Le marabout, Serigne Assane Mbacké et ses acolytes encourent des peines de prison de 10 ans et de 5 ans devant la chambre criminelle de Dakar où ils ont été jugés hier, mardi 4 novembre 2025. Ils sont poursuivis pour viol sur mineurs, actes contre-nature et corruption de mineurs.
En 2022, lorsque cette affaire de mœurs a été dévoilée au grand jour, beaucoup n'en revenaient pas, du fait de la personnalité du mis en cause. Il s'agit du marabout Serigne Assane Mbacké, que des mineurs ont accusé de viol, pédophilie, actes contre-nature et corruption de mineurs. Ainsi, trois ans après l’éclatement de l’affaire, ce n'est qu'hier que les faits ont été débattus devant la chambre criminelle de Dakar, où le religieux a été renvoyé en jugement, avec ses acolytes Abdourahmane Lo, Khadim Samb et Baïdy Sow. En effet, cette sombre histoire a été découverte lorsque O. Diouf a égaré son téléphone portable dans l'enceinte de son lycée. Hélas, il a eu la malchance de sa vie lorsque le portable a été retrouvé par des camarades de classe. Et lorsqu'ils ont par curiosité exploré son contenu, les élèves ont fait une découverte érotique. Il s'agit de messages à caractère sexuel que le jeune garçon échangeait avec plusieurs hommes adultes.
Choqués par ce contenu d'une gravité extrême, les écoliers avisent la direction de l'établissement. À son tour, le proviseur du lycée avise le père de O. Diouf. C'est au cours de leurs échanges que son géniteur a appris les relations qu'il entretenait avec les hommes qui sont impliqués dans l'affaire. Confronté à ces éléments tangibles, O. Diouf déballe tout, y compris les différentes agressions sexuelles qu'il dit avoir subies. Sa famille dépose une plainte qui a abouti à l'arrestation du marabout Serigne Assane Mbacké.
Les révélations dangereuses de O. Diouf
A la barre hier, O. Diouf est revenu sur les circonstances de sa rencontre avec l'hôtelier Abdourahmane Lo. D'après ses déclarations, tout commence par un message sur Facebook. "Salut joli boy, tu me plais beaucoup". O. Diouf, alors âgé de 17 ans et élève en classe de Première, avait répondu sans arrière-pensée, tout en précisant son âge, son statut d’élève. Pour mieux l’appâter, Abdourahmane lui conseille de se concentrer sur ses études. Quelques jours plus tard, il l’invite à l'hôtel et l’installe dans une chambre. "Il s’est d’abord mis à me caresser. Avant de passer à l’acte, le téléphone de la réception a sonné. En partant, il m’a remis 20.000 francs», raconte l’élève, qui dit avoir remis l’argent à Serigne Assane Mbacké, qui l’aurait initié à ce genre de pratique. Le même scénario se répète avec Ibrahima Badiane. Cette fois, c’est l’approche sentimentale. "Il suivait mes stories", raconte-t-il toujours. Des photos s’échangent. Ensuite, une invitation. Pour la première rencontre, durant le mois de Ramadan, il ne s'est rien passé. C'est lors de la seconde invitation qu'il s'est passé des choses entre eux.
Revenant sur le cas du marabout, Serigne Assane Mbacké, le garçon précise que ce dernier est un guide spirituel, un voisin de la famille depuis 20 ans. "C'est lui qui me met en rapport avec d'autres hommes. Il exigeait même que je lui présente mes autres connaissances pour élargir son réseau. Il m’a dit que si je pipais un seul mot, il dirait à ses disciples de s’en prendre à moi", a livré le mineur. "Un jour, dans sa chambre, il m’a dit de me déshabiller et m’a demandé de monter sur le lit. Il a déposé sa main sur mon épaule et m’a demandé de tourner et il m’a pénétré. Ça faisait mal. Mais il a forcé pour le faire".
Au terme de son interrogatoire, il a réclamé 50 millions de F Cfa en guise de réparation.
L'autre victime, M. Sow, 15 ans au moment des faits, déballe
Pour sa part, M. Sow, 15 ans au moment des faits et ancien camarade de O. Diouf, a pratiquement livré les mêmes accusations contre le marabout. "Jusqu’à présent, j’ai mal à l’anus. Je ne réclame rien, juste que la justice effectue son travail", a-t-il indiqué. Ce plaignant a admis avoir auparavant entretenu des rapports sexuels avec O. Diouf dans la chambre du marabout et en la présence de celui-ci.
Les prévenus nient
Face à ces dépositions accablantes, Abdourahmane Lo a nié avec véhémence le viol à la barre, tout en admettant à l’enquête des caresses mutuelles. Il a parlé d'une séance de photos lors de la visite de O. Diouf à l’hôtel où il travaille. Il avoue lui avoir offert 25.000 F Cfa pour qu’il répare son téléphone. Confronté aux messages compromettants sur son IPhone, il invoque le "piratage" et un téléphone "de seconde main". En effet, l’exploitation de son téléphone a permis aux enquêteurs de découvrir qu’il ne parlait qu’avec des hommes et les propos à connotation sexuels étaient très utilisés.
Le marabout Serigne Assane Mbacké, entendu à la barre, a adopté une dénégation systématique. Pourtant, à l'enquête, il avouait regretter d’être attiré par les jeunes garçons et avoir tenté de se soigner. Il justifiait ses penchants sexuels déviants par une poudre mystique administrée par un confrère. L'exploitation de ses téléphones a révélé la consultation de sites pornographiques homosexuels. "J’avoue prendre du plaisir en regardant ce genres de choses. Mais cela ne veut pas dire que je suis homosexuel", avait-il déclaré devant les agents enquêteurs.
À leur tour, les accusés Khadim Samb et Baïdy Sow ont farouchement nié leur implication, malgré des conversations WhatsApp explicites.
Dans son réquisitoire, le procureur a révélé que ces accusés ne méritent pas la clémence du tribunal. Il a requis 10 de réclusion criminelle pour viol contre Serigne Assane Mbacké, Khadim Samb et Baïdy Sow, et cinq ans ferme pour actes contre-nature et corruption de mineurs pour l’ensemble des accusés. La défense a plaidé l’acquittement au bénéfice du doute. Après avoir dit que le tribunal n’est pas une banque pour battre monnaie, l'avocat du marabout, Me Abdoulaye Tall, a fustigé "une procédure dangereuse". Délibéré est fixé au 2 décembre prochain.
Fatou D. DIONE