Cette législature est la plus atypique de toutes. Cette opinion des Sénégalais sur les élus du peuple se confirme de plus en plus. Ils ne veulent décidément rien faire dans la simplicité. Avant-hier encore, les parlementaires se sont illustrés non en se battant ou en s’insultant comme lors de leur installation en septembre 2022, mais en opérant cette fois-ci une nouvelle configuration de l’hémicycle, avec l’éclatement du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi. Après deux suspensions de séance interminables à cause des tractations entre les députés de Taxawu et d’autres membres de Yewwi Askan Wi, le bureau a pu être renouvelé avec un retard d’une dizaine d’heures. Mais auparavant, les 14 députés de Taxawu ont déposé leur démission collective sur la table du président, quittant officiellement le groupe parlementaire Yewwi. Ce qui a relancé les dés concernant le nombre de postes de privilèges pour chaque groupe parlementaire.
C’est inédit, la plénière pour le renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale prévue à chaque ouverture de session ordinaire a duré, samedi dernier, plus de dix tours d’horloge à cause de la scission entre députés de Taxawu et leurs désormais ex alliés de Yewwi. La séance qui était convoquée dans la matinée, à 10h heures, n’a été déclarée ouverte par le président de l’Assemblée nationale que trois heures plus tard. Et elle a été automatiquement suspendue après lecture des motifs par Amadou Mame Diop, qui a invité les présidents des groupes parlementaires à déposer la liste de leurs candidats pour le bureau au niveau du secrétariat général.
L’attente qui s’ensuivit a duré plusieurs heures et les interprétations allaient bon train. C’est aux alentours de 16 heures que le député Abdou Mbacké Dolly a appelé la presse pour crier son ras le bol, dévoilant le véritable motif de ce retard. «C’est une honte pour tout député sensé. Comme vous l’avez constaté avec nous tous, la séance plénière pour le renouvellement du bureau qui était convoquée à 10h n’a pu se faire jusqu’à présent et il est 16h», dénonce le député membre du groupe parlementaire Wallu. Abdou Mbacké d’expliquer les raisons de ce retard. «A cause des querelles dans le groupe de Yewwi, nous n’arrivons pas à avancer. Le président du groupe Yewwi, après avoir déposé l’intégralité de la liste des 56 députés de son groupe, veut éjecter Taxawu du bureau en lui ôtant ses postes de privilèges», narre le député qui fait noter que Wallu n’a opéré aucun changement, malgré la position des uns et des autres sur certaines questions. A l’en croire c’est Pastef qui est à la base de tout ce rififi. «Bien qu’il ne s’entende plus avec Taxawu, Pastef aurait pu respecter leur accord de base en serrant les dents pour les cinq mois qui restent à cette législature. Ceci est l’illustration parfaite d’un manque de démocratie et de respect envers les Sénégalais qui les ont élus. Après leur prestation lors de l’installation de l’hémicycle, ils auraient dû avoir honte de s’illustrer encore par la pire des manières», fulmine le vice-président du groupe parlementaire Wallu qui a gardé son poste. Ce dernier d’inviter le président de l’Assemblée nationale à prendre ses responsabilités en installant le bureau avec les membres disponibles.
Birame Souleye Diop : «nous avons exclus les députés de Taxawu du bureau…»
Il a fallu cette déclaration de Abdou Mbacké Dolly pour que les concernés daignent s’expliquer. C’est Birame Souleye Diop, entouré de certains membres du groupe parlementaire Yewwi, qui a donné la première version des faits. Brandissant son téléphone pour montrer les appels passés au président de l’Assemblée nationale pour, dit-il, lui demander de commencer, le président du groupe parlementaire Yewwi se lave à grande eau. «L’information selon laquelle c’est nous qui bloquons les travaux est inexacte», clame Birame Souleye Diop d’emblée. Poursuivant, M. Diop affirme que comme le prévoit le règlement intérieur, il a déposé la déclaration de constitution de groupe. «Nous avons lancé une communication demandant à tout député qui souhaite faire partie du groupe de s’inscrire et l’intégralité des députés de Yewwi se sont inscrits. Mais, le groupe travaille étroitement avec la conférence des leaders et il a la souveraineté de choisir à qui donner des postes, soit par consensus, soit par démocratie majoritaire. Nous avons donc déposé notre liste et nous sommes toujours en attente», explique Birame Souleye Diop.
