Le président du Snbtp, Abdel Kader Ndiaye, est d’avis que la filière Btp éprouve de sérieuses difficultés d’accès à la commande publique. Et il en veut pour preuve les 70% des marchés en valeur qui échappent au secteur privé national. Revenant sur les volumes cumulés d’investissements du secteur et l’endettement du Sénégal, il indique que le secteur du Btp s’abstient de jubiler vis à vis des politiques et stratégies souverainistes de développement.
L’Autorité de régulation de la commande publique (Arcop) a organisé un atelier sur « la compétitivité du secteur privé : l’accès des Btp à la commande publique » en présence du ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens et des professionnels du secteur. Dans son discours, le président du Syndicat national des entreprises du bâtiment et des travaux publics du Sénégal (Snbtp), Abdel Kader Ndiaye, s’est félicité des progrès capitalisés par notre pays en matière de commande publique, notamment sur le plan institutionnel et juridique. Ce qui est loin d’être le cas sur le plan économique. « Sur le plan économique et surtout celui de la promotion du secteur privé national, le vécu des acteurs de la chaîne de valeur interroge les résultats et nous interpelle sur l’impact réel des volumes cumulés d’investissements (22.200 milliards en six ans), soit 2500 à 3000 milliards/an et de l’endettement (+ de 110% du Pib) sur nos entreprises, nos ménages, bref sur la croissance endogène. Face à ces mannes financières, le secteur du Btp s’abstient de jubiler vis à vis des politiques et stratégies souverainistes de développement, dont les socles reposent sur le patriotisme économique et la préférence nationale », déclare le syndicaliste qui précise, dans la foulée, que la filière éprouve de sérieuses difficultés d’accès à la commande publique.
Le secteur du Btp éprouve de sérieuses difficultés d’accès à la commande publique
Ces difficultés, indique-t-il, sont liées à la conjonction de plusieurs facteurs : « déséquilibre dans le portefeuille 70% des marchés en valeur échappent au secteur privé national à cause de certaines barrières injustes fixées arbitrairement à l’entrée, par des donneurs d’ordre pour éliminer les entreprises locales (…) ; absence de dispositif de qualification et de classification des entreprises de travaux. N’importe qui soumissionne dans les appels d’offres, alors que concernant les marchés de travaux, les dispositions du code des marchés sont précises, en ses articles 43 et 46 (…) ; faiblesse de la régulation dans l’exécution des contrats (…) ; faiblesses dans la planification, dans les cahiers de charges au niveau de l’expression des besoins et la fixation des délais prévisionnels de passation et exécution des marchés ; les pressions/exécution des contrats, surtout financières en l’occurrence (…) ; la lourdeur des procédures de sélections et de contrôles a priori et a posteriori sur les plans administratif, juridique et financier ; absence de représentants du secteur privé dans les commissions de marché, à titre consultatif ; absence de dispositif d’évaluation périodique de la commande publique impliquant toutes les parties prenantes ; absence de régulation du dispositif général d’assainissement dans le secteur de la construction, qui représente 70% de la commande publique : La reconnaissance et l’érection de l’ordre des ingénieurs (…) ; la non-appropriation des textes techniques tels que le code de la construction et le code de l’urbanisme ; etc. », égrène Abdel Kader Ndiaye qui constate avec ses pairs que le développement de la filière s’est plombé, mais ses opérateurs, dit-il, sont restés résilients.
