​LETTRE OUVERTE: un Inspecteur Général d'Etat à la retraite écrit à Macky Sall



Monsieur le Président de la République
 Selon un vieil adage,  «L’occasion fait le larron».  Ainsi, c’est  à  des  faits  incompris  que  je  dois  la  forme épistolaire donnée à cette lettre adressée à votre Excellence. Canal audacieux  –  irrévérencieux,  jugeront  certains  -  utilisé par un  ex-haut fonctionnaire qui, au  demeurant,  a servi  l’Etat et la Nation cinq (5) décennies durant, dont un relatif long bail passé à la Présidence de la République. Toutefois,  Monsieur  le  Président  de  la  République, vu  ce  qui  suit,  peut-être,  avaliserez-vous ce chemin, il est vrai,  quelque peu insolite  en l’espèce ;  à tout le moins, m’affublerez-vous  de  « circonstances  atténuantes » ou  même,  me mettrez-vous  sous le parapluie  d’une « excuse de provocation », fait d’autrui (voir par ailleurs).
De quoi s’agit-il exactement ?
Pour  cause  ne  vous  échappant  sûrement  pas, mes camarades d’infortune m’avaient investi,   il y a longtemps déjà de la redoutable  mission de vous servir une note  portant sur maints sujets et valant, également, demande d’audience.
Aussitôt décidé, sitôt fait. Lors  de  la  cérémonie  de  remise  des  décorations dans  les  Ordres  nationaux,  tenue  le  10  décembre  2016, lorsque  ce  fut  mon  tour  de  passer  devant  vous,  j’avais  mis en vos mains propres ledit pli. En  quittant  le  cocktail  offert  aux  officiels,  aux  récipiendaires  et  à  leurs  invités,  je  vous  avais  expressément  dit :  « au  revoir  Monsieur  le  Président,  nous  sommes  à  votre  écoute ».  Votre  réaction  fut  alors de  dire : «   j’espère qu’on  (Chef du Protocole, Aide de Camp,  Assistante  du  PR  ou  du  Grand  Chancelier,  Maître  d’œuvre du  jour ?)  m’apportera  mon  courrier »,  en  l’occurrence, celui reçu  de  moi  et, au même instant,  déposé  derrière vous, sur  la  Table  d’Honneur.  Ce  verbe  me  donna  alors un  frisson.  Plus,  mon  sang  ne  fit  qu’un  tour,  à  penser à une disparition probable de notre note et, subséquemment, à un silence involontaire de votre part.
En  tout  état  de  cause,  jusqu’en  septembre  2017, notre  collectif  n’eut  aucun  feed-back.  Auparavant,  j’avais  tenté de vous relancer par le biais de deux de vos très proches collaborateurs,  Ministre  d’Etat  et  Ministre,  dont  je  tais volontairement  les  noms.  Leurs  réactions  explicite  et  tacite avaient été, l’une renversante, l’autre  des plus décevantes. Qui  disait  que  le  pouvoir  grise ?  Que  le  pouvoir  absolu corrompt absolument ?
Pour  le  premier, « vous  êtes  seul  à  maîtriser votre  agenda » :  réponse  avenante,  mais  propos  non à propos, car  cela je le sais bien  ; rien de nouveau n’a coulé sous le pont. Et pourtant ! Mais tout n’est ni bon ni nécessaire à révéler.
Le  second,  absenté  toutes  les  fois  où  j’appelais,  n’avait pas  daigné  réagir,  en  dépit  du  fait  que  mes coordonnées, pourtant demandées  par  son Assistant, lui  avaient été laissées :  c’est  discourtois  et  irrespectueux ; ce n’est pas loin d’un  mépris  total,  d’une  condescendance  pure  et  simple. C’était  comme  si,  déflaté  de  la  Fonction  publique par  la  force  de  la  loi,  (Retraite  après  de  « bons  et  loyaux  services »),  j’étais  devenu  un  vulgaire  type,  un  monstre de  paria.  Néanmoins,  à  me  rappeler  qu’en  tout  pays, on  parle  de  l’ingratitude  de  l’Administration  vis-à-vis de ses ex-agents, je relève et me désole, sans m'offusquer. De  simples  citoyens  et,  mieux  et  plus,  deux  superbes et  vénérables  Khalifes  généraux,  après  avoir  loué,  avec  beaucoup  de  verve,  vos  réalisations  dans  leur  capitale  religieuse, ne vous ont-ils pas, solennellement et,    sans aucune forme  de  procès,  recommandé  de  revoir  votre  entourage ?
Que si ! Que fort ! La  voie  administrative  ainsi  fermée  et,  moi, fort désappointé,    mais non découragé, je  vous ai fait parvenir, en  septembre  2017,  la  note  susvisée,  réactualisée    le  mois précédent  pour  faits  nouveaux,  par  l’intermédiaire d’une  personnalité  de  premier  plan  de  votre  parti et  de  l’Assemblée  nationale,  frère  d’une  connaissance. Au passage, je  la  remercie de tout cœur pour  son interpellation rapide  de  votre  Assistant  d’alors,  pour  ses  vives recommandations,  quant  aux  soins  particuliers  à  réserver  à ma correspondance, et enfin,  pour le bref rappel d’un passé partisan que vous et moi avons partagé. Un  peu  plus  tard,  je  m’étais  assuré  de  la  suite,  du  côté  de  ce  membre  de  votre  Cabinet,  selon  qui  le  pli  avait  été  « bien  reçu  et  introduit  en  votre  bureau », dans  la  dernière  décade  de  Septembre  2017, après  votre  retour  de  la  Session  de  l’Assemblée  générale des Nations unies.
Crime  de  lèse-majesté ?  En  tout  cas,  mes  nombreuses demandes  de  vous  parler  ont  rencontré  une  fin de non-recevoir auprès de lui :  « je ne peux vous le passer ; il  sera  informé ;  laissez vos numéros ;  on  vous  rappellera ». Sempiternelle  réplique !  Attente  longue  et  vaine, d’hier à aujourd’hui !  A  plusieurs  reprises,  mes  mandants  dans  cette  affaire m’ont  questionné  à  ce  sujet.  Je  leur  ai  toujours  assuré de ma foi, relativement à une réponse expresse de votre part, en  arguant,  parallèlement,  de  vos  multiples  occupations nationales  et  internationales,  pour  expliquer  votre  mutisme. Peut-être  sont-ils  profondément  désespérés :  depuis  belle lurette,  ils ne  viennent plus aux    nouvelles.  Et sauf à être prêt d’user  de  faux-fuyants,  moi-même,  à  court  d’arguments vraiment  acceptables  à  leur  servir,  je  ne  les  appelle  point, depuis quelques mois. Ceci explique peut-être cela. Certes,  avoir  perdu  la  première  manche  est  difficile à  porter, toutefois,  je  ne  peux  baisser  les  armes, eu  égard  à  l’honneur   et  à  la  confiance  faits  à  ma  modeste personne  par  mes  illustres  « clients ».  Au  demeurant, pour  moi,  « la  responsabilité,  c’est  le  règne  de  la  raison   sur la sensibilité ». Alors, Je suis encore à votre écoute.
 
Mes honneurs, Monsieur le Président de la République.
M. Amadou NDIAYE  
Inspecteur général d'Etat de Classe exceptionnelle, Retraité    
Tél : 33 834 84 81 (D)
77 324 30 79 (P) et 77 646 03 78 (P)

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