Alors que le gouvernement interdit l’usage du téléphone portable dans les établissements scolaires, le président du mouvement Agir – Les Leaders, Thierno Bocoum, critique une mesure «sèche» et avance des propositions concrètes pour la rendre applicable et bénéfique à la formation des élèves.
Le débat sur le téléphone portable à l’école a pris une tournure nationale depuis que le ministère de l’Éducation a décidé d’en interdire l’usage « dans l’enceinte des écoles, collèges et lycées, publics comme privés ». Présentée comme un moyen de préserver l’école en tant que sanctuaire du savoir et de protéger les élèves des dérives numériques, la mesure reçoit un accueil mitigé. Dans l’opposition, Thierno Bocoum, président d’Agir – Les Leaders, dit comprendre l’intention mais s’inquiète d’une décision «sans préparation».
«L’objectif de l’État est légitime améliorer la concentration et la qualité des apprentissages. Mais une réforme d’une telle ampleur ne peut pas se réduire à une interdiction sèche», affirme M. Bocoum, qui appelle à «plus de méthode et de cohérence» avec la stratégie numérique nationale.
Pour l’opposant, l’expérience française, souvent citée, mérite d’être regardée de près. En France, près de 200 établissements ont expérimenté une «pause numérique» obligeant les collégiens à déposer leurs téléphones en arrivant. Si certains enseignants et parents y ont constaté un climat plus apaisé, syndicats et associations de parents ont relevé un manque de bilan clair et de transparence, ainsi que des difficultés logistiques. «Ce constat démontre qu’une phase test est indispensable avant toute généralisation», estime Thierno Bocoum.
Il plaide pour qu’au Sénégal, une étape pilote permette d’évaluer les effets concrets de l’interdiction sur la concentration, la discipline et les résultats scolaires. Une telle phase, dit-il, aurait aussi permis d’anticiper des contraintes pratiques comme la collecte, le stockage, la restitution et même les cas de perte ou de vol. «Sans ce laboratoire pédagogique, la mesure risque de rester une déclaration difficilement applicable», avertit-il.
Mais au-delà du test, le président d’Agir insiste sur l’investissement nécessaire dans la pédagogie numérique. «Interdire le téléphone sans apprendre à l’utiliser de façon raisonnée revient à déplacer le problème plutôt qu’à le résoudre», observe-t-il. À ses yeux, des modules scolaires sur la cybersécurité, le respect de la vie privée et l’esprit critique face aux réseaux sociaux doivent accompagner toute réforme crédible.
Thierno Bocoum propose aussi que l’État prévoie des alternatives concrètes, des casiers numériques sécurisés dans les établissements, des tablettes éducatives verrouillées pour les activités pédagogiques, ou encore des zones de tolérance encadrées pour éviter les tensions et les contournements.
Enfin, il suggère la mise en place d’un dispositif national de suivi et d’évaluation. «Des rapports réguliers permettraient d’ajuster la réforme en fonction des réalités du terrain et d’en faire un véritable outil de progrès», avance-t-il.
Pour le leader d’Agir – Les Leaders, la philosophie est simple, l’école ne doit pas seulement interdire, elle doit réguler et éduquer. «Le téléphone portable, s’il est encadré et intelligemment intégré, peut passer du statut d’ennemi à celui d’outil maîtrisé, au service de l’apprentissage et de la citoyenneté numérique», conclut-il.
Baye Modou SARR













