Cette présidentielle de 2024 marquera l’histoire politique du Sénégal, tant les rebondissements ont été nombreux et inattendus tout au long du processus électoral. Le successeur du président sortant qui ne se présente pas pourrait être connu à l’issue du scrutin de dimanche prochain. Les Sénégalais ont eu une dizaine de jours pour regarder, écouter et même analyser le programme des candidats. Mais tout porte à croire que ça va se jouer entre Amadou Bâ et Bassirou Diomaye Faye.
Le successeur du Président Macky Sall pourrait être connu dès demain soir, avec les premières tendances après la fermeture des bureaux de vote, en cas de victoire de l’un des 19 candidats en lice au premier tour. En tout cas, cette course à la présidentielle aura été la plus inédite que le Sénégal ait connue jusque-là avec tous les rebondissements qui l’ont marquée : d’abord la non participation du président sortant ; le nombre pléthorique de dossiers de candidature reçus par le Conseil constitutionnel qui est passé de 93 à 21 puis 20 et enfin 19 candidats retenus officiellement ; le report inattendu de la date de la présidentielle à quelques heures de l’ouverture de la campagne par le Président Macky Sall et tout le rififi autour de la nouvelle date pour l’élection avec le rôle que le Conseil constitutionnel a joué pour qu’elle se tienne avant la fin du mandat du Président Macky Sall.
Avec tout le chamboulement survenu suite au report, les candidats n’ont pu bénéficier que de 12 jours de campagne à la place des 21 initialement prévus par le code électoral. Ils les ont donc mis à profit, chacun à sa manière, pour convaincre les Sénégalais qu’il est le bon profil pour remplacer le Président Macky Sall. Si certains ont opté pour des caravanes en grande pompe ou encore des meetings de grande envergure, d’autres ont fait dans la sobriété avec des visites de proximité. Alors qui parmi les 19 candidats pour occuper le fauteuil présidentiel durant ces cinq prochaines années ? Et par quel schéma : premier ou second tour ?
Duel entre Amadou Ba et Bassirou Diomaye Faye
Quand on se base sur le développement de thèmes, mais aussi le poids des mobilisations, il ressort qu’un duel s’est vite posé entre Amadou Ba et Bassirou Diomaye Faye. Pour Amadou Ba, bien que choisi parmi tous les responsables de l’Apr qui avait manifesté leur désir d’être le candidat de Benno, ses rapports avec le Président Macky Sall sont devenus par la suite très complexes, ce qui lui a valu un manque de solidarité depuis sa désignation de la part de beaucoup de responsables de son parti et de sa coalition. Son nom cité dans l’affaire de l’élimination de Karim Wade par le Conseil constitutionnel avec tout le développement qui a suivi, n’a pas arrangé les choses. Même s’il a préféré ne pas faire de vagues, il a été complètement esseulé au début de sa campagne. Il a fallu que le Président Macky Sall décide de «prendre sur lui» et libère ses ministres et directeurs généraux pour qu’ils descendent enfin sur le terrain. Une décision qui a requinqué sa campagne avec des mobilisations monstrueuses. La machine de Benno remise en marche, Amadou Ba retrouve ses chances de passer au premier tour.
Bassirou Diomaye Faye, le plan B de Ousmane Sonko, s’est retrouvé dès le début avec une coalition XXL qui a continué à enregistrer les adhésions. Malgré son absence au début de la campagne à cause de son incarcération, ses alliés ont battu le record de la mobilisation lors de leur meeting d’ouverture et les caravanes. Sa libération et celle de Ousmane Sonko, le 14 mars, ont donné encore plus d’appoint à la campagne de la coalition Diomaye Président. Épaulé et guidé par son leader Ousmane Sonko, le candidat, qui est apparu durant ses deux premiers jours de campagne timide et hésitant, a pris son envol dès que son chemin s’est séparé de celui de Ousmane Sonko avec l’organisation de deux caravanes pour un meilleur maillage du territoire national. Le débat sur ses capacités à diriger le pays a commencé à se dissiper avec ses discours qui lèvent enfin un coin du voile sur son potentiel. Les foules qu’il draine dans les grandes agglomérations confirment l’engagement de la jeunesse pour le «projet». Leurs attaques, lui et Ousmane Sonko contre Amadou Ba, ont vite établi une dualité entre les deux candidats qui clament chacun une victoire dès le premier tour.
Khalifa Sall et Idrissa Seck : l’expérience et une base naturelle comme principaux atouts
On a aussi sur la liste Khalifa Sall, dont le combat pour sa participation à cette élection l’a séparé de ses anciens alliés de Yewwi Askan Wi. L’ancien maire de Dakar s’est évertué depuis lors avec son mouvement à fortifier sa base avec ses tournées «Motalli Yene» lors des parrainages, qu’il a presque perpétuées pendant cette campagne. Au lieu des bains de foule, le leader de Taxawu Sénégal a préféré les contacts directs avec la population. Des visites de proximité qui lui ont permis de livrer aux Sénégalais les grandes lignes de son programme, tout en espérant bénéficier de leur confiance le soir du 24 mars. Néanmoins, les chances de Khalifa Sall semblent s’être amoindries surtout que la coalition Diomaye va grignoter dans son électorat à Dakar qui est sa base naturelle.
