Libass Mbaye, 31 ans, informaticien et sa supérieure Marie Madeleine Camara ont soldé leurs comptes hier devant le juge des flagrants délits de Dakar. Libass Mbaye est accusé d’avoir, depuis le compte Gmail de la directrice commerciale de la société Fideo Holding, Marie Madeleine Camara, envoyé les photos de cette dernière nue au patron de ladite boîte ainsi qu'à d'autres clients. Il comparaissait pour accès frauduleux dans un système informatique, collecte illicite et diffusion d’images obscènes. Délibéré demain.
C’est une rocambolesque affaire de mœurs qui a été appelée et jugée devant la barre des flagrants délits de Dakar hier. Mais cette affaire est différente de celle qui oppose des amants qu'on a l'habitude de voir. Car, c'est une histoire entre un informaticien, Libass Mbaye et sa supérieure, la directrice commerciale de l'entreprise Fideo Holding. Mère d'une fillette de 6 ans, la dame avait envoyé, en 2018, à son copain qui se trouve aux Usa, des photos d’elle, nue. Hélas pour elle, deux ans plus tard, ces images obscènes ont atterri sous le regard du grand public. Ainsi, le directeur de la boîte et beaucoup de clients ont reçu les clichés de Marie Madeleine Camara nue, qui ont été envoyés depuis l’adresse IP de sa machine ainsi que de son e-mail.
Marie Madeleine Camara charge le prévenu
Informée de la publication de ses clichés, la victime a pointé du doigt l'informaticien Libass Mbaye comme étant l’auteur de ce dénigrement. Suite à une plainte, ce dernier a été attrait hier devant le juge des flagrants délits de Dakar pour accès frauduleux dans un système informatique, collecte illicite et diffusion d'images à caractère obscène. Ainsi, la plaignante Marie Madeleine Camara a maintenu ses accusations contre Libass Mbaye. «Je travaille comme directrice dans l'entreprise Fideo Holding. A ce titre, je suis chargée de faire un rapport sur les tâches des employés que j'envoie à mes supérieurs. Dans mon rapport, j'ai dit à mes supérieurs que Libass Mbaye et Christ Michel Sy me retardaient dans le travail. C'est ainsi que le 14 avril dernier, j'ai reçu par message des menaces de sa part. Et dans ses menaces, il m'a fait savoir qu'il avait accès à toutes nos données personnelles. Pire, lors d'une discussion qu'il a eue avec ma collègue Oumy Kalsoum Sy, il lui avait révélé qu'il l'avait vue en train de visionner un film pornographique à une heure du matin. Il avait même décrit à cette dernière ce qu'elle portait ce soir-là», déclare la directrice, qui poursuit : «quand il m'a envoyé un message whatsApp, je n'ai pas réagi, mais j'ai transféré ça à mon patron. Le 15 avril que mon compte Gmail a été piraté. Et à ce moment précis Yannick Tall et d'autres collègues étaient au bureau et non Libass. Le lendemain, mon boss m'a appelée et confié qu'il a reçu des photos de moi nue envoyées à partir de mon e-mail. Et d'autres parmi mes clients ont aussi reçu mes photos où j'étais à moitié nue. J'ai la certitude que c'est lui qui a publié mes photos parce qu'il a eu à m'assister à distance à plusieurs reprises. C'est lui qui me donnait les mots de passe de nos e-mails qu'il configurait lui seul», a narré Marie Madeleine Camara, qui soutient que les clichés obscènes étaient stockés dans son téléphone. «J'ai téléchargé l'application WhatsApp sur ma machine professionnelle que j'ai synchronisé avec mon portable. C'est la raison pour laquelle si quelqu'un accède à ma machine, il a toutes les photos et vidéos qui se trouvent dans mon portable. Je confirme que j'avais envoyé mes photos il y a de cela 2 ans à mon copain qui se trouvait aux Usa», dit-elle.
