Interviewé à Paris par un jeune créateur de contenus, le patron de Teungueth Football Club de Rufisque et dirigeant du football sénégalais, Babacar Ndiaye, a fait une rare ouverture sur sa vie privée. S’il revendique une éducation sobre et non matérialiste, il n’a pas nié porter une luxueuse Patek Philippe estimée à 100.000 euros (soit 65 millions de francs Cfa). Une séquence qui a fait le tour des réseaux sociaux, entre fascination et interrogations. Et qui porterait bien le titre «Babacar Ndiaye, sobriété revendiquée et luxe assumé».
Il est connu dans les milieux du football sénégalais comme un dirigeant respecté, discret et peu loquace sur sa vie personnelle. Babacar Ndiaye, président du club Teungueth FC de Rufisque et cadre expérimenté du secteur pétrolier, a pourtant surpris en se prêtant au jeu d’une interview informelle sur le réseau Tiktok. Interrogé par Léopold Mallet, un jeune Français créateur de contenus spécialisé dans les portraits spontanés, l’homme d’affaires s’est confié avec un mélange d’humilité, de détachement et… de contradictions.
Le pétrole, un secteur lucratif
À la question directe : “Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?”, Babacar Ndiaye répond simplement : “Je travaille dans le pétrole.” Une phrase concise qui cache une réalité bien plus complexe. Le pétrole : un secteur ultra-compétitif, exigeant, mais aussi extrêmement rémunérateur.
D’ailleurs, cela s’est vérifié. En effet, lorsqu’on lui demande combien peut gagner une personne occupant un poste comme le sien, sa réponse est sans ambiguïté : «300.000 euros l’année (soit un peu moins de 200 millions de francs Cfa, soit plus de 16 millions de francs Cfa par mois)», dit-il. Avant d’ajouter : «dans notre secteur, plus vous êtes performant, plus vous gagnez.»
Un salaire qui place le candidat à la présidence de la Ligue sénégalaise de football professionnel parmi les hauts revenus de Sénégalais et d’Africain à travers le monde. Et qui alimente une certaine curiosité sur son train de vie – surtout lorsqu’on sait qu’il est aussi à la tête d’un des clubs les plus structurés du football sénégalais, avec une présence régulière sur la scène continentale.
Diplômé de l'Université Paris-XII d'une maîtrise en management (expertise en gestion d'entreprise) et d'un MBA en finance à Woodbury University de Los Angeles (Spécialisation en finance internationale), Babacar Ndiaye, après des passages à Air France Los Angeles, Toyota Los Angeles, Shell Sénégal et Shell Europe comme Responsable projet, est aujourd’hui un leader dans les affaires énergétiques en Afrique de l'Ouest. Il a occupé notamment le poste de directeur commercial Oryx Sénégal, directeur Oryx Nigeria et Gambie…
“L’argent ne fait pas le bonheur”
Mais l’homme d’affaires sénégalais se veut philosophe. Lorsqu’on aborde la question du confort financier qu’un tel métier peut offrir, il tempère et sort une phrase vieux comme le monde et qui n’a jamais fait consensus : «l’argent ne fait pas le bonheur.» Et d’ajouter, comme pour prendre de la hauteur face aux clichés liés à la richesse : “Que ce soit une Patek ou une Apple Watch, une montre, c’est une montre.”
Une déclaration qui aurait pu passer inaperçue si elle n’était pas immédiatement contredite par les faits. Le créateur de contenus, manifestement observateur, lui fait remarquer qu’il porte une Patek Philippe, marque suisse de prestige prisée par les milliardaires. “C’est une Patek à 100.000 euros ?”, demande-t-il. Babacar Ndiaye, dans un éclat de rire désarmant, répond : “Oui, c’est ça, vous avez l’œil, oui !”
Contradiction assumée ou posture maladroite ?
C’est ce moment, capturé en une dizaine de secondes, qui a enflammé les réseaux sociaux. Car il révèle une contradiction difficile à ignorer : un homme qui affirme ne pas être matérialiste, mais qui porte une montre dont la valeur dépasse 65 millions de francs Cfa. Une somme qui équivaut à plus de 100 ans de salaire au Smic sénégalais.
La vidéo est devenue virale sur Tiktok, cumulant des milliers de vues et de partages. Dans les commentaires, les internautes oscillent entre admiration et ironie. Certains saluent un parcours professionnel inspirant, d’autres dénoncent une forme d’élitisme déguisé. “Il a le droit d’aimer les belles choses, mais qu’il ne fasse pas semblant d’être détaché”, écrit un utilisateur. Un autre plus clément note : “On peut être simple d’esprit et aimer les objets de valeur. Ce n’est pas forcément contradictoire.”
Une figure influente dans le sport sénégalais
Au-delà de la polémique, cette séquence met en lumière un personnage à l’influence croissante. Babacar Ndiaye ne dirige pas seulement Teungueth FC ; il en est aussi le principal bâtisseur. Sous sa présidence, le club basé à Rufisque s’est professionnalisé, a remporté plusieurs titres nationaux et s’est illustré en Coupe Caf. Teungueth FC est désormais un modèle d’organisation pour de nombreux clubs sénégalais.
Mais l’homme reste peu bavard sur lui-même. Ce qui rend cette sortie publique d’autant plus remarquable. Car s’il ne s’est pas étendu sur ses possessions matérielles, il a levé un coin du voile sur un aspect que beaucoup soupçonnaient : sa réussite financière bien au-delà du football.
Une génération de dirigeants décomplexés
Cette interview illustre aussi l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants sénégalais, particulièrement à l’étranger, qui assument davantage leur réussite. À l’image des entrepreneurs tech, des médecins ou des ingénieurs établis entre l’Europe, le Golfe et les États-Unis, ces profils veulent casser les stéréotypes du dirigeant africain uniquement centré sur le pouvoir politique ou la visibilité médiatique. Ils cultivent un certain pragmatisme, investissent dans le sport ou la culture, mais gardent un pied dans leur secteur d’origine.
Mais cette génération décomplexée peine parfois à trouver le ton juste. Surtout lorsqu’elle parle à une jeunesse sénégalaise confrontée à un chômage massif, à une précarité rampante, et à un exode toujours aussi risqué. Porter une montre à 100.000 euros dans un tel contexte ? Certains y voient une indécence, d’autres, une ambition.
Une communication à double tranchant
En participant à cet échange informel, Babacar Ndiaye ne s’attendait probablement pas à créer un tel buzz. Et c’est justement ce qui rend l’exercice périlleux : à l’ère des réseaux sociaux, la moindre déclaration peut être sortie de son contexte, amplifiée, déformée.
Mais cette séquence pose une vraie question : un dirigeant africain peut-il être riche, humble, influent et compris à la fois ? Peut-il vivre sa réussite sans qu’elle soit perçue comme une trahison des valeurs populaires ? L’équilibre est délicat. Et la ligne entre fierté personnelle et indécence publique, plus fine que jamais.
Sidy Djimby NDAO
(Correspondant permanent en France)













