Ça y est, c’est fait. L’élection présidentielle qui devait se tenir le 25 février a été officiellement reportée et programmée pour le 15 décembre prochain. Malgré tous les subterfuges des députés de Yewwi Askan Wi et ceux de Taxawu Sénégal qui ont semblé retrouver leur complicité durant cette plénière, le président de l’Assemblée nationale a pu faire voter la proposition de loi du Pds portant modification de l’article 31 et reportant la présidentielle. Amadou Mame Diop a, en effet, été obligé de faire appel aux gendarmes pour faire sortir les députés de Yewwi et leurs acolytes de Taxawu, puisque ces derniers sont allés assiéger le pupitre pour empêcher le vote de la proposition. Même s’il ne restait que les députés de Benno et du Pds qui étaient censés voter la proposition de loi à l’unanimité, Ndèye Fatou Guissé de Benno s’est démarquée en votant contre.
L’histoire retiendra que l’Assemblée nationale a acté le report de la présidentielle pour 10 mois. Mieux encore, la proposition de loi portant ledit report a été votée sans la présence de Yewwi et Taxawu Sénégal qui ont été sortis de force de l’hémicycle par les gendarmes. En effet, après avoir évacué la flopée de questions préalables de députés de Yewwi et Taxawu, le président de l’Assemblée nationale a donné la parole à Mamadou Lamine Thiam, président du groupe parlementaire Liberté et Démocratie pour une motion préjudicielle. «En tant que porteur de la proposition de loi, je voudrais proposer à l’Assemblée un vote sans débat puisque par les questions préalables, l’Assemblée a entendu une grande partie des opinions. Plus d’une quarantaine de nos collègues se sont exprimés», a-t-il déclaré.
Une proposition que le président de l’Assemblée nationale a tenté de mettre aux voix avant de se faire envahir par les députés de Yewwi. Birame Soulèye Diop et Cheikh Alioune Bèye s’emparent du micro pour crier au vol. «Personne n’acceptera cette forfaiture. Peuple du Sénégal voilà vos ennemis, ils sont en train de bafouer toutes les règles établies pour la stabilité sociale», déclare le maire de Diamaguène Sicap Mbao. Birame Soulèye abonde dans le même sens pour tirer à boulets rouges sur ses collègues de Benno et du Pds. «Vous devriez avoir honte. Comment allez vous pouvoir regarder vos enfants dans les yeux et assumer ce que vous êtes en train de faire ?». Appuyés par certains de leurs collègues de Taxawu Sénégal, les députés de Yewwi ont assiégé le pupitre, forçant le président de l’Assemblée nationale Amadou Mame Diop à arrêter le décompte des voix. Devant leur insistance, ce dernier a dû quitter la salle en catimini sans même pouvoir suspendre la séance comme à son habitude.
Yewwi et Taxawu bloquent les travaux pendant plusieurs heures pour demander un débat général
Les députés de Yewwi et Taxawu reprochent au président de l’Assemblée nationale de ne pas demander un avis contraire à la proposition de Mamadou Lamine Thiam. C’est Guy Marius, toujours entouré de ses collègues au pupitre, qui explique, prenant Abdoulaye Wilane de Benno à témoin. «Le 29 décembre, vous aviez demandé un vote sans débat lors du passage du ministre des Forces armées et le président a demandé un avis contraire. Abba Mbaye est venue donner son avis avant que l’on procède au vote, alors pourquoi on veut nous imposer une autre procédure en nous ôtant ce droit ?»
Alors que Wilane tentait de les raisonner à partir même de sa place pour leur demander de venir s’assoir, Abdou Mbow, président du groupe parlementaire de Benno, lui intime l’ordre de s’asseoir et de ne pas s’en mêler. L’Assemblée entre dans un brouhaha indescriptible durant plusieurs minutes, certains restés sur leur air menaçant, s’agitant et balançant des piques à leurs collègues de Benno et du Pds, tandis que d’autres tentaient d’expliquer plus calmement leurs griefs à Abdou Mbow et ses collègues.
Birame Soulèye Diop, informé de la venue des gendarmes, prend le peuple à témoin. «Il paraît que les gendarmes sont en train d’être mobilisés ; nous prenons l’opinion à témoin ; tout ce qui arrivera, c’est de leur faute», balance-t-il.
Benno et Pds observent stoïquement la scène
Quelques minutes plus tard la cloche qui annonce l’entrée du président de l’Assemblée nationale sonne et Amadou Mame Diop arrive entouré des huissiers de l’Assemblée. Il n’a même pas eu le temps de s’asseoir que les députés de Yewwi lui font comprendre qu’ils ne bougeront pas du pupitre. Alors devant leur refus de regagner leurs places, Amadou Mame Diop déclare, avant de tourner les talons : «je suspends la séance pour prendre toutes les mesures qui siéent».
Barthélemy Dias, qui tente visiblement de convaincre ses collègues de Yewwi, se heurte à la détermination de Guy Marius Sagna de ne point bouger du pupitre.
Quelques instants après, Amadou Mame Diop revient pour aborder cette fois-ci les députés de Yewwi avec beaucoup plus de calme, mais ces derniers continuent de camper sur leur décision. Mieux, ils exigent la tenue d’un débat général. Malgré toutes les procédures employées par Amadou Mame Diop, les députés de Yewwi et Taxawu sont restés sur leur position. Il a fallu que les gendarme débarquent comme le jour de l’installation du bureau pour décanter la situation. Tous les députés qui assiégeaient le pupitre ont été conduits de force dehors par les gendarmes qui ont ensuite formé un cordon devant le pupitre pour que Amadou Mame Diop puisse poursuivre les travaux.
Diop Sy amende l’article 1er pour demander la tenue de la présidentielle le 15 décembre 2024
C’est ainsi qu’il a appelé Demba Diop Sy pour présenter son amendement. «Il a pour objet de modifier la date (….). En effet comme nous le savons tous, le mois d’août coïncide avec l’hivernage, l’élection présidentielle étant un scrutin national, tout Sénégalais doit être en mesure de l’accomplir (…) en raison de l’inaccessibilité de certaines parties du territoire à cette période hivernale, il s’avère nécessaire de fixer la date de la présidentielle à une période où tous les Sénégalais sont en mesure d’accomplir leur droit de vote. Autre effet important, ce sont les célébrations religieuses qui auront lieu à cette période : Magal au mois d’août, Gamou en septembre. Le décalage de la date de l’élection de 6 mois après la fin de son mandat coïncide avec la rentrée des cours et tribunaux prévue au mois d’octobre. Donc il est plus opportun d’organiser la présidentielle au mois de décembre, ce qui permettra d’appliquer les conclusions du dialogue national qui sera convoqué dans les prochains jours. Il me semble important de ne pas sortir de l’année électoral 2024», déclare le maire de Tivaouane.
Ndèye Fatou Guissé de Benno vote contre
Donc au lieu de tenir la présidentielle le 25 août, il est préférable de la décaler au 15 décembre 2024. Ainsi la proposition de loi du Pds pour le report de la présidentielle est actée avec 105 voix pour et une voix contre : celle de Ndèye Fatou Guissé, député de Linguère, membre du mouvement Fekke Maci bole de Youssou Ndour. La présidentielle se tiendra donc le 15 décembre 2024.
Ndèye Khady D. FALL