Le procès en appel de Khalifa Sall qui ne cesse de drainer foule est toujours émaillé d’incidents. Après ceux de la veille, ils ont repris de plus belle, hier, mardi, dans une salle en effervescence. Me Yérim Thiam, qui a traité de menteur le conseil de Khalifa Sall Me Alain Jakubowicz, a eu avec ce dernier des échanges houleux. Il en a été de même avec Me Ousseynou Fall qui a déversé sa bile sur le président Demba Kandji, lequel a qualifié son comportement d’indiscipline.
Vers les coups de 9 heures déjà, Me El Hadji Diouf commençait à assurer le show. S’exprimant à haute voix, il explique que le président n’était pas encore présent dans la salle et que par conséquent, il n’était pas interdit de manifester sa gaieté. Me El Hadj Diouf défendait ainsi l’assistance à qui les gendarmes avaient interdit de chanter et de crier. A 10h passées de quelques minutes, le juge Demba Kandji et ses assesseurs franchissent le seuil de la salle 4. Dès qu’il a pris place, le président de la Cour d’appel met en garde les inconditionnels de Khalifa SallL. Il leur exige de calmer leurs ardeurs à la suite des incidents de la veille. «Je demande au public de garder son calme et sa position silencieuse. Sa présence est nécessaire, mais elle n’est pas indispensable. Et je n’hésiterai pas à utiliser la force de police pour agir. Je n’ai pas besoin de savoir qui est dans quel camp. J’ai horreur de recourir à mes pouvoirs de police», a avisé Demba Kandji.
Me El Mamadou Ndiaye demande le renvoi du procès, le juge dit niet
Juste après ces mises en garde aux allures de menaces, Demba Kandji rejette les exceptions d’incompétence et de litispendance que la défense avait évoquées. Il annonce la constitution de l’avocat français Me Thomas Amico pour le compte de l’Etat du Sénégal puis demande aux avocats de faire leurs observations. Sans attendre, Me El Mamadou Ndiaye demande le renvoi du procès pour la production de l’arrêt de la Cedeao. Mais, le juge a dit niet, soutenant que la Cour a rendu sa décision. Me Alain Jakubowicz prend la parole et s’indigne du comportement du juge qui avait expulsé tout le monde la veille. «Nous avons constaté que les confrères de la défense ont déserté la salle après que vous avez vidé la salle. La défense n’a pas quitté le procès. Et je n’imaginais pas que vous alliez rendre la décision sans la présence des avocats», a précisé Me Jakubowicz. Qui poursuivit : «et c’était une réaction de cœur après votre décision. Ils ont quitté la salle avec douleur après votre décision. Je m’étonne que les confrères de la partie civile aient laissé faire ça. Que vous ayez rendu cette décision, qu’un aspect aussi essentiel du procès puisse être évacué ainsi, en violation des droits de la défense», a-t-il dénoncé.
Me Yérim Thiam et Me Alain Jakubowicz se chamaillent à la barre, Demba Kandji recadre Me Thiam
Me Spiner, constitué pour l’Etat du Sénégal de s’indigner, de rétorquer : «J’ai vu des gens applaudir avant que vous ne commenciez. Il y a une liberté totale qui règne dans cette salle. Je suis très étonné du fait que des avocats viennent accompagner des gens qui ont contesté une décision. Contrairement à ce que dit mon confrère, les avocats n’ont pas d’excuses. La courtoisie voudrait qu’ils soient à la barre pour expliquer leur décision», a exigé l’avocat. A sa suite, Me Yérim Thiam d’attaquer en ouvrant lui aussi les hostilités : «J’aimerais rectifier une contrevérité lorsqu’il dit que ceux qui étaient dans la salle sont expulsés. C’est faux, car vous avez ordonné l’évacuation de la salle après», a précisé Me Thiam. Son confrère Me Alain Jakubowicz de rétorquer : «Ne me traitez pas de menteur !», crie-t-il en se dirigeant vers Me Thiam, qui se tenait face au prétoire. «Je vous ai déjà traité de menteur. Et je ne voudrais pas le répéter», réplique Me Yérim Thiam, avant que Me Jakubowicz ne revienne à la charge. «C’est vous le menteur ! C’est vous le menteur ! Et si vous le répétez, vous allez le regretter !», a-t-il assuré. Le juge Demba Kandji entre alors dans la danse pour remettre de l’ordre. «Je demanderais au bâtonnier Me Thiam de mesurer ces propos. Et cela m’étonne venant de vous M. le bâtonnier», a déploré le président Demba Kandji.
