Les déclarations de l’ambassadrice de France au Sénégal sur le dossier d’extradition du journaliste Madiambal Diagne n’ont pas laissé les autorités sénégalaises indifférentes. Dans un communiqué officiel publié le 15 décembre 2025, le ministère de la Justice dénonce des propos «susceptibles de susciter une polémique» et réaffirme les fondements juridiques de la position de Dakar, dans un contexte de relations franco-sénégalaises traversées par de fortes turbulences institutionnelles et diplomatiques.
Tout est parti d’une séquence médiatique à forte charge symbolique. Invitée de l’émission «En Vérité» sur la Rsi, Mme Christine Fages a tenu à clarifier la position de la France dans l’affaire de l’extradition du journaliste sénégalais Madiambal Diagne. «Le Sénégal a émis un mandat d’arrêt international validé par Interpol. Nous avons arrêté M. Madiambal en France et il est entré dans une procédure judiciaire sur laquelle l’État n’a absolument aucune influence», a martelé Mme Fages, insistant sur la stricte séparation des pouvoirs qui prévaut dans le système français. Selon elle, les délais observés sont «normaux», une extradition prenant en moyenne «un an à un an et demi».
En réplique, le département dirigé par Yassine Fall rappelle d’abord un élément factuel central : le ministère français de la Justice a récemment saisi les autorités sénégalaises pour solliciter la transmission d’informations «déjà versées au dossier» et «dûment communiquées» par le magistrat sénégalais en charge de la procédure. Un rappel qui vise à démontrer, selon Dakar, la bonne foi constante des autorités judiciaires sénégalaises dans le respect des mécanismes de coopération. «Par respect des accords de coopération judiciaire liant les deux États, la justice sénégalaise s’emploiera à transmettre à nouveau les informations requises», précise le communiqué.
Surtout, le ministère de la Justice réfute toute accusation de pression exercée sur la justice française. «Il ne saurait être question de pressions, mais bien de l’exercice légitime par un État souverain du principe de réciprocité», insiste le communiqué.
Sans la citer nommément, le ministère estime que l’ambassadrice de France semble «relativiser la gravité des faits de corruption et de détournement de deniers publics reprochés à deux ressortissants sénégalais ayant trouvé refuge en France».
Aux yeux de Dakar, une telle posture est non seulement «regrettable», mais potentiellement lourde de conséquences. Elle pourrait être interprétée comme un «jugement de valeur» contraire aux principes universels de bonne gouvernance et de transparence que la France et le Sénégal affirment pourtant défendre ensemble. Plus grave encore, cette position est présentée comme susceptible de s’apparenter à une forme d’ingérence, dans des affaires que les autorités sénégalaises considèrent comme relevant de l’intérêt public majeur.
Sidy Djimby NDAO
(Correspondant permanent en France)












