Sa libération a été annoncée dans la première vague d’élargissement des détenus récemment ; malheureusement, Amy Dia est restée en prison. Gravement malade et internée, selon ses proches, Amy Dia va boucler bientôt deux ans de détention sans aucun jugement. C’est la raison pour laquelle le Mouvement national des femmes de Pastef est monté au créneau encore une fois pour exiger sa libération immédiate et sans conditions. Elles ont aussi saisi l’occasion pour rejeter la loi d’amnistie.
Le Mouvement national des jigeen patriotes (Mojip -mouvement des femmes de Pastef) a choisi la date du 1er mars, mois dédié à la femme partout dans le monde, pour solliciter la réaction des autorités sénégalaises sur le cas de Amy Dia et toutes les détenues politiques qui sont restées en prison, malgré les vagues de libérations. « Elle est détenue depuis trop longtemps, Amy Dia et sa famille ne méritent pas ce qu’on leur fait subir depuis bientôt deux ans », déclare Mbène Faye, vice-présidente du Mojip, qui a lu la déclaration dudit mouvement. Selon elle, derrière la figure emblématique Amy Dia, il y a plusieurs femmes, détenues politiques, dont le seul tort c’est de faire valoir leur citoyenneté. « Au lieu des grandes actions volontaristes, comme le font les grands États, nous en sommes aujourd’hui réduits à nous mobiliser pour exiger le respect d’un des droits le plus élémentaires d’un être humain, celui de la manifestation et d’expression de son opinion. Que tout le monde sache que nous femmes sénégalaises n’avons pas le cœur à célébrer la Journée de la femme avec des festivités », fait savoir le porte-parole du jour, selon qui, comme il ne suffisait à ce régime de « brimer et tuer nos enfants, on kidnappe des femmes à travers des détentions préventives interminables. Nous en avons assez de subir le manque de vision de nos gouvernants ».
A les en croire, l’Etat de santé de Amy Dia qui s’est détérioré n’est pas compatible avec le milieu carcéral. « Lors de son arrestation, elle ne souffrait d’aucune maladie, mais la voilà très malade maintenant. C’est déjà un motif valable pour la libérer. Nous exigeons en même temps la libération de tous les détenus politiques, la tenue de l’élection présidentielle avant le 2 avril, la lumière sur toutes les exactions commises lors des manifestations
Rappelant l’assassinat de Mariama Sagna, une des leurs qui a été la toute première victime enregistrée par Pastef, le Mojip dénonce toute la souffrance vécue depuis lors par leur parti dissous arbitrairement. « Nous avons vécu l’horreur avec le régime de Macky Sall qui a été désigné par le peuple sénégalais pour nous diriger. Des plaies resteront ouvertes tant que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité n’est connue sur toutes les accusations portées contre nous », affirme Mme Faye, qui précise que le Mojip s’érige contre toute entreprise d’amnistie destinée à instaurer l’impunité sur des faits aussi graves.
Maimouna Dièye embouche la même trompette pour demander au Président Macky Sall de continuer la libération des détenus pour soulager leurs familles : « n’écoutez pas les aigris, continuez sur cette voie, libérez ces pauvres femmes et tous les détenus politiques qui ont assez duré dans les geôles ».
Aminata Touré, venue assister à la rencontre, déplore le manque d’humanisme de nos gouvernants. « Au-delà de sa maladie, depuis quand le régime de la détention préventive dure autant. Détenir une mère de famille sur aucune base légale durant 23 mois, il faut être Macky Sall pour le faire », fulmine-t-elle en exigeant la libération de Amy Dia sans délai. Pour elle, cette détention de Amy Dia et toutes les autres détenues politiques est une insulte à l’image du Sénégal. « Priver la liberté à autant de femmes pour des activités purement politiques, c’est ignoble. On dit condamner les violences faites aux femmes, mais ceci est une forme de violence perpétrée sur des braves femmes qui n’ont pour tort que d’aimer leur patrie. Monsieur le Président, il ne vous reste que 30 jours, faites-en quelque chose de bien », soutient Aminata Toure.
La fille de Amy Dia : « nous ne voulons pas la voir mourir en prison, rendez-nous notre maman avant qu’il ne soit trop tard »
La coordinatrice du Collectif des familles de détenus trouve injuste que des personnes prises en flagrant délit aient pu bénéficier de liberté provisoire juste après quelques semaines de détention, sous prétexte d’une santé fragile, et que Amy Dia dont le taux de glycémie est monté jusqu’à 4 ne soit pas élargie. S’adressant au Président Macky Sall directement, cette dernière déclare : « ils vous ont raconté des mensonges vous mettant en mal avec le peuple sénégalais qui vous a confié sa destinée pendant 12 longues années. Vous semblez vous réveiller enfin de votre long sommeil. S’il y avait des terroristes, des forces spéciales dans ce pays, la situation aurait été complètement différente de ce que nous vivons actuellement. Ils nous ont persécutés, violentés sous votre bénédiction, mettez-y un terme et libérez tous les détenus politiques, surtout Amy Dia ».
La fille de Amy Dia, Nandine, a aussi pris part à la rencontre organisée par les femmes de Pastef pour demander la libération de sa maman. A l’en croire, elle et ses frères sont déboussolés depuis l’arrestation de leur maman. Livrant un émouvant témoignage sur sa mère, Nandine dit ne pas comprendre jusque-là comment sa maman, cette femme travailleuse, attentionnée, qui est aux petits soins avec ses enfants, a pu être accusée de terrorisme. « Entendre son nom suivi de forces spéciales dans les éditions a été traumatisant pour nous. Ce mot que nous n’avions jamais entendu auparavant, nous était devenu si familier en quelques jours. J’ai toujours pensé que le Sénégal était un pays de démocratie, mais la réalité est autre malheureusement », s’indigne-t-elle.
La jeune fille de se demander si c’est dans son propre pays que l’on subit autant d’injustices ; l’Etat n’aurait certainement pas bougé le petit doigt pour lui venir en aide si sa maman avait eu des problèmes dans un pays étranger. « C’est dur de voir sa maman en détention, malade, perdant presque tous ses moyens. Chaque visite est une épreuve. Pour une personne qu’on avait l’habitude d’avoir à ses côtés tous les jours, maintenant, c’est 10 minutes chaque mardi. A chaque fois que l’on nous signale la fin de la visite, le monde s’arrête de tourner », fait-elle savoir, avant d’interpeller les autorités : « nous ne cesserons de nous battre pour elle. Nous ne voulons pas la voir mourir en prison, rendez-nous notre maman tant qu’il est encore temps ».
Mame Diarra, une ancienne détenue, au bord des larmes, implore la Première dame : « en tant que mère et sœur, nous demandons à Marieme Faye Sall de plaider en la faveur des femmes détenues politiques auprès de son mari. Aucune femme ne devrait cautionner ce que nous vivons en prison. Nous sommes torturées et personne n’intervient. S’il vous reste une seule bonne action à la tête de ce pays, utilisez-la pour libérer Amy Dia avant qu’il ne soit trop tard », conclut-elle.
Ndeye Khady D. FALL










