YASSINE FALL, MINISTRE DE LA JUSTICE, FRAPPE FORT : «Les crimes de sang et les atteintes graves à la vie n’auront aucune indulgence»




 
 
 
En visite à la prison de Rebeuss, la garde des Sceaux dénonce la surpopulation carcérale, épingle l’ancien régime et annonce une réforme profonde de la politique pénale.
 
La ministre de la Justice, garde des Sceaux, Yassine Fall, a effectué ce lundi matin sa première sortie officielle à la maison d’arrêt de Rebeuss. Une visite à forte charge symbolique et politique, au cours de laquelle elle a dressé un état des lieux sans concession du système carcéral sénégalais et présenté les grandes lignes d’une nouvelle politique pénale «plus humaine, plus efficace et plus conforme à nos valeurs».
 
 
 
«Aucune indulgence pour les crimes de sang et les actes de prévarication»
 
Dès les premières minutes de sa déclaration, Yassine Fall a donné le ton : fermeté et clarté. «Les crimes de sang, les atteintes graves à l’intégrité physique ou à la vie, ainsi que les actes de prévarication sur les deniers publics ne sauraient bénéficier d’aucune indulgence». Elle insiste sur la responsabilité de l’État à rendre justice aux victimes. «La répression sera pleine, entière et assumée par tous ceux qui bafouent les principes de justice, de probité et de sécurité qui fondent notre pacte républicain.»
Mais cette fermeté n’exclut pas une approche plus équilibrée. «Si la justice doit être humaine et réparatrice, elle doit aussi être ferme et sans complaisance face à la transgression des valeurs fondamentales de notre société.»
 
Rebeuss, une prison prévue pour 800, qui en accueille plus de 3000
 
Au-delà du discours sécuritaire, la visite à Rebeuss a permis à la garde des Sceaux de pointer du doigt une réalité préoccupante : la surpopulation carcérale chronique. «Conçue pour accueillir au maximum 800 détenus, la prison de Rebeuss héberge aujourd'hui plus de 3000 prisonniers. Cette situation constitue une atteinte à la dignité humaine et un frein à l’efficacité de nos politiques pénales», a-t-elle dénoncé. La ministre a rappelé que cette situation est régulièrement critiquée par l’Inspection générale de l’administration de la justice, les organes de contrôle indépendants et les partenaires internationaux. «Il ne s’agit pas d’une question de confort, mais d’un impératif de justice, d’humanité et de respect des engagements internationaux», a-t-elle martelé.
 
 
 
Un projet carcéral abandonné, «un scandale de prévarication»
 
Yassine Fall n’a pas hésité à mettre en cause la responsabilité de l’ancien régime dans l’enlisement de la politique carcérale. Elle a évoqué le Programme de modernisation des infrastructures judiciaires (Promij), qui prévoyait la construction d’un établissement pénitentiaire de 2500 places. «Ce projet, malheureusement, n’a jamais été achevé et s’est transformé en un véritable scandale de prévarication sur fonds publics», a-t-elle révélé.
Elle a souligné que depuis l’indépendance, aucune prison de grande capacité n’a été construite alors que la population carcérale ne cesse de croître. «Cette inaction prolongée nous a conduits à la situation dramatique que nous connaissons aujourd’hui.»
 
 
 
Vers une politique pénale de rupture
 
Face à ce constat, Yassine Fall annonce une “politique de rupture, de pragmatisme et de réforme”. Elle a détaillé une série de mesures destinées à désengorger les prisons et à réformer l’exécution des peines. «Nous devons sortir d’une logique purement répressive pour entrer dans une ère de justice restauratrice et d’insertion», a-t-elle déclaré avec fermeté.
Parmi les principales annonces rendues publiques par le ministre, il y a entre autres, «l’élargissement du recours aux alternatives à l’incarcération : médiation pénale, travail d’intérêt général ou port de bracelet électronique pour les délits mineurs ; aménagement systématique des peines, au moment du jugement ou en cours d’exécution, notamment pour les détenus malades, âgés ou en fin de peine ; activation de la procédure de grâce présidentielle, dans le respect des principes de justice et d’équité, afin de désengorger rapidement les établissements pénitentiaires ; relance effective du programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires modernes, sur la base d’un cahier des charges rigoureux et transparent», renseigne Madame Fall.
 
 
 
«La prison doit redevenir un lieu d’espoir et de deuxième chance»
 
Pour Yassine Fall, la réforme pénale doit s’appuyer sur une vision humaniste. «La prison ne doit plus être un lieu de désespoir, mais un lieu de réinsertion, d’espoir et de deuxième chance», a-t-elle insisté. Elle a également réaffirmé l’engagement de l’État envers les détenus, qu’ils soient en détention provisoire ou condamnés. «Je suis venue pour constater, mais aussi pour agir. Il urge d’apporter des réponses concrètes, conjoncturelles et structurelles à la surpopulation carcérale. C’est une exigence de justice et de dignité», a-t-elle conclu.
 
Baye Modou SARR
 
 
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