Au lendemain du scrutin des législatives anticipées du 17 novembre 2024, le Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce) a rendu publiques ses observations notées durant le scrutin. C’est son président, le constitutionnaliste Pr Babacar Guèye, qui a fait le point en trois parties : la gestion globale du contrôle, les dysfonctionnements notées et les recommandations.
Face à la presse, hier, l’universitaire a exprimé sa profonde gratitude au peuple sénégalais le jour du scrutin, pour sa maturité démocratique et son engagement exemplaire. Le collectif a salué la mobilisation citoyenne, la patience et l'attachement aux valeurs de paix et de transparence, qui sont les fondements de la nation. Le Cosce a constaté que le vote a démarré à l'heure dans 52% des bureaux de vote et dans certains, le Cosce dit avoir noté qu’ils ont accusé un léger retard d’ouverture. La cause évoquée par le professeur, principalement en raison du temps nécessaire pour aménager les bureaux, compte tenu du nombre élevé de bulletins. Ainsi, il précise que 99% des bureaux étaient ouverts à 10 heures. Il précise aussi que dans 4% des bureaux de vote, les membres permanents n'ont pas procédé à la vérification du doigt des électeurs avant l'étape de collecte des bulletins de vote.
La Mission d'observation électorale (Moe) souligne que 31% des bureaux n'avaient aucun personnel féminin, et seulement 33% des agents électoraux étaient des femmes. Elles représentent 49.52% de l’électorat. Il faut préciser que 97% des bureaux ont fermé entre 18h et 18h15, et 3% entre 18h15 et 19h. Les électeurs présents dans les files d'attente à l'heure de fermeture ont systématiquement pu exercer leur droit de vote. Le procès-verbal a été systématiquement signé par les membres du bureau ainsi que les représentants de la Cena.
L’autre constat fait, des électeurs ont quitté le bureau de vote munis des bulletins non utilisés dans 65% des bureaux. Cette situation constitue une atteinte au principe du secret de vote et peut favoriser la corruption politique à travers l'achat des voix. Le taux de participation après la clôture des bureaux est estimé à 50% avec une marge d'erreur de ± 0,8% selon les données statistiques collectées par le Cosce. Ainsi, une légère hausse est enregistrée par rapport aux élections législatives de 2022 (46,6%), mais reste légèrement inférieure à celle des élections législatives de 2017 (53,7%).
L’autre point évoqué, ce sont les incidents notés. Les observateurs de la Moe du Cosce ont enregistré des incidents sans conséquences. Un cas de corruption politique a été signalé à Dakar, impliquant la distribution de nourriture accompagnée de consignes de vote destinées aux électeurs. Les Forces de défense et de sécurité sont rapidement intervenues pour rétablir l'ordre. À Diourbel, un mandataire de la coalition Takku-Wallu a signalé l'absence des bulletins de vote de sa coalition dans un bureau de vote. Après vérification, il est apparu que les bulletins avaient bien été envoyés par l'administration compétente. Mais les observateurs précisent que les bulletins n'avaient pas été correctement disposés. Cette situation a entraîné une suspension temporaire du processus de vote avant la reprise des opérations.
Après avoir fait ces constats par les observateurs qui ont rapporté au Cosce, le professeur a fait des recommandations aux autorités pour corriger ce qui l’est. Le Cosce recommande d'accroître l'indépendance et l'autonomie financière des Oge, en particulier en institutionnalisant la Commission électorale nationale, conformément aux préconisations de la Charte de l'Union Africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance.
Pour améliorer l'inscription des citoyens, le Cosce recommande d'instaurer une inscription automatique des citoyens devenus majeurs, en utilisant le fichier des cartes nationales d'identité. De plus, un système en ligne permettant aux électeurs de changer leur adresse électorale pourrait être mis en place. La réforme du système de parrainage est nécessaire, notamment en introduisant une plateforme d'enregistrement et de contrôle automatique. Le Code électoral devrait être modifié pour permettre aux listes concurrentes de contester l'éligibilité des candidats.
Un cadre juridique pour le financement public des partis politiques et des campagnes électorales est crucial pour renforcer l'égalité des chances entre les candidats. Le Cosce propose l'introduction du bulletin unique pour les différentes élections, afin de préserver le secret du vote, simplifier les opérations électorales, lutter contre l'achat de conscience et rationaliser les dépenses électorales.
Le Cosce propose la révision des délais du régime juridique des élections législatives anticipées. L’objectif recherché, c’est pour encadrer le processus dans le Code électoral conformément aux dispositions constitutionnelles.
En effet, le professeur et ses collaborateurs dans le Cosce estiment que les concertations nationales annoncées par le président de la République devraient permettre d'aborder le financement des partis politiques, la rationalisation du calendrier électoral et la création d'une Haute autorité de régulation de la démocratie. Une meilleure prise en compte des besoins des personnes en situation de handicap a été évoquée aussi. Ces citoyens sont confrontés à de nombreux obstacles lors du scrutin. Sans oublier aussi les détenus et les citoyens en mission, en envisageant des mécanismes législatifs permettant leur participation au vote.
Baye Modou SARR