Une affaire extraordinaire est passée devant la barre de la chambre criminelle avant-hier. Une domestique qui accuse sa collègue ainsi que la fille de sa patronne de l’avoir balancée du 3e étage d’un immeuble. Elle s’en est sortie après un mois dans le coma, une incapacité de parler et une Itt de 90 jours. Mais la fille de sa patronne, Ndèye Maïmouna Anta Fall, nièce de l'ancien garde de Sceaux, Ismaïla Madior Fall, n’a fait que 90 jours en prison avant de bénéficier d’une liberté provisoire. Ce qui a étonné l’avocat et même le représentant de la société. Dans ses réquisitions hier, il a sollicité 5 ans de réclusion criminelle contre les deux accusées et un mandat d’arrêt contre Ndèye Maïmouna Anta Fall. Pour sa part, la miraculée Nogaye Niang a réclamé 25 millions F Cfa à titre de dommages et intérêts. Délibéré le 5 janvier 2021.
Devant la barre, on a l'habitude de voir défiler des employés qui y ont été traînés par leurs employeurs pour divers délits. Mais, mardi, devant la Chambre criminelle de Dakar, c'est tout le contraire. C'est la domestique Nogaye Niang qui y a traîné la fille de sa patronne, Ndèye Maïmouna Anta Fall qui n'est autre que la nièce de l'ancien ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. Ainsi que leur autre femme de ménage, Ndèye Soukèye Diop. La domestique accuse les accusées d’avoir tenté de la tuer suite à une bagarre.
Selon elle, c’est suite à une polémique sur ses jours de repos avec sa collègue Ndèye Soukèye Diop qu’elle a été bastonnée par celle-ci avec l’aide de Ndèye Maïmouna Anta Fall. Ces dernières l'ont ensuite ligotée avant de la projeter du haut du troisième étage où elles se trouvaient. C’était le 19 juillet 2017. C’est ainsi qu’elle a été transportée au poste de santé des Hlm où elle a bénéficié des premiers soins. Son père, Alassane Niang, a déposé une plainte dès qu’il a été informé de la mésaventure de sa fille, mineure au moment des faits. Ainsi, l'autre domestique Ndèye Soukèye Diop et la fille de leur patronne, Ndèye Maïmouna Anta Fall, ont été inculpées et renvoyées avant-hier devant la Chambre criminelle de Dakar, pour tentative de meurtre.
Ndèye Soukèye Diop se dédouane et accuse Ndèye Maïmouna Anta Fall et sa mère comme étant les véritables auteures du drame
Interrogée, Ndèye Soukèye Diop a nié avoir voulu tuer sa collègue Nogaye Niang. Pour se dédouaner, elle a accusé Ndèye Maïmouna Anta Fall comme étant l'auteure. «C'est Anta Fall qui m'a informé de sa chute alors que je sortais des toilettes. Je la considère comme ma petite-sœur. C'est moi qui lui apportais même le petit-déjeuner. Son père en sait quelque chose. Je ne l'ai jamais battue. Et s'il y a bagarre, ce sont les autres qui sont responsables. C'est Maïmouna et sa mère qui se disputaient avec elle. Je n'étais pas présente quand elle a été ligotée et projetée au sol», a-t-elle expliqué.
Ndèye Maïmouna Anta Fall n’a fait que 90 jours en prison…
Chargée par sa coaccusée, Ndèye Maïmouna Anta Fall, qui a fait 90 jours de prison avant de bénéficier d'une liberté provisoire, a balayé d'un revers de main toute ces accusations alors que la plaignante a soutenu mordicus que c'est elle qui lui avait ligoté les pieds pendant qu'elle se battait avec elle. «On a entendu un bruit assourdissant alors que j'étais au premier étage. Là, j'ai demandé ce qui se passait à ma mère qui était à coté de moi. Lorsque je suis sortie sur le balcon pour voir, j'ai crié en déclarant que c'est Nogaye qui est tombée. Immédiatement, j'ai aperçu Soukèye qui descendait les escaliers et je lui ai demandé où est-ce qu'elle se trouvait lorsque Nogaye chutait du haut du troisième étage», dit-elle. Et de poursuivre : «je n'ai jamais eu d'antécédent avec elle, ni avec une autre personne dans la maison. Et je n'ai aucun intérêt pour me battre avec elle. Ma mère a voulu la virer, mais je l'avais gardée à la maison puisque j'avais pitié d'elle, vu qu'avec l'argent qu'elle gagnait, elle payait les études de son petit-frère», s'est disculpée la déléguée médicale.
La miraculée Nogaye Niang continue d’accuser Ndèye Maïmouna Anta Fall et Ndèye Soukèye Diop
Âgée maintenant de 19 ans, la miraculée Nogaye Niang a enfoncé ces deux bourreaux. «C'est avec Ndèye Maïmouna Anta Fall que je me battais. Mais, Soukèye s'en est mêlée. Ces deux-là me rendaient la vie difficile. Le jour des faits, ma patronne se plaignait de la qualité du pain avant de me taxer d'indisciplinée. Mais, après ça, sa fille Maïmouna m'a fait du "tchipatou" avant de m'assener au visage un coup de poing qui m’a fait saigner. C'est là que Soukèye s'en est mêlée en tirant mes mèches alors que je me battais avec Maïmouna. Ndèye Maïmouna Anta Fall, qui est la fille de mon employée en a profité et est allée chercher un fil avec lequel elle a attaché mes pieds. Après cela, elle et Soukèye m'ont prise et balancée dans le vide du haut du troisième étage. Une seule personne ne peut pas me faire tomber mais c'est elles deux. Je n'y pouvais rien, c'était deux personnes contre moi seule», a narré la gamine qui revient sur son état physique. «J'ai commencé à boiter après la chute puisque je me suis retrouvée avec une jambe cassée».
