Le procès sur la radiation de Ousmane Sonko des listes électorales s’est tenu hier, mardi 12 décembre 2023, devant le tribunal hors classe de Dakar statuant en matière électorale, suite à la décision de la Cour suprême qui avait cassé le jugement rendu par le juge de Ziguinchor Sabassy Faye. Si les avocats du leader de l'ex-Pastef/Les Patriotes ont soulevé plusieurs griefs, y compris la décision de notification de l'acte même qui évoque sa radiation et qui n'est pas produite, selon eux, l'agent judiciaire de l'État et les avocats de l'Etat ont soutenu le contraire. Ces derniers ont clairement dit que Ousmane Sonko est forclos, puisqu'il avait un délai de 5 jours pour faire son recours et qu'il a agi hors délai.
Puisque la Cour suprême avait cassé le 17 novembre dernier le jugement rendu en octobre, qui avait remis Ousmane Sonko dans la course en annulant sa radiation des listes électorales prononcée suite à sa condamnation à 2 ans de prison en juin dans l'affaire dite "Sweet Beauté", le tribunal d'instance hors classe de Dakar, statuant en matière électorale, a réexaminé, hier mardi 12 décembre 2023, sa réintégration ou non sur les listes électorales, relativement à sa candidature à la présidentielle de février 2024. Comme la Cour suprême avait décidé que l'affaire devait être rejugée en première instance, les débats d'audience sont ouverts par les avocats du maire de Ziguinchor.
Me Ousseynou Fall : «Macky Sall a juré d'écarter Ousmane Sonko»
Me Ousseynou Fall a été le premier à plaider. La robe noire, plus acerbe que jamais dans ses propos, a attaqué le Président Macky Sall. "C'est parce qu'il y a un individu qui s'appelle Macky Sall et qui veut coûte que coûte que Ousmane Sonko ne participe pas aux élections. M. Le Président, c'est peine perdue. Ici, c'est l'esprit de Macky Sall qui n'a pas digéré que sa troisième candidature soit écartée et il a juré d'écarter Ousmane Sonko. M. le Président, vous n'êtes pas notre adversaire. Vous n'êtes pas notre ennemi. Notre ennemi total, c'est les politiques, c'est Macky Sall qui a refusé d'exécuter cette décision de justice rendue par le juge Sabassy Faye. Macky Sall a limogé tous les membres de la Cena qu'il a fait remplacer par des magistrats à la retraite", a-t-il avancé. Me Ousseynou Fall a poursuivi en contestant la qualité et l'intérêt de L'Etat à agir dans ce dossier puisque, dit-il, l'Etat n'a aucun préjudice dans cette affaire. "L'Etat qui s'oppose à ce droit légitime n'a pas sa présence ici. Et l'agent judiciaire de l'État qui le représente n'a pas sa place ici. Pour exercer une action en justice, il faut avoir l'intérêt et la qualité à agir. Quel et le grief que l'Etat peut nous opposer ?", s'est indigné Me Ousseynou Fall.
Me Ndoumbé Wane : "Ousmane Sonko a appris sa radiation en suivant l'émission de Ismaïla Madior Fall»
Lui emboitant le pas, Me Ndoumbé Wane s'est, elle aussi, interrogée sur l'intérêt et la qualité à agir de l'agent judiciaire de l'État. "Vous êtes un juge de statut personnel. En quoi la réintégration de Ousmane Sonko pose un grief ? L'Etat du Sénégal doit nous dire son intérêt", ajoute-t-elle. Sur la notification de la radiation de son client Ousmane Sonko, l'avocate a soutenu qu'il n'y en a jamais eu. "Il n'y a jamais eu d'acte de notification, mais plutôt une signification. Il est illégal que l'Etat du Sénégal occulte la loi et agisse autrement. Ils n'ont jamais voulu notifier à personne, sinon ils n'allaient pas déposer l'acte à la préfecture de Dakar Plateau. La maison de Ousmane Sonko est reliée à la préfecture de Ngor Almadies. Cette forclusion dont ils font état ne passera pas", a renchéri Me Wane. Pour ce qui est de la théorie de la connaissance acquise, elle a expliqué que l'Etat n'a pas présenté de preuves pour dire que "Ousmane Sonko a appris sa radiation en suivant l'émission de Ismaïla Madior Fall, l'ex ministre de la Justice". D'après elle toujours, c'est la raison pour laquelle la théorie de la connaissance acquise ne saurait prospérer. ‘’Vous avez une décision de contumace, il faut exécuter cette décision Monsieur le Juge. Et l'article 307 du code de procédure pénale dit en substance : s'il est arrêté, cette décision de contumace est anéantie. Au moment où je vous parle, mon client Ousmane Sonko est à la prison de Cap Manuel. Rendez justice à Ousmane Sonko", a-t-elle plaidé.