Bagarre évitée de justesse entre partisans de Khalifa Sall et jeunesses républicaines
L’audience suspendue à cause de cet incident, un autre s’en est suivi dans la salle. Certains partisans de Khalifa Sall ont eu une altercation avec des jeunes du Mouvement des élèves et étudiants républicains (Meer), qui étaient présents et qui soutenaient que l’argent «volé» est le leur. N’eut été l’intervention des forces de l’ordre, la situation allait virer au chaos.
Me Ousseynou Fall à Demba Kandji : «Face à l’argent, face aux pouvoirs publics, vous devez ressusciter votre loyauté que vous avez apprise, le pacte que vous avez fait en prêtant serment»
Après Mes François Sarr et Amadou Aly Kane qui se sont prononcés sur l’arrêt, le juge a réitéré qu’il est dans la logique du jugement qui a été rendu en première instance. Comme il l’a fait à l’audience du lundi, Me Ousseynou Fall s’est de nouveau attaqué au juge. «‘’Ludul Yalla neen la’’. M. le Président, vous n’avez pas le droit de dire que vous n’avez pas ce jugement. Cette procédure initiée par l’exécutif est mal initiée et le Procureur général le sait. M. le Procureur général, je vous regarde dans les yeux, vous avez commis des turpitudes. Et si vous les commettez, nous les avocats, nous ne le cautionnerons pas. Et moi Ousseynou Fall, je ne le cautionnerais pas. Nous ne tolérerons qu’aucun avocat de la défense nous injurie. En tout cas, personnellement, je ne le tolérerai pas. Si le Procureur général a un calendrier qui lui est dicté par le pouvoir, nous ne cautionnerons pas cela. Face à l’argent, face aux pouvoirs publics, vous devez ressusciter votre loyauté que vous avez apprise, le pacte que vous avez fait en prêtant serment. Rendez la justice au peuple sénégalais en ressuscitant ce serment. Ce ne sont pas des menaces. Et lorsqu’on commet des forfaitures, c’est un crime», a pesté Me Ousseynou Fall.
Réplique de Demba Kandji : «La Cour vient d’entendre des choses innommables. Cette attitude pleine d’indiscipline doit être cadrée. Ce discours est discourtois»
Demba Kandji, qui l’a religieusement écouté, l’a violemment savonné. «La Cour vient d’entendre des choses innommables. Cette attitude pleine d’indiscipline doit être cadrée. J’aimerais voir l’Ordre des avocats ! Où est Me Ndiéguène ? Je n’aimerais pas user de mes pouvoirs. Ce discours est discourtois et je le regrette», a fait savoir le président à qui Me Ousseynou Fall a fait savoir qu’il plaidait son dossier.
Me Ndiéguène, au nom de l’Ordre des avocats, se rapproche de la barre et lâche ses vérités : «L’Ordre des avocats n’acceptera pas que des avocats manquent de respect à d’autres. Nous ne tolérerons aucun manque de respect. Et les avocats de part et d’autre peuvent compter sur nous. Tout manquement de part et d’autre ne sera pas laissé sans sanction».
Malgré ces échanges houleux, Demba Kandji et Me Ousseynou Fall ont fini par enterrer la hache de guerre. Comme si ce n’était pas eux qui s’étripaient, ils se mettent à rire et à se taquiner. Ainsi, lorsqu’il a repris la parole, Me Fall a dit : «M. le Président, si vous vous êtes senti offensé par mes propos, je vous demande de m’excuser. Je me suis laissé emporter par ma passion», et le juge de lui rétorquer que la Cour ne s’est pas sentie offensée.
Fatou D. DIONE
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