Pape Alassane Fall, le prévenu, dément tout
Célibataire sans enfant, Libass Mbaye a contesté ces accusations. «C'est ma supérieure mais ce n'est pas vrai si elle dit que j'ai accusé du retard sur les projets sur lesquels je travaille. A part le message WhatsApp que je lui ai envoyé pour lui demander qu'on fasse la paix afin qu'elle me laisse travailler en toute quiétude, je ne lui ai rien envoyé d'autre. Et j'ai fait cela parce qu'elle m'a envoyé 3 demandes d'explication en moins d'un mois sans aucun motif valable. Je ne l'ai jamais menacée, je voulais juste qu'on travaille dans le calme», dit-il. Avant d'ajouter : «c'est mon boss Christ qui m'avait appelé pour me demander si j'avais vu son message. Elle m'a confié que c'était Madeleine et qu'elle avait envoyé les photos à 100 personnes. C'est elle qui a envoyé ses photos obscènes à ses collègues et à son boss, le directeur de la boîte. Parce qu'elle voulait juste me faire porter le chapeau. Je n'ai jamais touché sa machine», s'est défendu le prévenu à qui le procureur a fait savoir que 10 photos obscènes de la directrice ont été envoyées à des clients de la boîte.
Le prévenu «lavé» par le consultant
Entendu en qualité de témoin, Pape Alassane Fall, sous-traitant dans ladite boîte, a disculpé Libass Mbaye au regard de ses explications techniques. «J'interviens en tant que consultant externe. C'est moi qui ai mis en place le système de mailing. Lorsqu'on m'a interpellé en m'expliquant qu'il y avait un mail qui a été envoyé, j'ai fait la capture pour savoir d'où il a été envoyé. Et après avoir inspecté le serveur mail, il s'est avéré que le mail a été envoyé à partir du compte de Madeleine, depuis les bureaux de Fideo Holding. Juste après l'envoi du premier message, j'avais donné un signal à tous les travailleurs de la boîte de changer de mot de passe, y compris Madeleine qui a confirmé avoir changé le sien. J'avais retiré Libass en tant qu'administrateur sur le système et il ne pouvait donc plus y accéder», a-t-il indiqué.
La partie civile réclame 20 millions FCfa
Constitué pour défendre les intérêts de Madeleine Camara, Me Cheikh Sy, qui est convaincu de la culpabilité du mis en cause, de répéter mot pour mot les déclarations supposées du prévenu qui l'incriminent. «Je connais tout sur Fideo Holding et sur les gens de Fideo. Dès s’ils se connectent, j'accède à toutes leurs données. La preuve, lorsque Oumou Kalsoum Ba a voulu se mesurer à moi, je lui ai dit le film pornographique qu'elle regardait la nuit à 1h du matin ainsi que la couleur des habits qu'elle portait. La machine de mon collègue Vieux me servait de poste de piratage», avait-il envoyé à la directrice. Et pour toutes causes de préjudice confondues, Me Sy a réclamé 20 millions.
Le procureur pas convaincu de la culpabilité du prévenu
Faisant ses réquisitions, le procureur de la République a requis la relaxe au bénéfice du doute du prévenu. Pour le représentant de la société, il n'y a aucune certitude que c'est lui qui a envoyé les photos obscènes de la victime. Mes Djibril Diagne et Abdoulaye Tall de la défense ont abondé dans le même sens. «Si ce n'était pas l'expert, Pape Alassane Fall, Libass serait l'agneau du sacrifice alors qu'il a toujours nié les faits. Il n'y a aucun élément de rattachement par rapport à ce message et aux photos. Est-ce qu'elle n'a pas envoyé ses photos par inadvertance ? Il a fait 3 demandes d'explication en l’intervalle d'un mois sans raison valable parce qu'elle voulait sa propre équipe. C'est son licenciement qu'on veut. On veut se débarrasser de lui. Même sa relaxe au bénéfice va compromettre sa carrière. Il a une dignité à préserver, car il ne doit pas être l'agneau du sacrifice. Si vous estimez mettre cette affaire en délibéré, il faut lui accorder la liberté provisoire parce qu'on cherche à le maintenir en prison», a fait observer Me Tall, avant que le tribunal ne rejette ladite demande formulée et fixe le délibéré à demain, mercredi 6 mai 2020.
Fatou D. DIONE
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