Me Babacar Niang : «Ismaïla Madior Fall est un analphabète en droit pénal…»
Me Bamba Cissé d'ajouter qu'on veut empêcher Ousmane Sonko d'être candidat, parce que s'il se présente, il gagnerait au premier tour. Pour sa part, soulignant que L'Etat du Sénégal s'est comporté en "voyou et bandit", Me Babacar Niang a été attaqué par l'agent judiciaire de l'État qui s'est indigné. Faisant la sourde oreille, Me Niang a persisté en soutenant : "l'État a produit des documents faux pour se justifier. Il affirme que le 17 juillet, ils sont partis chez Ousmane Sonko, ils ont montré une affiche de parrainage là-bas pour revenir dans les procès-verbaux dire qu'il n'y a pas de fiche de notification. Et aujourd’hui, ils ont produit un document attestant de la délivrance de la notification", a-t-il confié. Rappelant ainsi que la décision de la radiation de Ousmane Sonko a été prise le 2 août, après son arrestation le 28 juillet, Me Niang estime que c'est après anéantissement de son état de contumace que cela a été fait. Ce qui prouve l'absurdité de ces procédures, dit-il. "Ismaïla Madior Fall, ancien garde des Sceaux, est un analphabète en droit pénal. Il s'est trompé en croyant que la condamnation par contumace est définitive. Il l'a dit dans plusieurs plateaux de télévision. Depuis 2012, le droit est à l'agonie, le droit pénal est aussi à l'agonie. Nous vous demandons de le relever et de donner une décision juste", a plaidé Me Niang.
L'Agent judiciaire donne les raisons de son implication au procès et parle de forclusion de Sonko
Pour leur part, les avocats constitués pour l'Etat du Sénégal et l'agent judiciaire de l'État ont plaidé dans l'après-midi. L'agent judiciaire de l'État, Yoro Moussa Diallo, étant le premier à la barre, a rappelé que les droits de Ousmane Sonko ont été respectés. Le défenseur des intérêts de l'Etat a expliqué que l'Aje est installé dans la cause parce que c'est le ministère de l'Intérieur et tous ses démembrements qui ont été attaqués. Et c'est L'Aje qui défend les intérêts de l'Etat dans toutes les instances judiciaires, précise-t-il. Sur la forclusion de Ousmane Sonko dont ils font état, Yoro Moussa Diallo soutient : "il faut se féliciter parce qu'on est dans un Etat organisé. L'huissier a rempli son objet. Ousmane Sonko avait un délai de cinq jours pour faire son recours. Il a agi hors délai et la conséquence immédiate, c'est la forclusion".
Me Samba Bitèye : "La défiance a accouché de la déchéance et sa négligence de faire recours a accouché la forclusion»
Son confrère Me Samba Bitèye a d'emblée indiqué dans son propos que "refuser de comparaître est un suicide". Il poursuit en soutenant que Ousmane Sonko est dans une situation à cause de sa défiance. "La défiance a accouché de la déchéance et sa négligence de faire recours a accouché la forclusion. L'huissier a rempli sa mission dans les règles de l'art et Ousmane Sonko est forclos. La loi ne prévoit rien pour les négligents", a fait noter Me Bitèye.
Me El Hadji Diouf, de son côté, a déclaré que c'est cette décision de contumace qui lui vaut ses déboires. Ainsi, Me Diouf a affirmé que sa radiation est normale parce qu'il a été jugé par contumace.
Au terme des plaidoiries, le tribunal a fixé le délibéré pour demain jeudi 14 décembre.
Fatou D. DIONE









