L’économie ne se limite pas à la croissance dont le taux actuel est vanté sur tous les toits par les services d’Amadou Bâ et le régime en général. La précision est de Mamadou Lamine Loum, qui note, malgré les taux de croissance affichés, que la pauvreté persiste et la tension financière réelle. N’y changent rien les dénégations du Directeur du Trésor qui, pour lui, n’est même pas la bonne personne à interroger sur le sujet. S’agissant des récents emprunts sur le marché financier international qui ont permis au Sénégal d’encaisser des milliers des milliards, l’ancien ministre de l’Economie, qui était hier l’invité de Grand Jury sur la Rfm, trouve que ce sont des opérations «un peu trop précipitées». Pire, invitant à ce qu’on apprenne à «mieux gérer les finances publiques», il soutient que ces opérations sont «une fuite en avant» et qu’elles sont cher payées pour le Sénégal.
«Le Pse n’a pas été fait pour 2035. C’est des choses qui ont été ajoutées»
Pour Mamadou Lamine Loum (Premier ministre 1998-2000), le Plan Sénégal émergent est loin d’être ce qu’il faut pour développer le Sénégal. «Le Pse est un bon programme de travail pour un gouvernement, mais ce n’est pas un plan au sens d’un plan prospectif, voire à l’échelle d’une population, sur 25 ans, et partagé par l’ensemble des Sénégalais», note-t-il. Et d’ajouter que les concepteurs du Pse ont eu une vision trop courte dans le temps. «Le Pse n’a pas été fait pour 2035. C’est des choses qui ont été ajoutées. Nous avons fait la critique aux experts. Leur horizon était trop court», soutient l’ancien ministre de l’Economie et des Finances sous Diouf. Qui «préfère avoir un plan prospectif, un des anciens plans, qui ne soit pas un projet du Président Macky Sall, qui ne soit pas un projet d’un gouvernement, mais un projet du peuple en entier, en termes de vision».
«malgré ces croissances, la pauvreté ne recule pas…»
Mamadou Lamine Loum ne fait pas dans le nihilisme. Pour lui, l’économie nationale se porte mieux aujourd’hui qu’il y a quelques années. «L’économie du Sénégal se porte de manière assez appréciable par rapport à un passé un peu récent, en termes de croissance, de création de richesses… En termes de création de richesses, on a créé plus de richesses au Sénégal dans les dernières années, notamment dans le mandat du Président Macky Sall que dans celui d’Abdoulaye Wade. Ça c’est sûr», affirme-t-il. Mais, assure-t-il, tout est loin d’être rose. Et pour cause, il explique : «l’économie, ce n’est pas que la croissance. Il y a la question des finances publiques, la question de la création et de la répartition de la richesse, la question de l’emploi, de la répartition du budget…c’est un total de tout cela qu’on peut juger dans le cadre macroéconomique». Considérant que la croissance est bonne durant ces dernières années, à part l’année controversée où le «chiffre politique» l’a emporté sur le chiffre donné par les gens de l’art et qui était inférieur, Loum rappelle que, «malgré ces croissances, la pauvreté ne recule pas, les finances publiques ne se portent pas bien».
«C’est clair qu’il y a une tension financière…»
Contrairement aux affirmations du Directeur du budget qui, interrogé par la Rfm, a démenti toute tension budgétaire, Mamadou Lamine Loum soutient que «la tension financière existe depuis un certain temps» au Sénégal. «On la sent quand on est spécialiste. Moi j’ai vécu ça…Oui c’est clair qu’il y a une tension financière. Et je pense que les différents créanciers de l’Etat la sentent. Les écoles privées, les étudiants, les fournisseurs, les bailleurs de fonds, les entreprises des travaux publics…la sentent aussi», martèle l’ancien ministre des Finances et Premier ministre. Qui ne donne aucun crédit aux déclarations du directeur du Budget, qui, à l’en croire, n’est pas la personne la mieux outillée pour parler du sujet. «C’est parce qu’il s’adresse à des journalistes qui ne connaissent pas... Le directeur du Budget n’est même pas la personne qu’ils auraient dû interroger», dit-il. Et d’ajouter que l’eurobond, c’est pour combler le déficit du budget, qui demandait qu’on mobilise un montant approximatif.
«Il faut qu’on apprenne à gérer mieux les finances publiques dans notre pays»
Relativement à l’eurobond et à l’emprunt obligataire qui ont permis au Sénégal de récolter des milliers de milliards sur le marché financier international, l’ancien argentier de l’Etat reste très critique. «C’est une fuite en avant et une consommation du blé en herbe. Les Sénégalais sont en train de consommer les revenus qui vont arriver dans les prochaines années», souligne Loum. Qui poursuit : «Je pense que l’eurobond en 10 ans et l’emprunt obligataire en dollars sur 30 ans sont des opérations peut-être un peu trop précipitées qui demanderont sans doute des traitements pour pouvoir être acceptables pour les finances publiques». Pas du tout en phase avec les services d’Amadou Bâ sur ce point, il note que «payer un emprunt en dollars de 30 ans et à l’échéance des trois dernières années, payer 2 milliards de dollars d‘intérêt pour un milliard de dollars de prêt, c’est quand même très cher payé». Rappelant que c’est maintenant seulement qu’on est en train de couvrir pour pouvoir payer, cette année et l’année prochaine, l’emprunt obligataire de 2011, Mamadou Lamine Loum alerte : «je crois qu’il faut qu’on apprenne à gérer mieux les finances publiques dans notre pays».
Mbaye THIANDOUM
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