C'est dans une ambiance empreinte d’émotions que s’est déroulée la cérémonie de levée du corps du défunt président du Conseil constitutionnel, Mamadou Badie Camara, en présence du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, qui dit garder du défunt « l’image d’un magistrat rigoureux, compétent, humble et à la parole mesurée ». Dans son oraison funèbre, le magistrat et doyen d’âge, Cheikh Tidiane Coulibaly, a eu toutes les peines pour rendre son message audible, tenaillé par la tristesse et la consternation.
La République a rendu un ultime hommage à son défunt serviteur et magistrat, Mamadou Badio Camara, à la morgue de l’hôpital Principal, dans une ambiance pesante où l’émotion a été vive durant toute la cérémonie de levée du corps. Le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, a fait le déplacement en compagnie du président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, du ministre de la Justice, Ousmane Diagne et en présence de la famille du défunt, de l’ancien président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse, ami du défunt, du dernier Premier ministre de Macky Sall, Me Sidiki Kaba, des personnalités judiciaires, politiques, entre autres. Une occasion pour le président de la République de se rappeler les conseils du défunt à son investiture. « Pour ma part, résonnent encore dans mes pensées, les fortes recommandations qui furent celles de Monsieur Mamadou Badio Camara sur les difficultés inhérentes à l’exercice du pouvoir, lors de la cérémonie de prestation de serment du président de la République », s’est d’emblée remémoré le Président Faye, avant de poursuivre : « des générations de magistrats que vous avez formés à l'école de magistrature garderont les souvenirs de vos compétences pédagogiques reposant sur une rigueur intellectuelle sans commune mesure. Durant votre carrière, vous avez su susciter le respect et l'admiration de vos pairs et de toute la grande famille judiciaire. Nous garderons de vous l’image d’un magistrat rigoureux, compétent, humble et à la parole mesurée. Mais au-delà des fonctions et des titres, il y avait l’homme que ses amis racontent comme étant bienveillant, discret, courtois et toujours à l’écoute », témoigne le chef de l’Etat.
Cheikh Tidiane Coulibaly craque et fond en larmes
Pour sa part, son collègue et doyen d’âge Cheikh Tidiane Coulibaly, qui a prononcé l’oraison funèbre, a eu par moments toutes les peines pour rendre audibles ses mots, tenaillé par l’émotion en ces moments d’adieu. Souvent, il a craqué et fondu en larmes, orphelin de celui qu’il qualifie « d’un intellectuel rigoureux et méthodique, d'un serviteur exemplaire de l'Etat de droit, un homme de principes, mais surtout d'un magistrat compétent et d'une exquise courtoisie. Son riche parcours professionnel lui a permis, loin de sa ville natale de Pikine, de parcourir les territoires les plus reculés du pays pour s’imprégner des réalités socioculturelles de ceux qu’il était appelé à servir à travers ses décisions », déclare le magistrat qui est revenu sur le parcours exemplaire de son défunt collègue. Un parcours qui, dit-il, lui a permis de connaître la réalité de toutes les fonctions qu'un magistrat est appelé à occuper.
Dans les pires zones de turbulences, il parvenait à garder le cap malgré les vents contraires
« Nommé président du Conseil constitutionnel le 1er septembre 2022, il a su, à ce poste, avec discrétion, élégance, courtoisie, délicatesse, loyauté et fermeté, veiller à la sauvegarde de notre démocratie, défendre la constitution, garantir le bon fonctionnement de nos processus républicains. Son leadership intelligent notamment en matière de gestion des ressources humaines, est fondé sur un profond humanisme. Toujours soucieux du bien-être de ses collaborateurs à tous les échelons, il parvenait à maintenir cette convivialité positive dans les juridictions de tous les niveaux qu’il a eu le privilège de diriger », témoigne le magistrat, le trémolo et les soupirs rythmant son discours. Poursuivant, Cheikh Tidiane Coulibaly est revenu sur les qualités humaines du défunt. « Il était un homme de culture, humble malgré ses hautes charges et les succès éclatants qui ont jalonné sa brillante carrière. Attentif aux autres, profondément humain dans son rapport au monde, il y avait aussi sa capacité extraordinaire à conserver une lucidité inébranlable et une sérénité olympienne dans les pires zones de turbulences, parvenant toujours - même lorsque tout espoir semblait perdu - à garder le cap malgré les vents contraires », fait remarquer le magistrat qui en veut pour preuves les messages et autres témoignages reçus des juridictions constitutionnelles et des associations internationales de Cours constitutionnelles du monde à l’annonce de son décès. Cette marque d’affection venue d’ailleurs témoigne de la dimension de l’homme qui, dit-il, incarne « la force du droit comme rempart de notre démocratie ».
Moustapha Niasse pleure un « grand petit-frère »
Ancien président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse n’en demeure pas moins ami du défunt juge. « Mamadou Badio Camara était mon ami pendant des décennies et je l'appelais le grand petit-frère. Quand j’étais malade, en mi-février, mi-mars, en France, il était malade à Genève. Nous sommes rentrés presque en même temps. Nous nous voyions régulièrement presque chaque mois deux fois. Je lui faisais une confiance totale et la réciprocité était vraie en ce qui le concerne vis-à-vis de ma modeste personne. J'ai perdu un frère. Ses épouses et ses enfants peuvent en témoigner. Nous étions trois amis inséparables avec Moustapha Mbacké Lakrame », révèle Moustapha Niasse, contraint d’écourter son discours au risque de fondre en larmes.
La famille rend hommage à un époux attentif, un père aimant
Même son de cloche chez le porte-parole de la famille, Antoine Joseph Diop, oncle de Mme Camara, Adja Madjiguène, veuve du défunt magistrat. Il s’est ainsi intéressé à l’homme derrière le magistrat. « Chacun ici sait ce qu’il a incarné pour la magistrature sénégalaise, chacun ici s’en souvient. Mais, je viens vous parler de l’homme derrière le magistrat : du patriarche, du pilier, de l’époux attentif, du père aimant. Nous, sa famille, nous l’avons vu vivre pleinement ses convictions avec discrétion, droiture, mais aussi avec chaleur et tendresse. Badio était un roc, un homme de principe et de cœur, un homme de devoir ; un homme profondément attaché aux siens. Il a porté haut ces valeurs de la famille, le respect, l’écoute, la solidarité, l’amour du prochain. Il nous a légué tant de choses : sa rigueur, sa passion pour le travail bien fait, son amour de la lecture, son attachement à la vérité, son sens du devoir et cette flamme de justice qu’il portait en lui comme une vocation sacrée », rapporte le porte-parole de la famille.
Antoine Joseph Diop, porte-parole de la famille : « nous pleurons un départ, mais nous célébrons un héritage »
Poursuivant, il ajoute : « aujourd'hui, nous pleurons un départ, mais nous célébrons aussi un héritage ; celui d'un homme qui n'a jamais cessé de transmettre, un homme qui a su par son exemple inspirer les générations futures et s'engager pour le bien à servir avec loyauté et à vivre avec intégrité. Cher Badio, ami et frère, tu laisses un vide immense, mais aussi une empreinte indélébile. Nous implorons le Tout-Puissant de t’accorder sa miséricorde infinie, de t’accueillir dans son paradis éternel et de répandre sur ta famille la paix, le réconfort et la consolation. Que la terre du Sénégal qu’il a si fidèlement servi lui soit légère », implore le porte-parole de la famille. Mamadou Badio Camara a été enterré en début d’après-midi au cimetière de Pikine.
M. CISS