Le Btp, c’est entre 6 et 7% du Pib et 200.000 emplois direct
Il n’a cependant pas manqué de rappeler le rôle essentiel de cette filière dans l’économie du pays. « Le Btp, secteur dynamique à bonnes progressions, fleuron et moteur de l’économie nationale, a toujours été un contributeur appréciable de notre Pib (6 à 7%) et un grand pourvoyeur d’emplois (200.000 emplois directs, 600.000 emplois si nous intégrons les emplois non déclarés). Il reste parmi les piliers de l’économie nationale », fait-il remarquer. Le syndicaliste a, en outre, exposé des pistes de solution pour améliorer l’accès des entreprises Btp à la commande publique. A cet effet, il appelle à corriger le déséquilibre sur le portefeuille de la commande publique en inversant la tendance au profit du secteur privé national face à une concurrence extérieure qui est en train de miner le secteur Btp et l’économie nationale ; participer activement à l’assainissement de la filière en acco6mpagnant la mise en place des dispositifs de qualification, de classification et l’érection de leurs organes opérationnels, dans le cadre d’une démarche inclusive ; réguler les délais contractuels de paiement à défaut, préconiser des solutions alternatives de paiement en concertation avec tous les acteurs ; alléger les procédures administratives de passation et soulager la pression financière sur les entreprises adjudicataires ; honorer la mission de régulation au niveau de l’exécution des marchés ; engager les réformes pour améliorer la planification des marchés et l’expression des besoins et délais fiables auprès des autorités contractantes ; accompagner la relance de l’économie nationale ; appuyer la création et la mise en place d’un fonds d’investissement dédié pour faciliter l’accès au financement des entreprises nationales. Ce fonds (Exim Sénégal) sera alimenté à partir de nos ressources tirées du pétrole et du gaz.
M. CISS
YANKHOBA DIEME, MINISTRE DES INFRASTRUCTURES, DES TRANSPORTS TERRESTRES ET AERIENS
« Nous ne pouvons pas construire ce pays sans la relance du Btp »
Venu présider l’atelier sur l’accès des Btp à la commande publique, Yankhoba Diémé a révélé l’option du gouvernement de faire du secteur privé un levier incontournable. « Au nom du gouvernement qui est conscient de la place des Btp dans l’économie nationale, 30% de la commande publique, 4% du Pib ; nous ne pouvons pas construire ce pays sans la relance des Btp », reconnaît le ministre qui rappelle également que le gouvernement est conscient de l’ardoise qu’il doit et des difficultés des entreprises du Btp. Et c’est pour rassurer le secteur qu’il indique que ce sont des difficultés surmontables si les acteurs avec le gouvernement continuent le dialogue qu’ils ont engagé. Poursuivant, il a milité pour l’assainissement du secteur du Btp. « Nous ne pouvons pas nous enfermer, la souveraineté ce n’est pas de l’ostracisme. Mais, il faut assainir le secteur pour savoir qui doit souscrire. Autrement, l’impression que nous avons, c’est qu’il y a parfois plus d’intermédiaires non qualifiés qui souscrivent et qui gagnent des marchés au niveau national. Il faut assainir pour que chacun puisse retrouver la part qui lui est due par le mérite », ajoute le ministre.
M.C
MOUSTAPHA DJITTE, DG DE L’ARCOP
« Il est temps d’engager une véritable endogénéisation de la commande publique pour un secteur privé local fort »
Pour sa part le Directeur général de l’Arcop, El Hadj Moustapha Djitté a livré la recette face à la percée des entreprises étrangères pour conquérir de nouveaux espaces économiques dans notre pays. « Si cette forte présence des entreprises étrangères reflète un dynamisme économique certain, il n’en demeure pas moins qu’elle conduit souvent à la création d’emplois précaires, à une croissance simplement anecdotique et surtout à une fragilisation du secteur privé local, contraint à rivaliser avec des majors soutenus par leur gouvernement. Sans chercher à refréner cette ardeur, il est temps d’engager une véritable endogénéisation de la commande publique en réussissant un repositionnement stratégique et intelligent du secteur privé national dans l’exécution de nos projets publics », préconise le patron de l’Arcop qui annonce que le droit sénégalais a consacré de nombreux mécanismes incitatifs destinés à promouvoir un accès confortable à la commande publique pour le secteur privé local. Il s’agit à l’en croire, de marges de préférence accordées aux entreprises étrangères suivant des taux variables dépendamment du niveau d’implication du secteur privé national programmé ; d’assouplissements de procédures pour récompenser des parts de marchés transférées à des opérateurs du secteur privé national dans le cadre d’une sous-traitance ; de réservations systématiques de parts sociales ou de projets ne dépassant pas un seuil fixé dans le cadre des Ppp ; etc. L’objectif, depuis son arrivée à la tête de l’Arcop est de créer, dit-il, par l’instrument de la commande publique, l’émergence d’un secteur privé local fort, capable de rivaliser avec les entreprises étrangères pour une création de richesses endogènes favorables à une génération d’emplois viables.
M. C













