Un rapport confidentiel, commandité par le ministère sénégalais de l’Energie, du Pétrole et des Mines met en lumière des écarts significatifs dans les coûts déclarés par BP pour le projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA). Selon le cabinet Mazars, les coûts estimés à 4,1 milliards de dollars pour la première phase seraient surévalués. Cette révélation renforce la position du Sénégal et de la Mauritanie, copropriétaires du projet, dans leurs discussions avec BP pour une éventuelle renégociation des termes financiers. Cette affaire intervient alors que les services du ministre Birame Soulèye Diop ont annoncé qu’en 2024, la production annuelle de Sangomar devrait s’établir autour de 15 à 16 millions de barils de pétrole brut.
Alors que les nouvelles autorités sénégalaises ont engagé la renégociation des contrats jugés léonins, un nouveau développement dans le projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA) vient leur donner raison. En effet, dans un rapport confidentiel commandité par le ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines sénégalais, le cabinet français Mazars juge surévalués les coûts estimés à 4,1 milliards de dollars revendiqués par le major britannique.
Initialement budgétisé autour de 3,5 milliards de dollars en 2018, le projet a vu ses coûts doubler, dépassant les 10 milliards de dollars, en raison de multiples retards, notamment liés à des difficultés techniques et à la pandémie de Covid-19. Les principaux postes de dépenses incluent l’ingénierie marine, l’unité flottante de gaz naturel liquéfié (FLNG), et le FPSO (Floating Production Storage and Offloading). Ce dépassement des coûts menace directement les bénéfices attendus par les deux États, qui doivent rembourser ces sommes avant de toucher des revenus significatifs issus de l’exploitation du gaz.
Face à cette situation, Dakar et Nouakchott ont lancé des audits indépendants pour évaluer les chiffres avancés par BP. Les premiers résultats confirment des surfacturations potentielles. Il s’agit là d’un atout dans la manche du gouvernement, censé rembourser ces sommes avant de toucher le moindre dollar. En effet, cela pourrait aboutir à une révision des accords financiers, d’autant plus que les revenus initiaux projetés restent modestes (2,5 millions de tonnes par an de gaz pour quelques centaines de millions de dollars de revenus nets).
Le projet GTA, partagé entre BP (61%), Kosmos Energy (29%), et les compagnies nationales sénégalaise (Petrosen) et mauritanienne (Smhpm), est crucial pour les économies des deux pays. Une production annuelle de 10 millions de tonnes est prévue d’ici 2030, générant des recettes globales estimées entre 80 et 90 milliards de dollars sur 20 ans. Toutefois, ces chiffres pourraient être revus à la baisse si les surfacturations persistent.
Le Sénégal et la Mauritanie coordonnent désormais leur réponse à BP, envisageant une renégociation des clauses financières pour protéger leurs intérêts. Ces audits constituent une opportunité pour s’assurer que le partenariat respecte les exigences locales et génère des bénéfices équitables pour les deux nations.
Cette affaire illustre les défis auxquels les pays en développement sont confrontés dans la gestion de leurs ressources naturelles face à des multinationales puissantes. Les conclusions finales des audits seront déterminantes pour l’avenir du projet et pour les recettes à long terme du Sénégal et de la Mauritanie.
Dès leur arrivée au pouvoir, les nouvelles autorités sénégalaises ont engagé la bataille de la renégociation des contrats stratégiques, notamment dans le secteur pétrolier et gazier.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a ainsi installé, le 19 août 2024, la commission chargée de baliser le terrain afin que les autorités puissent engager des discussions avec les multinationales qui évoluent dans le secteur extractif.
Lors d’une interview à la chaîne qatarie Al-Jazeera le 29 septembre dernier, le président de la République, après l’annonce, début avril, d’un audit du secteur extractif, est revenu sur la mise en place d’une commission d’examen chargée de faire l’inventaire des contrats signés par le Sénégal en matière d’exploitation des hydrocarbures. «Si les parties [étrangères] n’ont pas respecté les engagements et les obligations que la loi leur impose au Sénégal – ou que les contrats qu’ils ont signés leur imposent – évidemment qu’il va falloir revenir à une plus grande équité et un plus grand équilibre contractuel», déclarait-il.
Rappelons que le Sénégal est devenu producteur de pétrole le 11 juin (avec un objectif de production de 100 000 barils par jour) et est en passe de commercialiser son gaz (2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an) d’ici à la fin 2024, les contrats d’exploitation de ces ressources sont jugés «très défavorables» par les nouvelles autorités. Conformément à ses promesses de campagne, le Président Bassirou Diomaye Faye, élu le 24 mars, avance peu à peu ses pions sur cet échiquier complexe.
Entre 15 à 16 millions de barils de pétrole brut produits en 2024
Hier, le ministre de l’Energie, du Pétrole et des Mines a annoncé la publication, par ses services, des résultats de la production de pétrole de Sangomar pour le mois de novembre. Birame Soulèye Diop a ajouté dans son post sur le réseau social X que d'autres résultats de projets pétroliers et miniers seront publiés prochainement. «A la fin du mois de novembre 2024, l’ensemble des puits de production a pu être démarré. Ils sont tous disponibles pour être connectés aux lignes de production, selon le planning optimisé de production de chaque puits. L'objectif, c'est d'assurer l'extraction globale de 100.000 barils de pétrole brut par jour. La production totale du site de Sangomar, pour le mois de novembre 2024, est de 2,94 millions de barils de pétrole brut. Au cours de ce mois, trois (3) cargaisons d'un volume total équivalent à 2,89 millions de barils ont été enlevées et commercialisées sur le marché international. En 2024, la production annuelle devrait s’établir autour de 15 à 16 millions de barils de pétrole brut. Ce nouvel objectif est au-dessus de la cible initiale de 11,7 millions de barils», a noté le ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines dans un communiqué.
Sidy Djimby NDAO