Pour lui, à partir du moment qu’ils ont déposé leurs listes, le président doit rappeler les députés en salle pour lire la composition des listes proposée ; s’il y a contestation on suspend la séance pour une heure pour permettre aux gens de discuter. «Mais au lieu de ça, dit-il, ils ont fait fuiter la composition de notre liste et certains sont actuellement en négociation pour des postes avec les autres groupes parlementaires». A l’en croire, le groupe Yewwi Askan Wi a travaillé sur toutes les options. «Toutes les options nous conviennent. Mais nous n’allons pas accepter la modification des règles en calculant les quotients sur la base autre que celle des listes déjà déposées, c’est-à-dire les 53 de Yewwi, même si certains décident de démissionner après», renseigne Birame Souleye Diop qui précise par la même occasion que les députés de Taxawu sont exclus des membres du bureau pour Yewwi Askan Wi.
Les 14 députés de Taxawu démissionnent de Yewwi
Réponse du berger à la bergère, les députés de Taxawu Sénégal ont tous déposé leur démission du groupe parlementaire Yewwi sur la table d’Amadou Mame Diop. «Je vous informe que j’ai reçu des lettres de démission de certains de nos collègues du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, 14 de leurs collègues», a fait savoir le président de l’Assemblée nationale à la reprise des travaux aux environs de 18 heures, listant ainsi les noms des députés de Taxawu Sénégal avant de suspendre à nouveau la séance pour cette fois reprendre les calculs pour les répartitions des sièges au niveau du bureau entre les différents groupes parlementaires. «Nous venons de vivre une situation inacceptable qui nous a poussés à renoncer à notre présence dans le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi. Il se trouve que depuis quelques semaines, le groupe parlementaire auquel nous appartenions tient des séances de travail sans nous. Nous ne sommes conviés à aucune rencontre, aucune information n’est portée à notre égard», explique Abba Mbaye.
Selon le député de Taxawu, puisque Barthélemy Dias était candidat à la présidence de l’Assemblée, la présidence du groupe parlementaire a été cédée au parti Pastef. Mieux encore, Sonko avait demandé à avoir un poste pour quelqu’un qui n’a pas fait la formation à l’école française et ils ont donné le poste de vice-président qui revenait à Taxawu à Cheikh Thioro Mbacké. «Lorsque certains partis ont voulu faire preuve de boulimie, Khalifa Sall avait demandé à ce qu’on soit généreux envers nos alliés d'où la présence du Prp en tant que président de commission, et celui de Pem de Habib Sy comme président de commission», clarifie le jeune député qui déclare que depuis le mois de septembre, il a saisi Birame Souleye Diop à deux reprises pour une réunion préparatoire de l’ouverture de la session, mais il est resté aphone. «J’estime qu’après tous les combats qu’on a portés ensemble, nous devions nous comporter avec courtoisie. Je signale que certains de ces combats étaient à l’encontre de nos propres valeurs : lorsque des députés parmi nous ont agressé une femme, lorsque des collègues ont insulté des ministres, nous avions fait preuve de solidarité par sentiment d’appartenance», souligne-t-il.
Abba Mbaye : «ce qui s’est passé, c’est l’expression d’une grande irresponsabilité politique»
D’après Babacar Abba Mbaye, c’est à la veille de la session que par l’intermédiaire d’un député, Birame Souleye Diop a informé via leur groupe WhatsApp que tous les députés qui désirent rester dans le groupe s’inscrivent. «C’est une démarche inélégante, mais nous sommes allés nous inscrire parce que pour nous de Taxawu, il n’y a que des députés de Yewwi. Nous avons ainsi réaffirmé notre allégeance au groupe. Ce matin encore (ndlr : samedi), nous avons envoyé nos doyens Oumar Cissé et Babacar Mbengue pour aller restaurer le fil du dialogue. Et ils leur ont dit que ce sont les leaders de Yewwi Askan Wi qui sont en train de discuter sur les postes. Nous avons donc décidé de patienter jusqu’à ce qu’on nous informe que le bureau a été déposé sans les membres de Taxawu : Pastef a décidé de prendre les postes qui nous reviennent», informe-t-il avant de poursuivre : «face à cette situation, nous avons décidé de nous retirer du groupe. Ce qui s’est passé, c’est l’expression d’une grande irresponsabilité politique. Comment une coalition comme la nôtre peut renoncer à des postes à l’Assemblée parce qu’ils savent que si nous quittons le groupe, il va perdre au moins quatre postes dont celui de deuxième questeur, un vice-président et des postes de commissions. Ils ont préféré réduire l’influence de Yewwi Askan Wi dans l’Assemblée plutôt que de faire preuve de lucidité», déclare Abba Mbaye qui précise qu’on ne peut pas comparer ce qui s’est passé à la mairie de Dakar avec la situation actuelle, puisque Barth avait l’obligation de suivre une décision de justice. «C’est de la méchanceté, une idiotie qui va renforcer d’avance l’influence de Benno», regrette Abba Mbaye.
Ndèye Khady DIOUF
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