Cri de cœur d’un Afro-Américain, fils du Sénégal qui se démarque, au nom de sa communauté, des décisions d’interdiction de voyager et de refus de visas de l’Administration Trump à l’endroit du Sénégal
Chers Peuples du Sénégal
Je ne suis pas sénégalais ou citoyen du Sénégal, mais je suis un fils du Sénégal. J'ai commencé à voyager au Sénégal depuis 1991.
Je vous écris avec un profond respect et un sincère regret concernant les récentes menaces d’interdiction de voyager émises par l’administration Trump et le refus de visas à l’équipe nationale féminine sénégalaise de basketball, ce qui a, de manière compréhensible, causé déception et frustration parmi de nombreux citoyens sénégalais et amis de nos deux nations.
Le Sénégal et les États-Unis partagent une longue et fière histoire de partenariat, fondée sur le respect mutuel, des valeurs communes et des liens durables. Depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, nos pays entretiennent de solides relations politiques, culturelles, économiques et militaires. Le Sénégal a longtemps été reconnu comme un phare de la démocratie et de la stabilité en Afrique de l’Ouest, et les États-Unis considèrent le Sénégal comme un allié essentiel et une porte d’entrée vers le continent. Notre collaboration s’étend à de nombreux domaines, allant de la coopération économique et des investissements bilatéraux aux opérations militaires conjointes et aux missions de maintien de la paix à travers l’Afrique.
Sur le plan culturel, nos nations sont profondément liées. Le Sénégal, en tant que point de départ historique de millions d’Africains lors de la traite transatlantique des esclaves, occupe une place d'une grande signification pour les Afro-Américains. Beaucoup d’Afro-Américains considèrent le Sénégal comme une terre ancestrale, et des initiatives récentes ont cherché à renforcer les liens entre la diaspora africaine et le Sénégal, favorisant la guérison, la prospérité partagée et la compréhension mutuelle. Nos échanges éducatifs et culturels, incluant des programmes comme Fulbright, YALI et les commémorations de Juneteenth, ont encore enrichi les liens entre nos peuples.
Le Sénégal et les États-Unis se sont également engagés ensemble dans la recherche de la paix et de la sécurité. Notre accord de coopération en matière de défense, signé en 2016, a permis une coordination étroite pour faire face aux menaces régionales et soutenir la stabilité en Afrique de l’Ouest. Les troupes sénégalaises ont participé aux côtés des forces américaines à des missions de maintien de la paix, et nos pays ont travaillé main dans la main pour promouvoir la démocratie, la santé publique et le développement économique.
Les liens entre le Sénégal et les Afro-Américains sont particulièrement forts et uniques. L’île de Gorée, au large de Dakar, est un symbole puissant de mémoire et de réconciliation. Chaque année, des milliers d’Afro-Américains visitent la Maison des Esclaves de l’île de Gorée pour rendre hommage à leurs ancêtres et réfléchir à l’héritage durable de résilience et d’espoir. Ce pèlerinage est devenu un rite de passage pour beaucoup, y compris des personnalités telles que le Président Barack Obama, la Première Dame Michelle Obama et l’icône des droits civiques Jesse Jackson, qui ont tous visité le Sénégal pour honorer ces racines communes.
Le Sénégal a également accueilli des Afro-Américains désireux de renouer avec leur héritage et de contribuer au développement de la nation. On peut notamment citer le regretté Dr John Henrik Clarke et la poétesse Maya Angelou, qui ont séjourné au Sénégal, tissant des ponts intellectuels et culturels. Dakar, en particulier, a vibré au rythme des échanges avec de nombreux artistes, musiciens et universitaires afro-américains, favorisant un échange dynamique d’idées et de créativité.
De plus, les communautés sénégalaises et afro-américaines ont collaboré dans la lutte pour les droits civiques et la justice sociale. L’influence de leaders sénégalais comme Léopold Sédar Senghor sur la Renaissance de Harlem et le mouvement de la Négritude a inspiré des générations d’écrivains et de penseurs afro-américains. Aujourd’hui, les partenariats entre organisations sénégalaises et afro-américaines continuent de promouvoir l’éducation, l’entrepreneuriat et la compréhension culturelle.
C’est donc avec une tristesse particulière que nous reconnaissons le récent refus de visas à l’équipe nationale féminine sénégalaise de basketball. Le sport a toujours servi de pont entre nos nations, offrant des opportunités d’échanges culturels, d’autonomisation et d’amitié. L’exclusion de ces talentueuses athlètes de la compétition internationale aux États-Unis va à l’encontre de l’esprit de coopération et de respect qui a toujours défini notre relation.
Nous reconnaissons la douleur et la déception que cela a causées, d’autant plus que le Sénégal a une histoire exemplaire de partenariat et des liens historiques avec notre peuple, en particulier les Afro-Américains qui voient le Sénégal comme un lieu de mémoire et de reconnexion.
Il est important d’affirmer clairement que les actions du gouvernement américain dans ce cas sont le résultat d’une idéologie suprémaciste blanche qui, malheureusement, a capturé certaines institutions gouvernementales. Cependant, cette idéologie ne représente ni la volonté ni l’esprit du peuple américain dans son ensemble. Les Afro-Américains, en particulier, s’opposent fermement à toutes les formes de racisme antinoir, tant chez eux qu’à l’étranger. Nous restons déterminés dans notre engagement à lutter pour la justice, l’égalité et la dignité de tous les peuples d’ascendance africaine. Notre lutte ne concerne pas seulement notre propre communauté, mais aussi nos frères et sœurs à travers l’Afrique et la diaspora. Nous continuerons à élever nos voix, à bâtir des alliances et à œuvrer sans relâche pour démanteler les forces du racisme et de l’oppression, où qu’elles existent.
Au nom de ceux qui chérissent l’amitié durable entre le Sénégal et les États-Unis, je présente mes excuses les plus sincères pour ces actions. Elles ne reflètent ni l’esprit du peuple américain, en particulier les Afro-Américains, ni le profond respect que nous portons au Sénégal et à ses citoyens. Nous restons engagés à restaurer la confiance, à renforcer notre partenariat et à garantir que les ponts que nous avons bâtis ensemble—politiques, culturels, économiques et personnels—ne soient jamais rompus.
Avec le plus profond respect et l’espoir d’une amitié toujours renouvelée,
Dr. Jeremy LEVITT
Distinguished Professor of International Law
Son of Senegal











