
La prison du Camp pénal de Liberté 6 a vécu une chaude matinée hier. Les détenus se sont rebellés contre les mâtons. A l’origine, une fouille de chambre qui aurait mal tourné.
L’incident est parti de la chambre 10 où les mâtons étaient de passage pour un contrôle de routine. Malheureusement, ce vendredi matin, les détenus se sont rebellés contre eux. Ils ont été poussés à bout, dit-on.Il s’ensuivit une vive altercation entre matons et détenus. «Eau chaude versée sur eux, tirs de grenades lacrymogènes, électricité coupée. La mutinerie a duré plusieurs heures», précise le communiqué transmis par l'Association de soutien et de réinsertion des détenus (Asred) pour manifester dans la foulée sa colère noire. D’après l’Asred qui donne des détails, «il y a plusieurs blessés parmi les prisonniers. D’ailleurs, les prisonniers du Camp pénal ont même entamé une grève de la faim pour protester contre la violence qui s'abat sur eux», indique l’Asred dans un communiqué cosigné avec le Frapp.
L’Administration pénitentiaire dément et précise
Information démentie par l’Administration pénitentiaire. «Après une fouille de routine faite ce jour au Camp pénal de Liberté 6 sans aucun incident, des détenus s’en sont pris à un de leur codétenu qu’ils soupçonnent d’être un informateur. A la suite de cela, ils ont été dispersés et le calme est revenu», a commencé par expliquer l’administration pénitentiaire. Qui ajoute que «les fouilles régulières font partie de la procédure de sécurisation des lieux de détention. Ce, pour empêcher l’utilisation de produits interdits ou dangereux comme les armes, les téléphones portables et la drogue. L’incident a vite été maîtrisé et aucun acte de maltraitance n’a été pratiqué et aucun blessé n’est à déplorer», a démenti le Colonel Bocandé.
Mais l’Inspecteur régional de l’administration pénitentiaire de Dakar (Irap) Mbaye Sarr, lui, dit que des grenades lacrymogènes ont été utilisées pour disperser les rassemblements. «Les détenus ont soupçonné un des détenus d’être la taupe des mâtons. Malheureusement pour lui, ils s’en sont attaqués à lui. Et comme la loi de la prison nous permet de disperser les rassemblements, nous avons utilisé les grenades lacrymogènes pour disperser la foule. Il y a eu trois blessés au total qui ont été soignés et le calme est revenu et les détenus sont retournés dans leur chambre» précise l’inspecteur Mbaye Sarr.
L’Asred et Frapp France Dégage reviennent à la charge
Quelques heures plus tard, l’Asred et Frapp France Dégage ont sorti un autre communiqué sur les conséquences de la mutinerie. «Plus de 35 prisonniers ont été mis en cellule d'isolement pour casser leur résistance face aux tracasseries et brimades quotidiennes qu'ils subissent», ont regretté ces derniers. «Des gardes ont versé l'eau à des prisonniers, douchant même les prisonniers avec le liquide précieux. Le Frapp, le Collectif pour la justice et contre les violences policières et les familles de détenus dénoncent les tortures verbales, physiques que certains gardes exercent sur les prisonniers», lancent ces deux entités en ordre de bataille.
Frapp et l’Asred s’en sont aussi pris à l’administration pénitentiaire. «Il est dommage que pour garder leur poste et par esprit vindicatif, l'administration pénitentiaire cache la vérité et refuse de reconnaitre la vérité. Le Frapp, le Collectif pour la justice et contre les violences policières et les familles de détenus demandent à l'Administration pénitentiaire de ramener le calme à la prison du Camp pénal. Un calme qui ne soit ni inhumain ni dégradant pour les prisonniers».
Les deux organisations ont demandé à l'Administration pénitentiaire de veiller à la sécurité des prisonniers et au respect de leurs droits et de mettre un terme aux brimades régulières dont sont victimes les prisonniers en général, ceux de la prison du Camp pénal en particulier». Guy Marius Sagna et Ibrahima Sall demandent aussi au personnel pénitentiaire de faire preuve d’humanisme à l'égard des détenus qui sont en situation de faiblesse. La situation est très difficile pour certains qui purgent de longues peines et qui n'ont plus de visite, ont-ils conclu.
Baye Modou SARR