À quelques jours du Grand Magal 2025, le porte-parole du Khalife général des Mourides a levé le voile sur ses liens avec l’ancien président Macky Sall. Entre souvenirs de collaboration étroite, malentendus persistants et interventions lors de crises politiques, Serigne Bass Abdou Khadre raconte un rapport marqué à la fois par la familiarité et par des épisodes de friction à la délégation de l’ancien président Macky Sall dirigée par l’ancien Premier ministre, Me Sidiki Kaba.
En prélude au grand Magal de Touba édition 2025, le porte-parole du Khalife général des Mourides a reçu la délégation dépêchée par l’ancien président de la République, Macky Sall. Cheikh Bass Abdou Khadre Mbacké, après avoir accueilli la délégation dirigée par l’ancien Premier ministre Me Sidiki Kaba, s’est d’abord félicité de cette reconnaissance et a salué la visite. «Votre présence ici à Touba ne nous surprend guère, car le président Macky Sall le fait à chaque Magal», a-t-il déclaré.
Le porte-parolat
Poursuivant, la voix de Touba a rappelé à l’assistance : «nos relations ne datent pas d’aujourd’hui. Je l’ai connu depuis qu’il était Directeur de Petrosen», a précisé le marabout. Selon lui, Macky Sall fait désormais partie de la famille. Cette relation, a-t-il dit, «a permis que nous échangions régulièrement et qu’il sollicite souvent mon avis sur différents sujets».
Il a également tenu à clarifier certaines rumeurs évoquant un supposé différend avec l’ancien chef de l’État. «Les gens ont beaucoup parlé sans rien comprendre. Certains disaient à Macky Sall que c’est Me Wade qui a plaidé pour que je devienne porte-parole. Ils l’ont même encouragé à me combattre, car selon eux, j’étais un pion de Me Wade. Je connais tous ceux qui soutenaient ces propos, mais cela ne m’intéresse pas. Ce sont des détails. Seul Serigne Touba compte pour moi», a-t-il affirmé.
Des relations tendues à une époque
Serigne Bass Abdou Khadre est également revenu sur une période de tension : «quand Serigne Sidy Moctar était Khalife, nous sommes restés un an et demi sans nous voir, malgré plusieurs tentatives de sa part que j’ai déclinées. Il pensait que j’étais contre lui. C’est ainsi qu’il a demandé au marabout de me donner le ndigël pour que j’aille le voir et recoller les morceaux», a-t-il expliqué.
En réponse à une demande du président Macky Sall, le porte-parole de Touba soutient : «je lui ai dit, devant le marabout, que la place que j’occupe est le fruit de la volonté divine et de Serigne Touba. Je ne ferai rien sans l’onction du Khalife général. Et le marabout lui a précisé que c’était lui-même qui m’avait ordonné de ne pas donner suite à ses demandes».
Le coup de froid entre Macky et Touba suite aux arrestations de Cheikh Béthio Thioune et Karim Wade
Selon lui, Macky Sall s’est retrouvé dans une position inconfortable après l’incarcération de Cheikh Béthio Thioune et de Karim Wade, ce qui a refroidi ses relations avec Touba. «Lorsqu’il a été élu, Macky Sall a compris les réalités du pouvoir. Un jour, en présence de témoins comme Serigne Same Ibn Serigne Sidy Moctar, Cheikh Bara Maty Lèye et le défunt Serigne Cheikh Bara, je l’ai exhorté à faire libérer Cheikh Béthio et Karim Wade. Je lui ai expliqué que tant qu’ils resteraient en prison, il ne pourrait pas être en odeur de sainteté avec les disciples mourides. Il m’a répondu que c’était du ressort d’une justice indépendante, car c’était une demande sociale. Je lui ai alors dit que le jour où il a incarcéré Karim Wade, il nuirait à ses relations avec le Khalife général des Mourides. Malheureusement, il l’a fait», a rappelé le marabout.
L’implication de Touba dans l’apaisement de la crise du 23 juin 2011
Poursuivant ses explications sur les relations entre le pouvoir et Touba, Serigne Bass Abdou Khadre a évoqué un épisode marquant : le dossier du «quart bloquant». «J’ai été au cœur des discussions entre l’opposition et le pouvoir. Je me souviens des émeutes du 23 juin 2011 : Idrissa Seck est venu me voir et, pendant nos discussions, Macky m’a envoyé un message pour me demander de clarifier ma position, car il y avait des rumeurs selon lesquelles j’étais dans le camp de Me Wade. Le lendemain, en route pour Touba, les émeutes ont éclaté. Serigne Sidy Moctar Mbacké m’a dépêché pour transmettre un message au président Wade : il lui demandait d’arrêter la procédure du quart bloquant», a-t-il révélé.
Il est aussi revenu sur les coulisses de cette médiation. «Avant de faire la déclaration que m’avait demandée le marabout, Me Wade m’a convoqué. Je lui ai transmis le message du marabout, qui lui disait qu’il fallait consulter l’opposition, car il avait appris la nouvelle par la radio, ce qui ne lui avait pas plu. C’est alors qu’il a appelé, devant moi, le ministre de l’Intérieur, porteur du projet à l’Assemblée nationale, pour lui demander de retirer le texte. Au départ, le ministre voulait forcer le passage car il ne restait que le vote. Je lui ai moi aussi parlé pour lui transmettre le message du Khalife. Il a fallu douze minutes de discussion pour le convaincre de retirer le projet», s’est souvenu le marabout.
BMS