À Rufisque, le collectif des ex-détenus du régime de Macky Sall a lancé un ultimatum virulent après la dernière marche du mouvement Rappel à l’ordre en soutien à la libération de prévenus financiers. Promettant de «répondre coup pour coup», les anciens détenus annoncent des contre-manifestations massives pour exiger le maintien en prison des « voleurs de la République » et défendent sans réserve leur leader, Ousmane Sonko.
Rufisque : la riposte organisée des ex-détenus
Réunis en conférence de presse à Rufisque, hier, plusieurs membres du collectif des ex-détenus ont exprimé leur indignation suite à la marche organisée récemment par le mouvement Rappel à l’ordre qui réclame la libération de certains responsables aujourd’hui en détention. Selon eux, il est inacceptable que des citoyens «sans âme» demandent la libération de «prédateurs» qui, disent-ils, ont pillé les deniers publics.
«Nous répondrons coup pour coup»
Ahmadou Fofana, chargé de communication du Moncap Keur Massar et membre du collectif, a positionné la stratégie : désormais, chaque demande d’autorisation de la part des organisateurs pro-libération sera systématiquement contrebalancée par une demande d’autorisation émanant des victimes pour exiger le maintien en prison des accusés. «La rue ne sera pas seulement celle des partisans de l’impunité, elle sera aussi celle des victimes qui réclament justice et vérité», a-t-il déclaré. D’autres intervenants ont abondé dans le même sens, promettant une mobilisation largement supérieure à celle de leurs adversaires.
Du vécu derrière la colère, récits d’injustice et blessure collective
Les prises de parole n’étaient pas que politiques, plusieurs ex-détenus ont évoqué leur vécu en prison constitué de «tortures, privations de soins, drames humains». Samsidine Sané a rappelé le refus, selon lui, des autorités de transférer des détenus malades à l’hôpital lors de leur incarcération ; Cheikh Ndiaye a accusé le régime sortant de violences et d’atteintes aux droits fondamentaux. Conséquence : ils ne demandent pas seulement justice, ils exigent que l’État ferme la porte à toute complaisance pour les mis en cause.
Sonko au centre du débat : loyauté et riposte
La défense d’Ousmane Sonko était omniprésente. Mohamed Diop a rappelé que Sonko s’était opposé par le passé aux détentions massives et que toute insulte visant l’ancien opposant ne resterait pas sans réponse. «Nous les devancerons une heure avant sur les lieux», a-t-il averti. Le vocabulaire de riposte (gatsa-gatsa) parcourt les discours et pose la question du risque d’escalade entre camps rivaux.
De la provocation à l’escalade, quel rôle pour l’Etat et les autorités locales ?
Le collectif a annoncé que, dès vendredi prochain, les huit pôles régionaux d’ex-détenus déposeront des demandes d’autorisation de manifestation aux mêmes lieux retenus par Rappel à l’ordre, afin de «réclamer le maintien en détention» des personnes mises en cause. Ils appellent aussi les médias publics à couvrir leurs actions au même titre que celles de l’opposition. Ces annonces posent une double question, celle du maintien de l’ordre public face à des mobilisations concurrentes et celle de l’impartialité réelle ou perçue des autorités chargées d’accorder les autorisations de manifester.
Une rue partagée ou une paix civile menacée ?
La conférence du collectif des ex-détenus à Rufisque est la photographie d’un point de rupture : des victimes, marquées par le souvenir de détentions et d’abus, refusent de laisser la rue à ceux qu’elles jugent responsables du pillage public. Leur stratégie de riposter par la mobilisation est claire, et les menaces d’affrontements sont explicites. L’État, les autorités locales et les organes de sécurité ont désormais la lourde responsabilité d’arbitrer entre libertés de manifester et protection de l’ordre public, tout en veillant à ce que la justice suive son cours, visible et équitable. Sans cela, la rue risque de devenir, pour longtemps, un champ de confrontation plutôt qu’un espace d’expression démocratique.
Baye Modou Sarr












