès », a déclaré Mamadou Mbodj.
Seydina Oumar Touré s’est réjoui de cette forte mobilisation en si peu de temps. «C’est dire que la source du problème ne vient pas de la population, mais de l’autorité administrative. Les gendarmes et les policiers ne sont pas nos ennemis ; malheureusement c’est l’homme politique qui crée une situation qui met en mal la population et les Fds», déplore le capitaine Touré.
Ndeye Khady DIOUF & Moussa CISS
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