Le ton est grave, les mots choisis, tranchants comme une lame. Le député Abdou Mbow, figure du groupe parlementaire Takku-Wallu Sénégal, est monté au créneau pour dénoncer ce qu’il qualifie de "dérive putschiste" du Premier ministre Ousmane Sonko. Une sortie qui intervient après la charge spectaculaire du leader de Pastef, accusé d'avoir défié publiquement l’autorité du chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, et d’avoir tenu des propos « aux limites du séditieux ».
« Les masques sont tombés. Le vernis républicain dont se paraient Sonko et ses camarades de Pastef a craqué de toutes parts. Nous voyons désormais leur vrai visage, une absence criarde de sens de l’État », fustige Abdou Mbow dans une déclaration transmise à la presse.
Le député n’a pas mâché ses mots pour qualifier l’attitude de l’actuel Premier ministre, dont la récente sortie médiatique a semé le trouble jusque dans les rangs de la majorité. « Ousmane Sonko s’est arrogé un rôle qui n’est pas le sien, s’érigeant en co-Président, voire en actionnaire majoritaire du pouvoir exécutif. C’est une imposture dangereuse », tonne-t-il. « Il a intimé l’ordre au président de la République de gouverner selon les règles de Pastef et non celles de la République. Cela frôle l’insurrection institutionnelle ! »
Selon Abdou Mbow, cette attitude traduit une volonté manifeste de « bafouer l’autorité présidentielle et de réécrire les équilibres républicains au profit d’un clan ». Une posture que le député assimile à une « nostalgie du politburo soviétique ».
Dans sa déclaration, Mbow s’indigne également des propos tenus par Sonko à l’encontre de la magistrature et de la société civile, qualifiés de « fumiers » par le Premier ministre. Des mots lourds de conséquences qui, selon lui, auraient dû entraîner une réaction immédiate du Parquet. « Nous avons vu le procureur s’autosaisir pour moins que cela. Où est-il aujourd’hui face à un Premier ministre qui insulte les magistrats et piétine l’indépendance des institutions ? », interroge le parlementaire.
La séquence actuelle, selon Abdou Mbow, est la suite logique d’un climat de tension installé depuis mars 2024, avec un exécutif à double tête et des rivalités internes désormais étalées au grand jour. « Notre République vit au rythme de Sonko depuis l’affaire Adji Sarr. Aujourd’hui encore, c’est pour faire oublier les dérapages de son vice-président à l’Assemblée nationale qu’il sort dans cette diatribe haineuse. Le Sénégal est devenu une vaste chronique judiciaire. »
Face à ce qu’il considère comme une « tentative de banalisation de la fonction présidentielle », Abdou Mbow appelle à un sursaut collectif de la classe politique et de la société civile. « J'en appelle à une convergence de toutes les forces démocratiques pour préserver l'intégrité de la fonction présidentielle. Le Sénégal n’appartient ni à Sonko, ni à Pastef. »
L’ancien vice-président de l’Assemblée nationale exhorte également le Président Bassirou Diomaye Faye à faire preuve de fermeté et à incarner pleinement l’héritage institutionnel du pays. « Il est l’héritier d’une lignée de chefs d’État qui ont su faire rayonner la fonction présidentielle. Il ne peut permettre que l’image du Sénégal soit ternie par des propos séditieux. Notre pays a toujours été respecté pour sa stabilité. Ce prestige est aujourd’hui en péril. »
Et de conclure dans une mise en garde solennelle : « les Sénégalais n’accepteront jamais de vivre sous la tyrannie ni de se taire face à l’abus de pouvoir. Soyons plus que vigilants. Nous vivons un moment dangereux. »
Une déclaration au vitriol qui augure d’une rentrée politique sous haute tension. Le duel entre le Président Diomaye Faye et son Premier ministre pourrait bien redessiner les lignes de fracture de la scène politique sénégalaise.
Baye Modou SARR