«Elle était plongée plus d'un mois dans le coma. Après les faits, elle est restée 2 mois sans pouvoir parler»
Père de la victime, Alassane Niang est revenu sur l'état de sa fille lorsqu'elle a été admise au poste de santé des Hlm où elle avait reçu ses premiers soins juste après sa chute. «Son visage, son nez et sa bouche saignaient. Elle était inerte au poste de santé. Son corps présentait des blessures. Elle était plongée plus d'un mois dans le coma. Après les faits, elle est restée 2 mois sans pouvoir parler. Lors de son interrogatoire après sa sortie du coma, elle a accusé sa collègue Soukèye et la fille de sa patronne comme auteures de sa chute», a relaté le vieux.
ITT de 90 jours
Cette assertion a été corroborée par les conclusions de l'homme de l'art dans son rapport. Ainsi, le médecin a conclu dans le certificat médical que Nogaye Niang a été hospitalisée en réanimation en service de neurologie à cause d'un traumatisme crânien. Elle s'est retrouvée avec une incapacité temporaire de travail de 90 jours car elle est restée dans le coma pendant plus d'un mois.
Voisine de la patronne de la victime, Maguette Ngom a déclaré que lorsqu'elle a vu la domestique après sa chute, elle était toujours avec ses tresses de mèches. Mais, elle a précisé ne l'avoir jamais vue avec des jambes attachées par une corde comme l'a soutenu la plaignante. Par ailleurs, la grande-sœur de la victime a témoigné à charge contre l'autre domestique Soukèye. «On a rencontré Soukèye au centre de santé des Hlm et elle pleurait à chaudes larmes. Elle disait en sanglotant que Nogaye ne pouvait pas mourir sans pour autant qu'elle lui pardonne. Et elle a répété ça à maintes reprises. Mais, quand on lui demandait les raisons de ces propos, son employeuse Khady Guèye l'a tirée pour qu'elle s'engouffre dans un taxi», a-t-elle indiqué.
«chaque fois qu'elle voit deux personnes se battre, elle pique une crise»
Interrogée, leur belle-sœur, Sokhna Ndiaye, a confirmé les propos de la voisine Maguette Ngom. «A mon arrivée au poste de santé des Hlm, j'ai trouvé Soukèye Diop qui sanglotait et qui disait que Nogaye ne pouvait pas mourir sans pour autant qu'elle ne lui avoue la vérité. Elle soutenait aussi qu'elles se bagarraient avant qu'elle ne tombe dans le vide. (…). Après sa sortie de l'hôpital, elle n'avait pas encore retrouvé l'usage de la parole puisqu'elle ne pouvait pas encore expliquer à personne ce qui s'était passé. Mais, à chaque fois qu'elle voyait deux personnes qui se battaient, elle piquait une crise comme si la scène horrible qu'elle avait vécu lui revenait en tête», a martelé la dame.
La victime Nogaye Niang réclame 25 millions F Cfa à titre de dommages et intérêts
Patronne de la plaignante, Khady Guèye a soutenu qu'elle ne savait rien de la chute de sa bonne ni la cause. Elle a disculpé sa fille Ndèye Maïmouna Anta Fall. Ella a ainsi révélé que sa fille était avec elle au moment où sa bonne chutait du troisième étage. N'empêche, l'avocate de Nogaye Niang, qui a réclamé la somme de 25 millions F Cfa à titre de dommages et intérêts, s'est indignée de l'attitude des accusées à l'égard de sa cliente. «Elle est ici par la grâce de Dieu parce que son heure n'avait pas encore sonné. C'est un procès de l'injustice. Quelle que soit la situation, il faut avoir le courage de dire la vérité. Cette injustice rejaillit depuis le début. Parce qu'elle a travaillé dans cette maison depuis 7 mois et était préposée à toutes sortes de travaux. Elle était payée mensuellement 30.000 F, donc 1000 F par jour. Elle est vulnérable vu qu'elle est issue d'une famille démunie. Il s'y ajoute qu'elle a suivi des soins jusqu'à ce que les ressources de sa famille s'épuisent. C'est le procès de la honte ! Pourquoi, après 90 jours, on a libéré la fille de la patronne, Ndèye Maïmouna Anta Fall alors qu'elle devait rester en prison jusqu'à ce que vous, tribunal, vous rendiez votre décision ? Et c'est pour cela que je vous ai dit que c'est le procès de la honte», s'est indignée Me Touré.
Le Procureur requiert 5 ans de réclusion criminelle contre les deux accusées et un mandat d’arrêt contre Ndèye Maïmouna Anta Fall, nièce du ministre Ismaïla Madior Fall
Étant dans la même logique que le conseil de la partie civile, le représentant du procureur a requis 5 ans de réclusion criminelle contre les deux accusées. Aussi, elle a ordonné de décerner un mandat d'arrêt contre la nièce du ministre Ismaïla Madior Fall, Ndèye Maïmouna Anta Fall.
Conseil de l'autre domestique, Ndèye Soukèye Diop, Me Mouhamadou Bachir Lo a sollicité son acquittement parce que, selon lui, il n'y a aucun élément dans le dossier qui prouve qu'elle était au troisième étage lors de la chute de la victime. En plus, dit-il, il y a une intention de charger sa cliente parce qu'elle est la dame pauvre. Mes Ndèye Arame Ndiaye, Bamar Faye et Ndéné Ndiaye ont sollicité l'acquittement des accusées avant que la Chambre ne décide de les fixer sur leur sort le 5 janvier 2021.
Fatou D. DIONE
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