VIRAGE INQUIÉTANT DE LA DIPLOMATIE SÉNÉGALAISE Bougane Guèye fustige «l’alignement dangereux» de Dakar sur les juntes militaires et dénonce une rupture avec l’héritage diplomatique




 
 
 
Le ton est grave, la critique cinglante. Dans une tribune publiée ce week-end, Bougane Guèye, leader du mouvement Gueum Sa Bopp, tire la sonnette d’alarme sur ce qu’il qualifie de «dévalorisation» accélérée de la diplomatie sénégalaise. En ligne de mire : le Premier ministre Ousmane Sonko, accusé d’“alignement farfelu” sur les régimes militaires d’Afrique de l’Ouest, au détriment d’un héritage diplomatique forgé depuis l’indépendance.
 
 
 
La diplomatie sénégalaise traverse-t-elle un tournant périlleux ? C’est ce que laisse entendre Bougane Guèye, dans une tribune virulente publiée sous le titre sans équivoque : «Diplomatie : l’alignement farfelu du Sénégal derrière les juntes !». Dans cette tribune au vitriol, le leader du mouvement Gueum Sa Bopp accuse le nouveau pouvoir sénégalais de dénaturer l’héritage diplomatique du pays en s’acoquinant avec les régimes militaires de la sous-région. Une dénonciation qui met en lumière les signaux contradictoires envoyés par Dakar depuis l’arrivée au pouvoir du duo Diomaye-Sonko.
 
Un virage qui inquiète
 
À travers cette charge, Bougane Guèye s’interroge sur la direction actuelle de la diplomatie sénégalaise, marquée, selon lui, par un tournant idéologique dangereux. Il cite en exemple la récente visite d’Ousmane Sonko au Burkina Faso dirigé par une junte militaire. Ce geste, à ses yeux, marque une rupture non seulement symbolique mais aussi stratégique avec la ligne diplomatique du Sénégal. «Le Sénégal, par sa trajectoire, est reconnu comme un sanctuaire démocratique en Afrique», rappelle-t-il, dénonçant un «besoin obsessionnel» de rapprochement avec des régimes militaires peu soucieux de démocratie et de droits fondamentaux. Il déplore que le pays tourne ainsi le dos à ses alliés historiques et aux capitales démocratiques, créant un décalage entre l’image du Sénégal et les principes sur lesquels s’est bâtie sa crédibilité internationale.
 
Une tradition diplomatique galvaudée
 
Bougane de dresser un tableau élogieux de l’histoire diplomatique du Sénégal, qu’il juge aujourd’hui «piétinée par des aventures idéologiques sans boussole». «Le monde attend du Sénégal une diplomatie qui inspire, qui guide et qui incarne l’exemple», martèle Bougane Guèye, en soulignant que cette image construite avec patience est aujourd’hui menacée par des postures «populistes et provocatrices».
 
Une incohérence diplomatique flagrante
 
L’une des contradictions relevées dans le texte est la dissonance entre le Président Diomaye Faye, en visite officielle à Abidjan dans un esprit d’apaisement régional, et son Premier ministre qui, dans le même temps, s’affiche à Ouagadougou. « Quelle image veut-on donner du Sénégal ? Celle d’un pays qui joue sur deux tableaux ?», interroge Bougane, dénonçant une stratégie erratique où les signaux envoyés aux partenaires régionaux et internationaux sont brouillés.
Il va plus loin en soulignant que les pays dirigés par des juntes au sein de l’Uemoa (Mali, Burkina, Niger) représentent à peine 10% du poids économique de la zone, contre 8% pour le Sénégal à lui seul. Un argument économique pour inciter à plus de prudence dans les choix d’alliances et dans la conduite des relations internationales.
Sans détour, Bougane Guèye s’en prend également à la compétence de l’équipe en place. Il accuse le Premier ministre d’être incapable de «percer les secrets des réussites diplomatiques» du Sénégal, et la ministre des Affaires étrangères d’ignorer les leviers qui ont permis à des Sénégalais d’accéder à des postes prestigieux dans les grandes institutions internationales. À ses yeux, cette double faiblesse expose le pays à des «casus belli diplomatiques» imprévisibles.
 
Une alerte contre la banalisation du prestige
 
La conclusion de la tribune se veut un appel au sursaut. «Notre pays est écouté et respecté parce qu’il est stable, démocratique et crédible», écrit Bougane, qui craint que cette réputation ne soit sacrifiée sur l’autel d’un agenda politique aventureux. Il appelle les autorités à renouer avec une diplomatie de principes, ancrée dans le respect des normes internationales, la stabilité régionale et l’intérêt supérieur du peuple sénégalais.
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
LES ECHOS

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