Dans une déclaration ferme, lue hier jeudi 10 avril, lors de leur point de presse, la Conférence des leaders du Front pour la défense de la démocratie et de la République (Fdr) a exprimé sa vive inquiétude face à ce qu’elle qualifie de «tentative de captation du pouvoir exécutif» par le biais d’une réforme constitutionnelle envisagée par Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Pour Khalifa Sall et ses camarades, les choses sont on ne peut plus claires : «le régime tende à donner corps et vie institutionnelle à l'État-Sonko».
Au lendemain de l’adoption controversée de la loi interprétative relative à l’amnistie de 2024, le Fdr fustige une «opération de charme» du chef de l’État lors des festivités des 3 et 4 avril, jugée vaine face à la «désillusion grandissante» des Sénégalais. Le pouvoir Pastef est accusé d’«incompétence» et de «reniement systématique», dans un contexte marqué par un malaise économique et institutionnel. «Le président de la République a profité des 3 et 4 avril pour se livrer à une opération de charme en direction des populations profondément déçues. Une tentative qui n'aura été en définitive qu'un coup d'épée dans l'eau face à des citoyens désabusés devant tant d'incompétence et d'irresponsabilité érigées en méthodes de gouvernement», a déclaré le Front dans une déclaration lue par Mamadou Lamine Massaly.
Mais c’est surtout le projet de réforme constitutionnelle visant à renforcer les pouvoirs du Premier ministre qui suscite l’alarme du Fdr. Selon l’opposition, cette révision vise à institutionnaliser un pouvoir parallèle non élu, concentré entre les mains du chef du gouvernement, une configuration que le Fdr assimile à la mise en place de «l’État-Sonko». «A mots à peine couverts, le président de la République a annoncé un projet de révision constitutionnelle tendant à instituer un Premier ministre "super-fort". Derrière cette formule se cache une manœuvre claire : instaurer un système où le pouvoir exécutif serait capté par une figure non élue, au grand dam de la démocratie ! Autrement dit, donner corps et vie institutionnelle à l'État-Sonko que le Fdr ne cesse de dénoncer !», dit-il encore.
Parmi les signaux préoccupants évoqués par l’opposition : «la centralisation des dépenses publiques au niveau de la Primature» ; «l’application à Ousmane Sonko de l’article 254 du Code pénal sur l’offense au chef de l’État» ; «le refus de contresigner un décret présidentiel» ; «l’utilisation de l’avion présidentiel par le Premier ministre» et «une proposition de loi sur les prérogatives foncières transférées à des structures relevant directement de la Primature.
Dans ce contexte, l’annonce d’un dialogue politique par le Président Diomaye Faye est accueillie avec scepticisme. Le Fdr rappelle que ce dernier a déjà pris des décisions unilatérales majeures, notamment sur l’organisation des législatives anticipées, sans aucune concertation. «Au même moment, le Président Faye annonce l'organisation d'un dialogue sur le système politique. Cette annonce intervient après plusieurs décisions unilatérales prises sans aucune concertation, notamment sur les conditions d'organisation des législatives anticipées et sur les commissions d'inscription sur les listes électorales. Pour rappel, le Fdr n'a cessé de dénoncer ces coups de force et d'exiger la tenue de concertations politiques inclusives et sincères, précisément parce que, dans l'histoire de notre pays, le dialogue a souvent permis de renforcer la démocratie et d'apaiser les compétitions électorales», rappelle l’organisation politique dans sa déclaration.
Le Front se dit toutefois ouvert au dialogue, à condition qu’il soit sincère, inclusif et qu’il débouche sur des décisions appliquées, contrairement à ce qui s’est passé avec les consensus invalidés avant les législatives de 2024. Il souligne les acquis du dialogue national de 2019 à 2023 et appelle à s’en inspirer. Enfin, la déclaration conclut en rappelant que «la République ne peut reposer sur la duplicité ni sur les manœuvres politiciennes», mais sur «la vérité, le respect du droit et l’éthique démocratique». «En tout état de cause, et comme pour tous les dialogues précédents, il revient au président de la République de prouver sa sincérité en s'engageant solennellement à faire respecter les libertés inscrites dans notre Constitution et à appliquer l'ensemble des recommandations consensuelles issues des discussions, le cas échéant Un tel engagement s'impose d'autant plus que le consensus obtenu à l'occasion de la seule rencontre à laquelle l'opposition a participé avec le ministre de l'Intérieur, à la veille des législatives de 2024, avait été cavalièrement invalidé par l'Exécutif », assure encore le Front, notant qu’« une nation soudée se bâtit sur le sacre de la vérité et l'éthique, et non sur la culture du reniement et de la duplicité».
Sidy Djimby NDAO