Idrissa Seck a, lui, opté pour la simplicité. Resté aphone sur tous les rebondissements qui ont accompagné ce processus électoral, Idy n’a aussi déployé aucun grand moyen lors de cette campagne. À part un meeting au terrain Acapes, l’ancien allié du Président Macky Sall n’a vraiment pas fourni beaucoup d’efforts dans cette campagne, si ce ne sont quelques piques lancées contre Bassirou Diomaye Faye qu’il traite de stagiaire. Contrairement à 2019, quand il était le challenger malheureux du Président Macky Sall. On pourrait même se demander sur quelle base Idrissa Seck compte gagner cette élection, puisque c’est le but de tous les candidats.
Anta Babacar Ngom, la révélation
La seule candidate femme qui a réussi à «passer entre les mailles» du Conseil constitutionnel, Anta Babacar Ngom a marqué son entrée en politique avec cette élection présidentielle. En quelques mois d’existence, son mouvement Arc a réussi à s’implanter un peu partout dans le pays. C’est d’ailleurs ce qui explique son admission dès le premier tour à l’épreuve des parrainages. La campagne électorale lui a permis de marquer son empreinte, avec son discours axé sur la rupture. La dame, qui a déployé les moyens pour ratisser aussi large que possible, promet aux Sénégalais de rénover les pratiques des politiciens de métier qui nous ont gouvernés jusque-là. En tant qu’entrepreneur, la création de cinq millions d’emplois reste le point phare de son programme. Anta Babacar Ngom peut bénéficier de l’électorat féminin mais aussi des jeunes.
Pape Djibril Fall, le jeune ambitieux
Son parcours est plus atypique que celui de Anta Babacar Ngom. Le plus jeune des candidats à cette élection présidentielle ne draine certes pas de grandes foules à ses sorties, mais il affiche la confiance. Pape Djibril Fall, qui est parti seul avec son parti lors des dernières élections législatives, a réussi à avoir une place à l’hémicycle alors que personne ne s’y attendait vraiment. Il a décidé de retenter la même expérience avec la présidentielle. Pendant que des partis qui existent bien avant la deuxième alternance décident de se ranger dans des coalitions, Pape Djibril Fall va aller à l’assaut de voix des Sénégalais comme un grand. Tout comme Anta Babacar Ngom, il pourrait bénéficier pour sa première expérience du vote d’une partie de la jeunesse.
Boun Abdallah, Aly Ngouille Ndiaye, Mame Boye Diao, les frustrés de Benno
Ce lot d’anciens collaborateurs du Président Macky Sall, pensionnaires toujours de Benno Bokk Yakaar, se sont révoltés après que le Président Macky Sall a porté son choix sur Amadou Ba. Chacun d’eux a aussitôt constitué son équipe pour briguer les voix des Sénégalais.
Si Aly Ngouille Ndiaye et Mame Boye Diao se sont radicalisés au point d’intégrer des organisations de l’opposition durant le processus électoral, Mahammad Boun Abdallah Dionne a semblé garder une certaine proximité avec le Président Macky Sall. Ce qui lui a valu d’être «caricaturé» dès les premiers jours de plan B du patron de Benno Bokk Yakaar. Des rumeurs que son mandataire avait balayés d’un revers de main. Mais, pendant que le Président Macky Sall ruminait sa colère contre Amadou Ba, il aurait même envisagé d’apporter son soutien à Boun Abdallah Dionne. Malheureusement pour ce dernier, le vent a changé de direction et le Président Macky Sall a décrété que faire gagner Amadou Ba est «le moindre mal».
L’électorat des Moustarchidines, un pilier pour Aliou Mamadou Dia du Pur
Ses grands efforts déployés durant cette campagne lui permettront de consolider certainement son électorat déjà acquis. Bien qu’il ne soit pas très connu des Sénégalais, Aliou Mamadou Dia a la chance d’avoir un électorat bien solide parce que porté par Serigne Moustapha Sy, président du Pur et guide spirituel des Moustarchidines. Le candidat du Pur a en effet mené sa campagne avec l’appui constant du Dahira des Moustarchidines qui est sa base naturelle.
Déthié Fall, Malick Gakou, Boubacar Camara, Thierno Alassane Sall, Mamadou Lamine Diallo
Ce lot est constitué d’hommes politiques qui capitalisent une certaine expérience dans la politique. Mais ils ont pour la majeure partie d’entre eux toujours évolué dans des coalitions et alliances. Cette fois-ci, ils se jettent à l’eau pour récolter les fruits de leur propre travail.
Ndèye Khady D. FALL












