Hier, comme en première instance, il y avait plein d’incidents lors du procès en appel du maire Khalifa Sall et ses coaccusés. Ce qui montre déjà que cela ne sera pas facile pour le juge Demba Kandji et les avocats de l’Etat du Sénégal. Prise de bec entre le juge Kandji et Me Ousseynou Fall de la défense, qu’il a traité de tête de Turc, huées contre Me Ousmane Sèye et applaudissements nourris envers Me Ciré Clédor Ly, la tension était à son summum.
Hier, 9 juillet, au 2e jour du procès en appel de Khalifa Sall, comme à l’accoutumée, les sympathisants du maire de Dakar, venus de divers horizons, se sont rués au tribunal de Dakar. Cependant, la sécurité était là pour veiller au grain. Il y avait un impressionnant dispositif sécuritaire aux alentours, ainsi qu’aux différentes entrées du temple de Thémis. Toute personne qui veut accéder aux lieux est systématiquement fouillée.
Et comme ils l’avaient promis, les proches de Khalifa Sall se sont mobilisés en masse. La salle 4 du tribunal, malgré sa taille, était trop petite pour absorber tout le monde venu prêter main forte à Khalifa Sall et Cie. Beaucoup de partisans du maire n’ont pu accéder à la salle, faute de places.
Tout de même, ils étaient déterminés à suivre de près le procès, même s’ils n’avaient pas accès à la salle. Avec différentes mélopées, dans une ambiance rythmée, ils galvanisaient le maire socialiste de Dakar ainsi que ses coinculpés, dans l’espoir qu’ils allaient recouvrer la liberté.
Khalifa Sall et Cie accueillis par des applaudissements, des cris et des chants
C’est dans cette ambiance et cette salle pleine que Khalifa Sall et ses coinculpés se sont présentés dans le box des accusés, vers les coups de 8h45mn, pour faire face au juge Demba Kandji. Accueil chaleureux, avec des applaudissements, des cris et des chants, ses inconditionnels tendant les bras pour le saluer, disant : «Khalifa kuko jugé xiir bi dalay dal», «Khalifa tay lay gnibi par force», «Khalifa moy bété-bété, moy capitaine». Ils dansaient, heureux, comme s’ils étaient dans un meeting et criaient : «Khalifa Président».
Vers 9h30mn, le juge Demba Kandji franchit le seuil de la salle, s’installe et procède à l’appel nominatif des prévenus Khalifa Sall, Mbaye Touré, Mamadou Oumar Bocoum, Ibrahima Touré, Fatou Traoré, Ibrahima Yatma Diaw et Yaya Bodian, pour qu’ils se présentent à la barre. Demba Kandji leur notifie les chefs d’inculpations qui leur sont reprochés.
Il avise alors l’ensemble des concernés par cette procédure qu’il a reçu une requête de la part de Me Doudou Ndoye et informe aussi que deux (2) avocats se sont constitués pour le compte de l’Etat et pour la défense.
Demba Kandji à Me Ousseynou Fall : «je vous connais…»
Mais dès l’entame des débats, le procès enregistre ses premiers incidents. C’est Me Ousseynou Fall qui ouvre les hostilités.
Tout a commencé lorsque le président de la Cour Demba Kandji lui a refusé ainsi qu’à ses confrères de soulever des exceptions, avant la notification des charges aux prévenus. «Je vous connais Me Ousseynou Fall. Je vous prie de quitter la barre. Vous aurez largement le temps avec vos confrères de soulever des exceptions. Je vais d’abord notifier les préventions aux prévenus», a fait savoir le juge Demba Kandji.
Me Ousseynou Fall rétorque : «vous êtes impartial, vous n’avez pas votre place ici»
Me Fall de rétorquer : «Comment pouvez-vous me dire que vous me connaissez. Ça veut dire que vous avez des préjugés à mon endroit. Vous n’êtes pas impartial. Vous n’avez pas votre place ici. Il faut nous laisser soulever nos exceptions, conformément à la loi, avant la notification des préventions», a pesté la robe noire, qui était dans une colère noire. Demba Kandji de poursuivre : «Donc, je ne vous connais pas maître. On ne doit pas envoyer des têtes de Turc au Tribunal». Ousseynou Fall de lui répliquer : «Je ne vous connais pas non plus».
Demba Kandji : «Dans mon dossier, il n’y a pas de Cedeao. Rien ne me dit qu’il y a un dossier de la Cedeao. Ce qui n’est pas mon dossier d’ailleurs»
Les altercations ont continué car, l’arrêt qui a été rendu par la Cedeao et qui a été évoqué par les conseils de la défense, a fait sortir Demba Kandji de ses gonds. Les avocats de la défense et de la ville de Dakar ont estimé que le juge devrait ajourner l’audience jusqu’à ce qu’ils l’obtiennent. Ce que le président n’a pas voulu entendre, demandant que les débats se poursuivent. Sur ce, il a martelé : «la Cour ne peut pas se prêter à des considérations. Dans mon dossier, il n’y a pas de Cedeao et je ne suis pas la Cedeao. Rien ne me dit qu’il y a un dossier de la Cedeao. Ce qui n’est pas mon dossier d’ailleurs. Je ne peux pas m’en instruire. Arrêtez de me faire le procès du diable. Je ne suis pas coupable. Je suis dans l’ambiance du dossier que j’ai par-devers moi. Il n’est en aucun moment noté dans le dossier la Cedeao», a fait savoir le magistrat sur un ton ferme.
Me Ousmane Sèye copieusement hué
Hormis l’ambiance très tendue de la salle d’audience, les sympathisants de Khalifa Sall se sont prêtés à un autre jeu, lorsque l’audience a été suspendue vers les coups de 14h30mn. Dans le hall du tribunal, après que Me Ousmane Sèye a fini son entretien face à la presse, il a été copieusement hué par les proches de Khalifa Sall. La robe noire a pris congé sans piper mot. Contrairement à Me Ciré Clédor Ly, qui a été accueilli par des applaudissements de l’assistance, lorsqu’il était dans le hall et dans la salle d’audience.
Fatou D. DIONE
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