Le dialogue organisé par le président de la République n’avait pas sa raison d’être, car les conclusions tirées de ce dialogue sont nuls. C’est, en résumé, l’avis du Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision hier, après consultation par Macky Sall le 4 mars dernier. Selon les 7 sages, le Président de la République ne peut pas fixer une date au-delà du 2 avril. S’agissant des candidats, le Conseil s’en est tenu au 19 candidats retenus officiellement. En outre, pour les sages, l’article 36 de la Constitution dont on dit qu’elle porte à confusion est très clair et il ne peut être appliqué si le président de la République s’aventure à fixer une date pour l’élection, au-delà du 2 avril. Le Président n’a plus le choix s’il veut rester conforme aux textes.
A croire que les 7 sages riaient sous cape, lorsque certaines autorités se sont rendues au Centre de conférence Abdou Diouf de Diamniadio, pour participer au dialogue organisé par le président de la République, pour la tenue de la prochaine présidentielle. En fait, tout le travail qui a été fait est nul, si l’on en croit les sages. En effet, comme promis, Macky Sall a saisi les 7 sages sur trois questions portant sur la date du 2 juin qui a été retenue par les participants au dialogue, le réexamen des candidats ainsi que sur l’article 36 de la Constitution qui porterait à confusion. Sur toutes ces trois questions, le Conseil a dégagé en touche rendant des réponses non conformes aux attentes de Macky Sall. Et le Conseil constitutionnel n’a pas attendu pour donner son avis ; il a répondu dans les meilleurs délais.
« La date du 2 juin 2024 proposée n’est pas conforme à la Constitution »
Sur la date du 2 juin proposé par les participants aux dialogue le Conseil constitutionnel rétorque « considérant que dans la décision n°1/C/2024 du 15 février 2024, le Conseil constitutionnel a indiqué que la date de l’élection du Président ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat qui arrive à terme le 2 avril 2024 et a invité les autorités compétentes à en fixer la date dans les meilleurs délais ; que l’expression « meilleurs délais » renvoie nécessairement à une date pouvant permettre la tenue du scrutin avant la fin du mandat », soulignent les sages qui poursuivent « considérant qu’un décret fixant la date de l’élection au 2 juin 2024, soit deux mois après l’expiration du mandat en cours, ne trouverait de base légale ni dans la loi électorale ni dans la décision n°1/C/2024 précitée ; que la reprise du processus électoral déjà engagé ne justifie pas un tel report ; considérant que le président de la République ne peut, en l’absence d’un texte l’y habilitant expressément, fixer la date de l’élection au-delà de la fin de son mandat ». Poursuivant sur sa décision du rejet de cette date du 2 juin, parce que non conforme à la Constitution, le Conseil explique dans son sixième considérant : « en vertu du caractère intangible de la durée du mandat du président de la République, la fixation de la date de l’élection au-delà de la fin du mandat a pour effet de créer un vide institutionnel non prévu par la Constitution ; qu’elle est, de ce fait, contraire au principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique et de stabilité des institutions ».
« Seuls sont candidats à l’élection présidentielle ceux retenus par la décision n°4/E/2024 du 20 février 2024 »
S’agissant de la question du nouvel examen des candidatures pour régler le problème des doubles nationalités. Le Conseil constitutionnel dit niet. Elle renvoie le président de la République à sa décision fixant les candidats officiellement retenus. « Considérant que par décision n°2/E/2024 du 12 janvier 2024 et n°4/E/2024 du 20 février 2024, le Conseil constitutionnel, après avoir examiné la recevabilité des candidatures conformément à la législation électorale, a arrêté et publié la liste des candidats à l’élection présidentielle », soulignent les sages qui ajoutent que « ni la Constitution ni le code électoral ne prévoient d’autres forment de détermination de la liste des candidats ». Poursuivant son argumentaire, le Conseil soutient « en vertu de l’article 92 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours et s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Par conséquent, selon les 7 sages, l’intégration de tous ces autres candidats recalés « pour des motifs autres que ceux prévus », « est contraire à la Constitution ». Karim Wade, Ousmane Sonko et Cie sont donc définitivement exclus. En outre, le Conseil constitutionnel s’est voulu être très clair par rapport à cette question de la double nationalité qui lui a valu des piques, surtout avec l’affaire Rose Wardini : « considérant, s’agissant d’éventuels cas de double nationalité, qu’il y a lieu de préciser qu’en l’état actuel de la législation, la possession exclusive de la nationalité sénégalaise est présumée, dès lors que le candidat a produit la déclaration sur l’honneur exigée à cet effet par les dispositions de l’article L.121 du code électoral ; qu’en cas d’empêchement, notamment pour cause de double nationalité, découvert postérieurement à la publication de la liste définitive des candidats, l’article 34 de la Constitution prévoit que le Conseil constitutionnel modifie ladite liste ».
« L’article 36 alinéa 2 de la Constitution n’est pas applicable si l’élection n’a pas eu lieu avant la fin du mandat en cours »
Sur, enfin, la question de l’alinéa 2 de l’article 36 de la Constitution pour assurer la continuité de l’Etat et la permanence institutionnelle, les sages n’y sont pas allés par quatre chemins : « l’arrivée à terme du mandat du Président de la République en exercice sans que son successeur soit élu, en raison du non-respect du calendrier électoral, n’est pas prévue par la Constitution et ne peut être régie par ce texte », ont précisé noir sur blanc, Mamadou Badio Camara et ses collègues. Ils ajoutent, toujours à l’attention de Macky Sall que « selon les dispositions de l’article 103 de la Constitution, la durée du mandat du président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l’objectif poursuivi ». Et, comme une sommation adressée à Macky Sall l’invitant à quitter le pouvoir le 2 avril, le Conseil constitutionnel prévient : « le maintien du Président dont le mandat est arrivé à terme, alors qu’aucun évènement assimilable à la force majeure n’empêchait la poursuite normale du processus électoral et l’élection d’un nouveau président de la République dans le délai prévu par la Constitution, constitue un précèdent de nature à compromettre la stabilité des institutions, notamment celle de la fonction présidentielle ». Pour terminer, les sages décident clairement que l’alinéa 2 de l’article 36 de la Constitution n’est pas applicable si l’élection n’a pas eu lieu avant la fin du mandat en cours ». La messe est dite !
Alassane DRAME











